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se plaignant de la magnificence des bâtimens de son siècle, dit qu’il n’en étoit pas ainsi au temps de Romulus & de Caton, & qu’on ne voyoit point alors dans les maisons des particuliers, des portiques mesurés avec la décempède, & tournés au Nord pour prendre le frais. Saumaise sur Solin, p. 383. parle de la décempède.

Ce nom vient de decem, dix, & pes, pedis, pied.

☞ Les Encyclopédistes conservent le nom latin & le font masculin. Le decempeda étoit une verge ou règle divisée en dix pieds.

DÉCEMVIR. s. m. Magistrat des Romains, qui fut créé avec autorité souveraine pour faire des loix au peuple. Decemvir. Il fut ainsi appelé parce que ce pouvoir fut attribué à dix personnes ensemble. On déféra aux Décemvirs toute la puissance qu’avoient eue les Rois, & après eux les Consuls. Un seul d’entr’eux avoit les honneurs, & les marques de l’autorité, & les autres ensuite tour-à-tour, pendant l’année que duroit le Décemvirat. Les Décemvirs dressèrent la Loi des Douze tables, qu’on appela les loix Décemvirales, en quoi constitoit d’abord tout le Droit Romain. L’an 302. les Consuls Appius Claudius Crassinus & T. Genucius Augurinus furent contraints d’abdiquer, & on créa les premiers Décemvirs. L’année suivante dix autres leur succédèrent ; l’an 304. ils voulurent continuer, mais le peuple se souleva. On les fit abdiquer, & l’on reprit des Consuls. Les débauches d’Appius Claudius Crassinus, qui avoit été un des Consuls qu’on avoit fait abdiquer deux ans auparavant, & que l’on avoit fait depuis trois fois premier Décemvir, en furent la principale cause. Tite-Live, L. III. Denys d’Halicarnasse, L. X. Florus, L. I. C. 24. Cicéron, L. I. de finib. en rapportent l’histoire.

Il y eut aussi des Décemvirs militaires, & en différentes occasions on créoit des Décemvirs, pour régler & conduire certaines affaires ; de même qu’à présent on fait des Bureaux, on nomme des Commissaires, pour certaines affaires. Ainsi il y avoit des Décemvirs pour conduire une colonie, des Décemvirs pour faire préparer & présider aux festins que l’on faisoit de temps-en-temps à l’honneur de Jupiter & des autres Dieux ; des Décemvirs pour avoir soin des sacrifices ; c’étoient eux qui gardoient les livres des Sibylles ; & quelquefois ce n’étoient que des Septemvirs, ou des Triumvirs, c’est-à-dire, que c’étoient des Commissaires que l’on créoit pour ces choses, & que l’on nommoit Décemvirs, Septemvirs, Triumvirs, ou Duumvirs, selon qu’ils étoient dix, sept, trois, ou seulement deux, Voyez encore Quindecemvir. Voyez aussi Vigenere dans ses Notes sur T. L. p. 1570. 1653. Cet Auteur écrit toujours au pluriel Décemvires ; mais mal. Comme on ne dit point au singulier Décemvire mais Décemvir, il faut dire au pluriel Décemvirs, & non pas Décemvires.

Décemvir, est encore un autre Magistrat de Rome. On établit dix Juges, qu’on nomma Décemvirs, pour rendre la justice en l’absence du Préteur.

DÉCEMVIRAL, ale. adj. m. & f. Qui a rapport aux Décemvirs. Decemviralis, e. Cicéron appelle le corps des Décemvirs, le Collège décemviral. Les loix décemvirales. La puissance décemvirale. L’administration décemvirale ne prit pas son commencement lorsque l’autorité des Consuls passa entre les mains des Décemvirs, car après la mort de Romulus, durant l’interrègne, le maniment des affaires que prit alors le Sénat jusqu’à l’élection de Numa, est appelé par Denys d’Halicarnasse, L. II. décemviral ; parce que les Sénateurs partagés par dixaine commandèrent à tour de rôle, sçavoir un de chaque dixaine cinq jours de suite, ayant les faisceaux de verges & les Licteurs, ainsi que les Rois. Et cette dixaine étant finie, une autre commençoit. Vigenere, Annot. sur T. L. p. 1653.

DÉCEMVIRAT. s. m. Magistrature des Décemvirs, ou le temps qu’elle duroit. Decemviratus, Decemviratis votestas. Exercer le Décemvirat. C’est l’an 302. de Rome que le Décemvirat commença. Voyez Décemvir.

DÉCENCE. s. f. Honnêteté, bienséance qu’on est obligé de garder à l’extérieur dans le geste, dans les habits, &c. Conformité des actions extérieures avec les loix, les coutumes, les usages de la Société dont on est membre. Decorum, decentia. Il est de la décence d’un Ecclésiastique d’avoir un habit long, des cheveux courts. Il est de la décence d’être à genoux dans l’Eglise, d’être chapeau bas devant ses supérieurs. Les cérémonies de l’Eglise sont édifiantes & vénérables quand on les fait avec gravité & décence. Fléch. Ecclésiastiques, sages, humbles, retenus, ennemis d’une propreté affectée, & ne voulant que la pure décence de leur état. Bourdal. Exhort. T. I. p. 148. Voyez Decorum.

DÉCENNAIRE. adj. m. & f. Qui est de dix, qui procède par dix. Decennarius, a, um. L’Arithmétique qui est en usage est décennaire, elle procède de dix en dix. M. Leibnitz a voulu changer l’Arithmétique décennaire en une Arithmétique binaire.

On ne dit point un enfant décennaire, pour dire un enfant de dix ans, decennis, quoiqu’on dise un homme sexagénaire & un vieillard septuagénaire.

DÉCENNAL, ale. adj. Qui est composé de dix. Qui dure dix ans, ou qui revient tous les dix ans. Magistrature décennale. Fêtes décennales. Le Tribunal décennal de Venise est fort haï dans la noblesse, parce que c’est lui qui connoît de leurs affaires criminelles, & qui les juge avec beaucoup de sévérité. La charge d’Archonte qui étoit perpétuelle, fut réduite à dix ans, & il y eut sept Archontes décennaux. Le P. Brumoy.

DÉCENNALES. s. f. pl. Fêtes que les Empereurs Romains célébroient tous les dix ans de leur règne par des sacrifices, & par des largesses au peuple. Decennalia festa. Auguste fut l’auteur de cette coutume, & ses successeurs l’imitèrent. On faisoit aussi dans le même temps des vœux pour l’Empereur, en lui confirmant l’Empire, & ces vœux s’appeloient aussi des vœux décennales, ou décennaux. Depuis Antonin Pie, on trouve ces jeux & ces vœux marqués sur les médailles. Primi decennales. Secundi decennales. vota sol. decen. II. vota suscep. decen. III. Ces vœux se faisoient au commencement de chaque dixaine d’années ; car sur les médailles de Pertinax qui eut à peine quatre mois d’Empire, on trouve vota decen. & Votis decennalibus, & sur celles de Pupien, dont l’empire ne dura pas deux ans, Votis decennalibus aussi.

Struvius, Antiq. Roman. Syntagma. C. 4. p. 247. croit que ces vœux avoient pris la place de ceux que les Censeurs avoient coutume de faire au temps de la République pour sa félicité. En effet, on ne les faisoit pas seulement pour le Prince, mais encore pour l’Etat, comme Dion, Liv. VIII. & Pline le Jeune, L. X. ép. 101. le marquent.

Auguste établit cette fête pour conserver l’Empire & l’autorité absolue sans choquer le peuple ; car, durant la célébration de cette fête, ce Prince avoit coutume de remettre au peuple toute l’autorité que le peuple rempli de joie, & charmé de la bonté d’Auguste, lui rendoit aussi-tôt.

DÉCENT, ente. adj. Ce qui est dans les termes de la décence, selon les règles de l’honnêteté extérieure, conforme aux loix, aux usages, aux coutumes, même aux préjugés généralement reçus. Decens. Un Magistrat ne doit aller siéger qu’en habit décent. Devant les gens graves, dans les honnêtes compagnies, il faut être en posture décente. On le trouve en habit décent, composant Lettre Marotine. Sarras.

DÉCEPTE. s. f. Vieux mot qu’on a dit pour tromperie. Il vient du Latin decipere, tromper.

DÉCEPTIF, ive, vieux adj. Trompeur. Fallax, deceptivus, a, um. Un cœur faux & déceptif. Marot.

DÉCEPTION. s. f. Tromperie. Fallacia, captio, fraus. Il ne se dit qu’au Palais. Cela est fait avec fraude & déception.