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DEP

On pressoit fort ce Docteur sur un point de Jurisprudence, il a fait naître une question de Théologie qui a dépaysé son adversaire.

Dépayser, se dit encore, dans le style familier, pour dire, donner à quelqu’un de fausses idées, pour empêcher qu’il ne soit au fait de quelque chose.

Dépaysé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin & en François.

DÉPÈCEMENT. s. m. Action par laquelle on met en pièces. Les Bouchers font le dépècement d’un bœuf, le mettent en pièces pour le vendre.

DÉPECER, v. a. Mettre en pièces, ou en morceaux. In frusta dividere, discerpere, frustatim concidere. On dépèce un chapon, une volaille, pour en servir, pour en faire une capilotade. Un Gentilhomme bas-Normand ayant mis une perdrix sur son assiette, pour la dépecer, & la servir à ses voisins, M. de Montausier lui dit, Eh, Monsieur, qui voudra manger de ce gibier, après avoir traîné sur votre assiette ? Ce sera moi, Monseigneur, repartit le Gentilhomme, qui avoit l’esprit présent, & personne n’en sera dégoûté que moi seul. De Vign. Marv. On dépèce des habits, du linge, des étoffes, quand on les découd, quand on les coupe pour en séparer les pièces, & les faire servir à d’autres usages. On dépèce un vaisseau quand il est vieux, c’est à-dire, on le rompt, on le met en pièces.

Le Lion par ses ongles compta,
Et dit, nous sommes quatre à partager la proie,
Puis en autant de parts le cerf il dépeça. La Font.

Du Gange dérive ce mot de depitare, qu’on a dit dans la basse Latinité pour signifier la même chose.

Dépecé, ée. part. pass. & adj. Divisus infrusta, frustatim concisus.

DÉPECEUR. s. m. Marchand qui achète les bateaux qui ne peuvent plus servir, les dépèce, les désassemble, & vend les planches & autres bois qu’il en tire. Lignorum ex lintribus solutis mercator. Les dépéceurs achètent à bon marché les bateaux qui ont passé le canal, & en vendent les bois bien cher. Ce dépéceur s’est enrichi à ce métier-là.

DÉPÊCHE. s. f. Lettre qu’on envoie en diligence par un courrier exprès pour quelque affaire d’Etat, ou quelque autre chose importante : lettre concernant les affaires publiques. Epistola, litteræ. Le Roi a ordonné à son Ambassadeur par sa dépêche. Nos habiles gens d’affaires sont formés à un certain style de dépêches peu convenable à l’Histoire. S. Evr. Ce mot se dit aussi pour le paquet même qui contient ces sortes de lettres ; mais alors il n’a point de singulier. Le courrier a rendu ses dépêches.

DÉPÊCHES, dans le Commerce. Ce mot s’entend parmi les Marchands & les Banquiers, des lettres qu’ils écrivent chaque ordinaire à leurs Correspondans.

Conseil des dépêches. C’est un Conseil qui se tient dans la chambre du Roi, en présence de M. le Dauphin, M. le Duc d’Orléans, M. le Chancelier, & les quatre Secrétaires d’Etat y assistent. On y traite des affaires des Provinces ; chaque Secrétaire d’Etat tient mémoire des résolutions qui s’y prennent, & en envoie les expéditions dans son département. Consilium de mittendis maturè litteris. Depuis la mort du Roi Louis le Grand, les affaires qui alloient au Conseil des dépêches, sont portées au Conseil des affaires du dedans du Royaume.

On dit proverbialement de la mort d’un homme qui ne servoit qu’à incommoder les autres, voilà une belle dépêche ! ou, belle dépêche ! Quand le Duc de Bourbon fut tué devant Rome, Charles-Quint ne le regretta guère, & dit que c’étoit une belle dépêche pour lui. De Vign. Marv. On dit familièrement, se battre à dépêche compagnon, pour dire, se battre rudement & sans vouloir pardonner à son ennemi. On dit aussi travailler à dépêche compagnon, pour dire, travailler vîte & diligemment.

DÉPÊCHER, se dit aussi des courriers qu’on envoie exprès & en diligence pour porter quelques ordres. Mittere. On a dépêché un courrier à l’Ambassadeur. On lui dépêcha des Officiers pour lui apprendre la résolution des troupes. Ab. On dit encore, dépêcher un criminel, lui faire en diligence son procès, & sans le faire languir. Nocentem statim plectere. Il se dit aussi de l’Exécuteur de la Justice. Le Bourreau a dépêché bien vîte ce criminel, il ne l’a point fait languir. On le dit encore d’un homme qui, en se battant, a bien-tôt tué son ennemi, s’en est bien-tôt défait. Il le dépêcha bien vîte. En parlant d’un Médecin, entre les mains de qui l’on a vu mourir beaucoup de malades, on dit, qu’il en a beaucoup dépêchés. Approperare alicui mortem. Tout cela est familier.

Dépêcher, v. a. Faire quelque chose à la hâte, expédier promptement. Dépêcher un ouvrage. Properare aliquid. Expression familière. Dépêchez ce que vous avez à faire, & absolument, Dépêchez. Maturato opus est.

Dépêché, ée. part.

DÉPÉDANTISER. v. a. Ce mot se dit en riant pour, tirer de la pédanterie. Rusticitatem dedocere.

Se Dépédantiser, devenir plus poli, cesser d’être pédant, renoncer à la pédanterie. Les Savans, depuis un certain temps, se sont fort dépédantisés, & la politesse du siècle s’est répandue jusque dans l’érudition la plus critique. Mem. de Trév. Juillet 1724. p. 1339.

DÉPEINDRE, v. a. Je dépeins, nous dépeignons, je dépeignis, j’ai dépeint, que je dépeigne, je dépeindrois que je dépeignisse. Représenter avec le pinceau & des couleurs quelque histoire, quelque action, quelque paysage, tempête ou autre chose. Pingere, alicujus rei vel hominis formam effingere, exprimere. Michel-Ange a dépeint le Jugement dernier dans un beau tableau qui est à Rome. Dans cette acception il n’est pas d’usage.

Dépeindre, se dit plus ordinairement de ce qui nous est représenté par le discours, soit de vive voix, soit par écrit. Scripto vel oratione depingere. Le grand secret d’un Poëte Comique est de dépeindre les hommes & les actions, de les représenter au vif & au naturel. Je reconnois cet homme de la façon que vous me le dépeignez. Dépeindre l’ardeur du soldat qui monte à l’assaut. Ab. Les Poëtes Tragiques anciens ont beaucoup mieux réussi à exprimer les qualités des Héros, qu’à dépeindre la magnificence des grands Rois. S. Evr. Il ne falloit pas me dépeindre si bien, & il valoit mieux me faire moins ressemblant, & me faire un peu plus aimable. Voit. Les Auteurs se dépeignent dans leurs ouvrages, on y reconnoît leurs mœurs & leurs caractères. L’Auteur de l’Esprit de M. Arnaud s’est parfaitement bien dépeint dans cet Ouvrage. S. Evr. N’auriez-vous pas sujet de me croire aussi lâche que vous me dépeignez, si vous deviez ma justification à vos menaces ? Lett. Portugaises.

Car c’est peu qu’avec art la main dépeigne un vice,
Il faut en le voyant que mon cœur le haïsse. Vill.

Dépeint, einte. part.

DÉPENAILLÉ, ée. part. pass. & adj. Mal vêtu, qui a ses habits en lambeaux. Pannosus, a. Il est populaire.

A ces mots, il se vit houspillé, tiraillé :
Et trop heureux de fuir, s’enfuit dépenaillé.

L’Abbé de Villiers, Poëme de l’Amitié.

DÉPENDAMMENT. adv. D’une manière dépendante, avec dépendance. Ex alterius arbitrio, voluntate. L’ame agit souvent dépendamment des organes.

DÉPENDANCE. s. f. Sujétion, subordination. Vivendi ratio, conditio quæ in alterius potestate, arbitrio posita est, quæ alterius voluntati subjacet. Ce Prince tient ses sujets dans une grande soumission & dépen-