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DEF

DÉFENDRE, signifie encore, interdire l’usage de quelque chose. Interdicere, vetare, prohibere. Les commandemens de Dieu défendent d’idolâtrer, de jurer, de tuer, de porter faux témoignage. Ceux de l’Eglise défendent la chair en Carême. Un Médecin défend le vin aux malades. Les Magistrats défendent les Brelans, l’Occa, la bassette. On a défendu le commerce avec les étrangers, les dentelles & manufactures étrangères. La Loi naturelle, la raison, nous défend de faire à autrui ce que nous ne voulons pas qu’il nous fasse. On dit aussi, Défendre sa maison à quelqu’un, pour dire, lui en interdire l’entrée. Défendre un livre, c’est de la part des puissances Ecclésiastiques & autres, en empêcher la lecture, le débit, l’impression. Défendre une sorte de marchandises, c’est en empêcher la vente, ou le débit, à l’égard des Marchands, & l’usage, à l’égard des autres.

☞ Dans ce sens dépendre & prohiber sont synonymes, avec cette différence que défendre a une signification bien plus étendue que prohiber qui ne s’applique qu’aux choses qui sont défendues par une loi humaine & de police.

On dit figurément & proverbialement, faire quelque chose à son corps défendant, pour dire, faire quelque chose avec répugnance, avec contrainte. Ac. Fr.

On dit proverbialement, bien attaqué, bien défendu quand le combat ou la dispute ont été bien opiniâtres.

☞ Se défendre, en termes de manège, se dit d’un cheval qui, en sautant ou en reculant, résiste à ce qu’on veut qu’il fasse.

Défendu, ue. part. & adj. Defensus, vetitus, prohibitus. Il y a toujours dans l’ame des plus grands hommes quelque endroit mal défendu. Vill. Livre défendu, marchandise défendue. Voy. Défendre.

En termes de Blason, on dit, qu’un sanglier est défendu d’une telle couleur, ou d’un tel métal, quand sa défense ou sa dent de dessous est d’un autre émail que son corps. Dentibus instructus.

DÉFENDS. s. m. Terme des Eaux & forêts, qui se dit des bois dont on a défendu la coupe, & dont l’entrée est défendue aux bestiaux. Un tel bois est en défends, c’est-à-dire, la coupe en est réservée pour quelque occasion importante, le bois est trop jeune pour y laisser entrer les bestiaux. On dit aussi à la campagne, que vides terres, c’est-à-dire, qui ne sont point fermées ni closes, sont en défends depuis la mi-Mars jusqu’à la Sainte-Croix de Septembre. En autres temps elles sont communes, c’est-à-dire, qu’on y peut mener paître ses bestiaux. Les chèvres, les porcs, les oies & autres bêtes mal-faisantes, sont toujours en défends, pour dire qu’il n’est pas permis de les mener dans les terres, dans les prés, &c. On les appelle en Latin defensa, & on les nomme pareillement héritages défensables.

DÉFENSABLE. adj. Terme de Coutumes. Un lieu défensable, qu’on appelle devezium dans les titres, les chartes, &c. est un lieu où il n’est permis qu’à quelques personnes de faire certaines choses, qu’il est défendu à tous autres d’y faire, par exemple, un bois où il n’est permis qu’au propriétaire de faire paître ses bestiaux, est un lieu défensable. Prohibitus, vetitus.

DÉFENSE. s. f. Action par laquelle on défend, & on résiste aux violences de ceux qui attaquent. Defensio. La défense de son corps & de ses biens est permise par les loix. Il n’a pas eu le loisir de se mettre en défense, de mettre l’épée à la main. Les Princes d’Allemagne se sont ligués pour la défense commune. La pudeur a été donnée aux femmes pour servir de garde & de défense à leur honneur. S. Evr.

Défense, signifie aussi protection, justification. Dieu prend en main la défense des innocens & des foibles, de la veuve & des orphelins. Cet Auteur a pris la défense de son confrère, il a fait son apologie. Cet Orateur a entrepris la défense de cette proposition, il la soutient hautement. Costar a fait la défense des Œuvres de Voiture, & Ogier celle des Œuvres de Balzac.

Défense, en termes de guerre, signifie en général la résistance que font les troupes aux attaques de l’ennemi.

☞ La défense d’une place c’est l’art de résister aux attaques de l’ennemi qui veut s’en emparer. Cette garnison a fait une belle, une longue défense ; pour dire a soutenu un long siége.

Défenses, en termes de fortification, c’est tout ce qui sert à couvrir les ouvrages & les soldats qui défendent la place. Les parapets, les flancs, les casemates, les ravelins, &c. sont défenses : & on dit d’une ville, que ses défenses sont ruinées, quand le canon a abattu ou détruit ces ouvrages, quand les soldats ne peuvent plus tirer à couvert. Propugnacula, munimenta. On avoit abattu avec des béliers les principales défenses. Vaug. Il fallut rétablir les défenses de la place. Ablanc.

On appelle aussi la ligne de défense, celle qui flanque un bastion, & qui est tirée du flanc qui lui est opposé. Linea defensionis. La ligne de défense ne doit être que 120. toises, c’est-à-dire, à la portée du mousquet. Il y a des lignes de défense rasantes & fichantes. Voy. Ligne. Etre en défense, ou mettre en défense, c’est-à-dire, être ou mettre en état de défense. Le logement n’est pas encore en défense. On a mis la redoute en défense.

On dit, en termes de Blason, qu’un hérisson est en défense, lorsqu’il est roulé en peloton, ainsi qu’il a coutume de se mettre pour éviter d’être pris.

Défense, en termes de Palais, se dit des premières écritures qu’on fournit dans un procès contre un demandeur. En général les défenses sont les moyens qu’on emploie contre une demande. Defensio. Les appointemens en droit se donnent sur des demandes & défenses. On donnoit ci-devant des jugemens par défaut, qu’on nommoit des deboutés de défenses.

Défenses, signifie aussi un jugement qu’on obtient pour empêcher l’exécution d’un autre jugement. On donne des arrêts de défenses particulières pour lier les mains à des Juges, ou à des Officiers, pour empêcher qu’ils ne continuent l’instruction d’un procès, l’exécution d’un jugement, & aux parties, pour empêcher qu’elles ne passent outre à un mariage, à la construction de quelque bâtiment, ou autre chose semblable. En matière criminelle, un accusé pour toutes écritures donne des défenses par atténuation. Ce sont des exceptions proposées par l’accusé, pour détruire les raisons, les moyens & les preuves dont se sert l’accusateur, pour prouver que l’accusé a commis le crime dont il s’agit.

☞ Ces sortes de défenses sont abrogées par l’Ordonnance criminelle ; mais on peut présenter requête pour servir de défenses, raisons, moyens contre les pièces justificatives de l’accusateur.

Défenses au contraire. Ce sont celles que le Juge permet de proposer pour contredire les moyens mis en avant pour la partie adverse.

Défense, se dit aussi des publications qui se font en Justice pour interdire l’usage de quelque chose, & pour empêcher qu’on ne la fasse. Défense en ce sens est la publication qui est faite d’une chose par un Edit, une Ordonnance, une Déclaration, un Arrêt, &c. Interdictum, interdictio. Il y a des défenses faites par les loix divines & humaines, de nuire à son prochain. On a publié la défense des dentelles d’or & d’argent. La Cour fait très-expresses inhibitions & défenses à toutes personnes de, &c. Les défenses ont été publiées à son de trompe.

☞ Nous avons déjà observé que le terme de défense est beaucoup plus étendu que celui de prohibition : que le premier s’applique également à quelque loi que ce soit, divine ou humaine qui défend de faire une chose, au lieu que le dernier ne se dit que d’une loi humaine qui défend de faire quelque chose.

Défenses générales, sont les Lettres ou les Arrêts