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DEN

☞ DÉNIAISEMENT. Tromperie. Ne se dit point.

☞ DÉNIAISER. v. a. Terme du style familier, qui signifie rendre quelqu’un moins niais, plus rusé, plus fin qu’il n’étoit. Cautiorem, callidiorem reddere. Le commerce du monde l’a un peu déniaisé. Les affaires déniaisent les gens les plus simples. On se déniaise bien vite à la cour. Cautiorem, callidiorem evadere.

☞ On dit encore déniaiser quelqu’un, pour dire le tromper, abuser de la simplicité de quelqu’un, soit au jeu, soit dans une autre occasion. Rudem aliquem ac minime malum ludificari. Les filoux déniaisent les nouveaux débarqués. Ce provincial a été déniaisé dans une Académie de jeu.

Déniaiser, a été formé de niais.

Déniaisé, ée. part. & adj. Ce n’est pas d’aujourd’hui que cet homme est déniaisé. Cautior ac callidior factus. Vous aurez de la peine à me tromper, car je suis bien déniaisée. M. Scud. Cet homme est déniaisé, il n’y a rien à faire avec lui. Dans un siècle aussi déniaisé que le nôtre. Mad. Du Noyer.

Déniaisé, est aussi quelquefois un substantif. C’est un déniaisé, vous ne le tromperez pas. Callidus.

DÉNIAISEUR. s. m. Homme fin & adroit qui déniaise les autres. Versipellis, callidus, astutus. Il a peu d’usage.

DÉNICHLES. s. pl. Denicales feriæ. Terme de l’Histoire Romaine. C’est le nom d’une cérémonie qui se faisoit après les obsèques des morts pour purifier la famille.

DÉNICHER, v. a. Enlever, ôter du nid les petits oiseaux. Pullos nido detrahere. Dénicher des fauvettes, des merles.

Dénicher, v. n. Sortir du nid, quitter le nid. Nidum relinquere, proripere se nido. Les fauvettes, les merles ont déniché. J’avois trouvé un nid de rossignol, je croyois en avoir les petits, mais j’ai trop attendu, ils ont déniché.

Dénicher, v. n. Signifie aussi, sortir du lit, de la maison, d’un lieu où l’on s’étoit posté. Exilire, prosilire. Cet homme a un procès à solliciter, il déniche de grand matin. Ce locataire avoit peur des Sergens, il a déniché & a emporté ses meubles. Il est populaire.

Dénicher. v. a. Signifie aussi, faire sortir par force d’un lieu qu’on avoit occupé. On le dit particulièrement d’une bande de voleurs ou d’une troupe d’ennemis. Les Ennemis s’étoient saisis d’un château dont on a eu de la peine à les dénicher.

En voilà dans un jour plus de sept à huit mille
Qui, dans Maubeuge, Arras, Dinant, Philippevile,
Ont su si bien se retrancher,
Que sans un grand effort il sera difficile
De les en dénicher.

☞ Il est du style familier.

Dénicher, v. a. Oter une statue de sa niche, un Saint prétendu, du rang qu’on lui donnoit. Delere aliquem ex albo Sanctorum. Quel Saint dénicherez-vous du Ciel cette année ? disoit M. Godefroi à M. de Launoy. Ménage. On a dit que M. Chastelain déterroit les Saints, & que M. de Launoy les dénichoit. Voyez Dénicheur.

Déniché, ée. part. Il a les significations de son verbe. On dit proverbialement, les oiseaux sont dénichés, pour dire que les choses que l’on cherche ne se trouvent plus à leur place.

☞ DÉNICHEUR. s. m. Qui déniche les petits oiseaux. Qui pullos nido detrahit. On ne le dit guère en parlant des oiseaux. M. Ménage disoit que M. de Launoy étoit un grand dénicheur de Saints. Dénicheur ici vient de niche & non pas de nid : cependant en badinant on dit dénicheur dans le même sens que M. Ménage le disoit de M. de Launoy. Ce savant Critique prétendoit que le peuple reconnoissoit des Saints qui ne le sont pas en effet, & qu’on avoit souvent multiplié le même Saint en l’honorant sous différens noms. Et, comme on met dans des niches les statues de ceux qu’on reconnoît pour Saints, dénicheur de Saints, est celui qui montre qu’il faut ôter de leurs niches, plusieurs de ces statues.

☞ On appelle figurément un dénicheur de fauvettes, de moineaux, un Chevalier d’industrie fort ardent à rechercher les bonnes avantures, à découvrir tout ce qui peut contribuer à son plaisir, & adroit à en profiter. Loret dans ses lettres en vers, appelle les filoux, dénicheurs de fauvette.

De ces gens qui sont toujours-là,
Nommés dénicheurs de fauvette.
Ou courtisans de la pochette.

DÉNIER. v. a. Nier une chose, en contester la vérité. Soutenir qu’un fait n’est pas véritable. Negare. En ce sens il n’a guère d’usage, qu’en parlant d’un fait, d’un crime, d’une dette, d’un dépôt. Vous dites que vous êtes noble, je vous le dénie. C’est la plus noire des infidélités, de dénier le dépôt qu’un ami a mis entre nos mains. Vous prétendez que je vous dois telle somme, je dénie la dette. Philotas dénia le crime. Vaug. Les Templiers dénièrent à la mort les crimes qu’ils avoient confessés dans les tourmens. Mézerai. Il a tout dénié à la question.

Dénier, se dit aussi dans la signification de refuser, mais le plus souvent refuser une chose que l’on ne doit pas refuser, que la bienséance, la justice, l’équité veulent qu’on accorde. Denegare. Un fils ne doit pas dénier les alimens à son père. Un juge ne doit pas dénier la justice à ceux qui la demandent. On ne doit pas dénier son secours à la veuve, à l’orphelin. Tout ce que vous demanderez à mon père, en mon nom, dit J.-C. ne vous sera point dénié.

Dénié, ée. part. Signifie aussi, refuser, & le plus souvent refuser quelque chose que l’on ne doit pas refuser. Denegare. Ce Prince a dénié le passage à cette armée sur ses terres. Le devoir marital ne se doit point dénier entre conjoints. On ne doit point dénier sa protection aux veuves & aux orphelins. Toute audience est déniée en Justice à ceux qui n’ont pas refondé les dépens de la contumace.

Dénié, ée. part. Negatus, denegatus.

DENIER. s. m. Nom d’une ancienne monnoie d’argent, qui a été de diverse valeur suivant les lieux & les temps. Il paroît que le denier Romain, ou la dragme, qui étoit la même chose, suffisoit pour entretenir honnêtement une personne par jour. Ainsi comme le denier comprenoit douze as, on a quelque raison de prendre les as pour des sous. Tillem. Si cet Auteur a voulu dire que le denier valoit 12. sous de notre monnoie, il se trompe ; il valoit beaucoup moins, comme on va le voir. Le denier courant d’argent du temps de Jesus-Christ valoit trois sous & demi, monnoie de France, selon Budée. Jesus-Christ fut vendu trente deniers ; ces deniers servirent depuis à acheter un champ. Le premier denier Romain étoit d’argent du poids juste d’une drachme, ayant d’un côté l’empreinte de Janus, & de l’autre la figure du vaisseau qui l’avoit porté en Italie. Sur les premiers revers de la monnoie de Rome étoient Castor & Pollux, ou une Victoire poussant un chariot à deux ou quatre chevaux : ce qui les fit appeler deniers bigati, ou quadrigati, selon le revers ; on les avoit nommés auparavant ratiti, à cause du vaisseau qui se nomme ratis. Originairement le denier chez les Romains valoit dix as, ou quatre sesterces, dont chacun valoit deux livres & demie ; d’où vient qu’il a été appelé denarius, & qu’on le marquoit avec un X. Le denier consulaire valoit plus que le denier impérial. Le premier pesoit la 7e partie d’un once, & valoit 9. ou 10. sous de notre monnoie. Le second pesoit seulement la 8e partie d’une once, c’est à-dire, qu’il auroit valu 7. ou 8. sous monnoie de France, comme le prétendent quelques Savans, & avec raison.

Anciennement en France le denier se prenoit pour toute sorte de monnoie. Ainsi une pièce monnoyée d’or étoit appelée denier d’or ; & si elle étoit d’argent, on l’appeloit denier d’argent, comme on a dit