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DÉRATER. v. a. Oter la rate, la tirer du corps d’un animal. Lienem, ou splenem extrahere. Ce mot fut mis en usage par une secte de Chirurgiens, qui s’éleva il y a environ un siècle. Ils prétendoient que l’homme tireroit de grands avantages, s’il se faisoit ôter la rate, ce qu’ils appeloient dérater. Les chiens auxquels ils avoient fait cette cruelle & bizarre opération ne moururent pas sur le champ, mais peu de temps après ; ce qui fut cause qu’aucun homme ne voulut se faire dérater, pour jouir des prétendus avantages que vantoient les auteurs de cette opération. Le mot de dérater n’a pas plus fait fortune que l’opération qui l’avoit fait inventer ; & comme on ne dérate point les animaux, ni les hommes, on ne dit point dérater, on ne le dit que fort rarement parce qu’il y a peu d’occasions de s’en servir. Voyez Dionis, Opérations, &c.

Dératé, ée. part. & adj. A qui on a ôté la rate. On dit figurément un homme deraté, un homme éveillé, alerte, fin, rusé, qu’on ne dupe pas facilement.

☞ On l’emploie quelquefois substantivement, c’est un dératé ; c’est une dératée. Il n’est que du style familier.

DÉRAYURE. s. f. Terme de Laboureur. C’est la dernière raie qu’on fait, lorsqu’on laboure, & qui sépare les sillons. Sulcus.

DERBÉ. Ville ancienne de Lycaonie, Province de l’Asie mineure. Derbe. Etienne de Bysance l’appelle aussi Derbeia. Saint Paul prêcha à Derbé, Act. XIV 6. Elle fut dans la suite ville Episcopale, Leunclavius l’appelle Dervase. Elle étoit sur les confins de Pisidie & de Cappadoce, au pied des montagnes à 40 milles au midi d’Iconium, à 30 mille d’Ilaurie en tirant vers l’Orient, & à 50 d’Antioche de Pisidie. Quelques Auteurs l’appellent Derben, mais mal ; Derben des Actes des Apôtres est un accusatif.

DERBENT. Ville de Perse, située dans le Seirvan, aux confins du Daghestan. Delbentium, Alexandria Albaniæ ; Portæ ferreæ, ou anciennement Portæ Caspiæ, ou Pylæ Iberiæ. Portes Caspiennes ou Portes Ibériennes, parce que c’étoit le passage pour aller en Ibérie, & qu’il est sur le bord de la mer Caspienne, où Derbent a maintenant un assez bon port. C’est le passage le plus ordinaire pour aller par terre, de Perse, & de toutes les Provinces de l’Asie, en Moscovie & dans les Etats voisins. Les Turcs l’appellent Demircapi, c’est-à-dire, porte de fer, pour marquer qu’il ne se peut forcer. En effet, il est fermé par deux murailles qui s’avancent depuis cette ville jusqu’à la mer. Voyez Portes Caspiennes au mot Caspien.

DERBY. Voy. DARBY.

DERCE. s. f. Voyez DAGON, DERCETO, ATERGATIS.

DERCÉTO. s. f. Terme de Mythologie. Déesse fabuleuse adorée en Syrie, ou plutôt dans la Palestine. Derceto, Dercetis. Si l’on en croit Pline, Liv. V. c. 13 & c. 23 Dercéto étoit adorée à Joppé, aujourd’hui Jafa. Diodore de Sicile, Liv. I. dit que c’étoit aux environs d’Ascalon. On représentoit Dercéto sous une figure humaine depuis la tête jusqu’à la ceinture, & le reste du corps en poisson : ce qui fait juger à Selden, De Diis Syris Synt. II. c. 3 que c’étoit le Dagon des Philistins. C’est aussi la même Divinité que Atergatis, dont l’on avoit fait Dercéto. Saumaise sur Solin, p. 574 prétend qu’elle fut aussi nommée Céto. Les Syriens la faisoient mère de Semiramis, & racontoient de plaisantes fables sur cette femme que l’on avoit divinisée. On peut les voir dans les Auteurs cités, & ci-dessus au mot Atergatis, où l’on trouvera aussi l’étymologie de ce mot ; & au mot DAGON. Voy. encore Ovide, Métam. Liv. IV c. 44. & suiv. Cluvier, Germ. Ant. L. I. c. 27 p. 235. Selon Vossius De Idolol. L. VII. c. 10, p. 176. Dercéto est la Lune.

Dercéto a été aussi appelée Céto, , comme ilparoît dans Pline, Histoire Nat. L. V, c. 13. De ce nom quelques-uns pourroient inférer, dit Vossius, que Dercéto étoit Andromède parce que le navire qui transporta Andromède, portoit la figure du poisson appelé Cetus, parce que le Prince auquel elle fut promise d’abord, étoit Seigneur d’une Ile où s’exerçoit la Piraterie, & pleine de Pirates, que l’on a pu comparer aux monstres marins nommés Cete, & appeler de leur nom ; Mais Vossius croit bien plus probablement que Céto s’est fait de Dercéto, en retranchant la première syllabe. Et certainement, comme Dercéto s’est fait d’Atergatis par le retranchement aussi de la première syllabe, il est bien plus probable de dire la même chose de Céto & Dercéto que de courir à des raisons tirées d’aussi loin que celles qu’on vient de rapporter pour l’autre sentiment. Voyez Vossius, De Idol. L. I, c. 23, p. 80. L. II. c. 55, p. 308.

DERCILE & Alébion, fils de Neptune, enlevèrent à Hercule les bœufs de Géryon, lorsqu’il passa par la Libye, & les conduisirent en Etrurie.

DERCON, ou DELCON. Ville autrefois de Thrace, aujourd’hui de Romanie, Province de la Turquie en Europe. Delcas, Delta. Elle est située sur un lac formé par une rivière qui porte aussi le nom de Dercon à quatre lieues de la mer noire. Le lac porté aussi le même nom.

DERECHEF. adv. Une seconde fois, encore, de nouveau. Iterùm, rursus, denuò, rursum. Je l’ai déjà averti, je l’avertirai derechef.

Ménage dit que ce mot vient de derecapo, & que Cambden le dérive de l’Anglois derchesu signifiant la même chose. Il est vieux & on ne peut s’en servir que dans le style familier.

☞ Corneille a employé ce mot dans les Horaces. Mais il est hors d’usage, & absolument banni du style noble.

DÉRÈGLEMENT. s. m. Désordre, action ou mouvement qui se fait contre les loix naturelles, ou civiles, ou morales. Ce qui est opposé aux règles de la morale, ou contre le cours ordinaire des choses de la nature ou de l’art. Perturbatio, confusio, immoderata licentia, vita dissolutior, morum depravatio. Cet homme vit dans un grand dérèglement de mœurs. Il ne faut pas prendre un dérèglement d’imagination pour un entousiasme poëtique. S. Evr. Ce qu’on appelle dérèglement dans les autres, n’est dans les Héros qu’une impétuosité qui emporte notre admiration, sans reconnoître notre jugement. S. Evr. Il y a un agréable dérèglement d’esprit qui accompagne d’ordinaire la passion de deux Amans heureux. S. Real. Il faut éviter le deréglement aussi bien que la contrainte ; S. Evr. Il faut bien des années de dérèglement & de libertinage pour arriver à ce comble d’infamie. Patru. Le feu & les emportemens de Tertulien marquent assez le dérèglement de son imagination. Maleb. Le dérèglement des saisons, le dérèglement des humeurs. Le dérèglement du pouls. Cette horloge ne marque pas bien, il y a quelque dérèglement en son mouvement.

DÉRÉGLÉMENT adv. D’une manière déréglée. Immoderatè, immodice, effrenatè, intemperanter. On vit fort déréglément en cette maison.

DÉRÉGLER. v. a. Mettre hors de la règle, faire sortir de l’ordre établi. Perturbare. Il nous a tous déréglés. La mauvaise nourriture lui a déréglé l’estomac. Le mouvement du cheval a déréglé ma montre. Dieu avoit fait l’homme de ses propres mains : nulle ignorance n’obcurcissoit son esprit, nul mauvais désir ne dérégloit sa volonté. Flêch. Quand la colère emporte l’Orateur, elle le trouble & l’égare : elle dérègle son geste & son action. M. Esp.

Se Dérégler, v. récip. Agir contre la règle, contre l’ordre établi, contre le cours ordinaire des choses de la nature & de l’art. Mon estomac s’est déréglé depuis quelque temps. Mon pouls se dérègle. Ma montre se dérègle dans les grandes gelées.

☞ DÉRÉGLÉ, ÉE. part. Voyez le verbe.

☞ Il est souvent adj. & désigne ce qui est contraire aux régles de la morale. Inordinatus, immo-