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Décime, Δεκάτη, le sacrifice qu’ils faisoient en même temps. Voyez Rosæus, Archæolog. Atticæ, L. V, C. 5.

DÉCIME. s. f. sing. ou DÉCIMES. s. f. plur. Le pluriel se dit plus ordinairement. On verra néanmoins dans la suite de cet article que le singulier se dit aussi. Decima, Decimæ. Ancien droit, ou subvention que les Rois ont levée sur leurs sujets, tant Laïcs qu’Ecclésiastiques, dans les grandes nécessités de l’Etat, comme au temps de Charles-Martel, pour se défendre contre les Sarrasins ; au temps de Philippe-Auguste contre les Infidèles : & cette taxe fut alors appelée Saladine. Cette contribution, qu’on appeloit décimes, se prenoit spécialement, & même uniquement dans la suite, sur les Ecclésiastiques. Sous quelque prétexte les Rois l’exigeoient du Clergé, mais par la permission du Pape, & quelquefois les Papes à leur tour, & du consentement du Roi. Pour les décimes que les Papes levoient comme un tribut presque ordinaire, sur-tout tant qu’ils résidèrent en Avignon, le Concile de Constance les retrancha, & ordonna qu’on ne les leveroit plus à l’avenir que du consentement universel des Prélats. A l’égard de celles qu’on payoit au Roi, on les accorda si fréquemment, qu’elles devinrent un subside ordinaire. Le Clergé n’y consentoit que pour dix ans, que l’on continuoit quand ils étoient expirés.

La première Ordonnance qui porte institution de décimes, est de Philippe-Auguste, à qui elles furent accordées l’an 1188 dans un Concile tenu à Paris. Louvet rapporte cette Ordonnance dans son Histoire de Beauvais, T. II p. 309. Elle est en Latin suivant l’usage de ce temps-là : le mot decima s’y trouve plusieurs fois au singulier. Sous le règne de S. Louis en 1267. les décimes furent encore levées pour la conquête de la Terre-Sainte. En 1274 le II. Concile de Lyon les ordonna pour le même sujet. Philippe-le-Hardi les leva en 1275. Philippe-le-Bel les leva aussi en 1304. Paul-Emile rapporte dans son Histoire la Chartre ou l’Ordonnance qui les établit ; elle est du 12 Avril 1304. Le Roi l’adresse aux Evêques, Abbés, Doyens, Prieurs, &c. de son Royaume : cette Ordonnance est en Latin. Les décimes furent encore levées en 1306, 1312, 1315, 1337. Froissard parle à la page 55 du premier volume de son Histoire d’une décime qui fut levée en 1355. sous le règne du Roi Jean. Cet Auteur l’appelle dixième. Enfin ces taxes sont devenues perpétuelles sur le Clergé par des transactions faites en 1516, avec le Roi François I. Cette taxe a été appelée Pascaline. Depuis par un contrat fait à Poissi en 1561. elles ont été converties en rentes de seize cens mille livres, qui sont les rentes de l’Hôtel de Ville sur le Clergé. Dans les Mémoires du Clergé on trouve que ces décimes, de la façon qu’elles se lèvent aujourd’hui, ont été accordées par une Bulle du Pape Léon X. de l’an 1516. sous prétexte d’une Croisade pour aller faire la guerre au Turc, où le Roi devoit aller en personne avec le titre d’Empereur d’Orient, que le Pape lui accorda ; & cette décime fut accordée pour un an seulement. Le Roi envoya alors dans les Provinces des Commissaires pour en faire la taxe, qui dure encore aujourd’hui. Les décimes extraordinaires consistent en une autre taxe qu’on fait tous les cinq ans sur les Bénéfices pour le présent, ou don gratuit que le Clergé fait au Roi pour les frais de l’assemblée, pour les pensions & gratifications que fait le Clergé à diverses personnes, aux Séminaires, &c. Le Clergé accorda trois fois au Roi Louis XIII. des décimes extraordinaires, ou dons gratuits : savoir, en 1621, 1626, 1628. Cet argent fut employé à faire la guerre aux Huguenots. Depuis ce temps-là il ne s’est point tenu d’assemblée ordinaire du Clergé qui n’ait fait au Roi un présent considérable.

Les Receveurs & Contrôleurs des décimes sont des Officiers commis par le Clergé pour recevoir ces deniers. Le Bureau des décimes est une Chambre Ecclésiastique établie en chaque Diocèse pour régler les taxes & les difficultés qui arrivent sur le payement des décimes. Leurs appellations ressortissent en un Bureau général établi à Paris, qui se tient au Palais.

Décimes, dixmes & dixième, sont trois mots qui ont la même origine, ils viennent de decimus, mot formé de decem, dix ; mais dans l’usage ils ont une signification différente. Décimes signifie ce que les Ecclésiastiques donnent de leurs biens Ecclésiastiques au Roi pour les guerres saintes, ou pour les besoins de l’Etat. Dixmes signifie ce que les fidèles donnent aux Ministres de l’Eglise pour les entretenir. Dixième ou dixième denier signifie la dixième partie des revenus que le Roi leve sur son peuple. Voyez Dixme & Dixième.

DÉCIMER. v. a. Terme de l’ancienne Milice des Romains, qui, pour punir les Légions entières qui avoient manqué à leur devoir, faisoient tirer au sort chaque dixième soldat, & le faisoient mourir, pour donner l’exemple aux autres. Decimare, decimum quemque sorte ductum plectere, supplicio afficere. On l’a quelquefois fait en France.

Décimé, ée. part. pass. & adj. Decimus quisque sorte ductus.

DÉCIMEUR. s. m. Le P. Sanlecque s’est servi de ce mot pour Décimateur, qui seul est en usage.

DÉCINTRER, ou DÉCEINTRER. v. a. Terme de Maçonnerie. Oter les cintres de charpente sur lesquels on a construit une voûte. Arcum ligneum struendo desuper fornici accommodatum destruere, evenere, tollere. Il ne faut décintrer que quand les voûtes sont séches & bien affermies.

DÉCINTROIR, ou DÉCEINTROIR. s. m. Espèce de marteau qui a deux taillans, mais qui sont tournés en divers sens, dont les maçons se servent pour équarrir les trous commencés avec le têtu, ou pour écarter les joints des pierres dans les démolitions. Mallei genus.

DÉCIRER. v. a. Oter la cire. Nous n’osâmes nous hasarder d’embrasser notre ami d’Aubeville en l’état qu’il étoit. Mais si-tôt

Qu’au logis il fut retiré,
Débotté, frotté, déciré,
Et qu’il nous parut délassé,
Il fut promptement embrassé.

Voyage de Bach. & Chapelle.

DÉCISIF, ive. Qui décide, qui résoud, qui prononce en dernier ressort. Decretorius. Une loi, une autorité, une pièce, une raison décisive, sont les choses qui décident un procès. Combat décisif. Pugna decretoria. Vos manières fougueuses & décisives sont insupportables. S. Evr. Ces censeurs qui se donnent voix décisive sur tous les Ouvrages, découragent les Auteurs par la chaleur de leurs préventions. La Bruy. Quand on est médiocrement sage, on ne s’avise point de faire le décisif. P. Rap. L’humeur ferme & décisive du Cardinal étoit propre à surmonter toutes les difficultés. Fléch. C’est un défaut trop ordinaire que de prononcer des arrêts décisifs sur le salut & la damnation des autres. S. Evr. Il est dangereux de déférer à la raison l’autorité décisive dans les matières de foi. Id. Remarquez que ces pieux ignorans, qui vantent tant leur humilité, sont d’ordinaire les plus décisifs. Id. Rien n’est plus incivil que le ton décisif que prennent les Savans dans la conversation. Ils s’imaginent être en droit de prononcer en dernier ressort sur tout. Bell. On dit un air décisif, non pas pour marquer l’air du visage, mais le caractère d’esprit d’un Auteur qui décide librement, hardiment. On a reproché à Lambin son air décisif dans l’explication des choses les plus obscures, & les plus difficiles qui se rencontrent dans les Anciens. Ménage. Ton décisif a souvent le même sens, & l’on entend par cette expression le caractère décisif de l’esprit d’un homme, le ton décisif de sa voix, ou le ton de sa voix qui frappe les oreilles. Bacon, ancien Docteur Anglois de l’Ordre des Carmes, est