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DEF

Déférer. v. a. qui se dit en cette phrase : Déférer des honneurs, des titres, des dignités, pour dire, les donner, les attribuer à quelqu’un. Deferre alicui honores, magistratus. Les Romains déféroient le triomphe aux Chefs victorieux. Les Sénateurs & la Noblesse de Pologne lui déférèrent la couronne. Suivant le Dict. de l’Acad. ce mot n’est d’usage qu’en parlant des dignités, des honneurs dont une multitude dispose en faveur d’un particulier. On dit aussi, Déférer le serment à une partie, pour dire, s’en rapporter à son serment. Jusjurandum alicui deferre.

Déférer, en termes de Palais, signifie dénoncer. Alicujus nomen ad Judices deferre. On ne reçoit point le témoignage de ceux qui ont été déférés en Justice, jusqu’à ce qu’ils se soient purgés. Celui qui est absous peut demander le nom de celui qui l’a déféré, pour avoir réparation contre lui. Il avoit été arrêté prisonnier, parce que deux témoins l’avoient déféré. Vaug. Déférer quelqu’un à l’inquisition.

Déféré, ée. part.

DÉFERLER, v. a. Terme de Marine. C’est étendre & déployer les voiles pour s’en servir. Vela explicare.

Déferlé, ée. part. Voiles déferlées, qui sont déployées sur leurs cargues prêtes à être bordées.

DÉFERMER. v. a. Mettre dehors, ou en liberté, ce qui étoit enfermé. Solvere, expedire, extrahere. On a enfermé un chien dans un cabinet, il faut le venir défermer, ou mettre en liberté. Vous avez en fermé par mégarde mon manteau dans votre coffre, venez le défermer, le tirer dehors. Ce mot n’est pas françois ; il est seulement en usage sur les rivières où l’on dit défermer un bateau, c’est-à-dire, détacher la corde qui le tient attaché aux anneaux de fer pu ailleurs.

DÉFERRER, v. a. Oter les fers de quelque chose. ferramenta detrahere. Il faut déferrer cette porte-là pour en faire servir les fers à une autre.

Déferrer, se dit plus ordinairement des chevaux. Oter le fer du pied d’un cheval ou d’une autre bête de monture. Equum soleis exarmare, equo soleas eximere. Il faut déferrer ce cheval, son fer le blesse, il s’est déferré des quatre pieds. Soleæ exciderunt.

☞ On dit de même, se déferrer, en parlant d’une aiguillette, d’un lacet, &c. dont la ferrure se défait. Votre lacet s’est déferré.

On dit figurément, mais en style populaire, qu’on a déferré un homme des quatre pieds, pour dire qu’on l’a rendu muet, déconcerté, interdit. Perturbare. On dit aussi, qu’un homme s’est déferré, quand il est interdit & confus, en parlant à quelque personne qu’il craint, ou qui le presse trop fort sur quelque chose. Il se fit une huée qui déferra le témoin. Ablanc. Os alicui obstruere.

Déferré, ée. part.

DÉFET. f. m. Terme de Librairie. Il ne se dit guère qu’au pluriel, & signifie les feuilles dépareillées d’une édition qui restent après que les assemblages sont faits, & auxquelles on a recours pour compléter d’autres exemplaires, auxquels il manque seulement quelque feuille, ou dont quelqu’une a été gâtée. Telle feuille n’est pas propre, il en faut chercher une autre dans les defets. Ce mot vient du Latin Defectus, parce que toutes ces feuilles ne peuvent pas former des exemplaires complets.

DÉFEUILLÉ. adj. dépouillé de feuilles. Foliis nudatus. Un arbre défeuillé. Une forêt défeuillée. Il est dans Monet & dans Pomey. Mais il n’est pas en usage.

DEFFOULER. v. a. Vieux mot. Fouler, marcher dessus. Calcare, proculcare. Ils leurs crachèrent au visage, & marchèrent sur eux & sur le signe de la Croix, passerent & deffoulèrent aux pieds. An. Vie S. Louis.

DEFFUBLER. v. a. Vieux mot qui signifie découvrit, dévêtir, dégraffer, déboucher, déboutonner. Diffibulare.

Se DEFFUBLER. Se découvrir. Vieux mot. Le Ligueur dont il est parlé au commencement de la Satyre Ménippée, qui portoit grand chapeau, & rarement le deffubloit, étoit le Cardinal de Pellevé. Voyez Calottier. On disoit aussi : Se défuler, que Nicod écrit desfuler. Quasi insulam detrahere, ôter son chapeau. Il est dans les dernières éditions de Richelet.

DÉFI. s. m. Appel, provocation au combat. Provocatio, scheda provocatoria. Le défi se fait par écrit, de vive voix, ou par gestes. Ce terme est employé par extension pour toute sorte de provocation. Il lui a envoyé un cartel de défi, il lui a fait un défi. Il a accepté le défi. Je lui ai fait un défi sur un tel problème, un défi à la paume, au billard. Anciennement, & lorsque les duels étoient en usage, l’accusateur jetoit son gant par terre pour gage du défi. L’accusé le relevoit pour marque qu’il acceptoit le défi & le combat.

DÉFIANCE. s. f. Crainte d’être trompé, qui fait que nous n’osons nous fier à la fidélité des autres. Diffidentia. Dans ce sens il est opposé à confiance, assurance qu’on prend sur la probité & la discrétion de quelqu’un. Si la défiance est conçue avec raison, elle est juste, utile & nécessaire ; si elle est injuste, trop inquiète & mal fondée, c’est une foiblesse honteuse & ridicule. Cail. La défiance sert à exercer la prudence, & à prévoir les événemens, ou pour en profiter, ou pour les éviter. Id. Ce qui nous empêche de faire voir le fond de notre cœur, c’est la défiance que nous avons de nous mêmes, bien plus que la défiance que nous avons de nos amis. Rochef. Les opérations de la défiance sont tellement mêlées avec celles de la prudence, qu’il est facile de s’y tromper à cause de leur ressemblance. S. Evr. La défiance est ridicule, si elle se fait des chimères pour s’en effrayer ; elle est injurieuse, si elle soupçonne la probité de quelqu’un mal-à-propos ; mais c’est un acte de sagesse, quand elle empêche d’être surpris & trompé. Id. A la Cour on se nourrit de soupçons, de défiances & de jalousie. Balz.

La Défiance est nécessaire,
Il est bon de prévoir un fâcheux accident,
On ne doit point ici marcher en téméraire. Quin.

On dit proverbialement que la défiance est la mère de sûreté, ou, est mère de sûreté, pour faire entendre que pour n’être pas trompé, il ne faut pas se confier trop légèrement.

☞ Quelquefois ce mot désigne simplement la crainte qu’une chose n’ait pas toutes les qualités nécessaires pour un certain effet. C’est ainsi que l’on dit qu’il faut avoir une juste défiance de ses propres forces. Il ne faut pas que la défiance de nos forces nous entretienne dans la paresse, & nous empêche de faire quelques entreprises louables.

DÉFIANT, ANTE. adj. Qui n’ose se fier à la fidélité de personne. Suspiciofus, suspicax. Les gens foibles & ignorans sont ceux qui sont les plus défians. La charité n’est point défiante ni soupçonneuse. Bourdal. Exh. T. I. p. 172.

☞ DÉFICIENT. adj. Terme d’Arithmétique. Les nombres déficiens sont ceux dont les parties aliquotes ajoutées ensemble font une somme moindre que le tout dont elles sont parties. Encycl. Tel est le nombre 8, dont les parties aliquotes, 1, 2, 4. prises ensemble ne font que 7.

DEFICIT. s. m. Terme de Pratique emprunté du Latin, pour exprimer une chose qui manque. C’est ainsi que l’on dit qu’une pièce d’un inventaire, d’une production est en deficit ; & l’on met ce mot à côté des articles où l’on fait mention d’une pièce produite qui ne s’y trouve pas.

☞ On dit dans le même sens qu’une somme est en déficit dans la caisse d’un Banquier, d’un Receveur, &c.

☞ Ce mot n’a point de pluriel. Il y a plusieurs deficit dans cette caisse, non pas deficits.

DÉFIE. s. m. On appelle en termes de Marine, le défie du vent, l’avertissement qu’on donne à celui qui gouverne,