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DIE

hommes sont si naturellement portés à croire des Dieux, qu’ils ont mieux aimé s’en faire de ridicules que de n’en point avoir du tout. S. Evr. je pense, donc Dieu existe : car ce qui pense en moi, je le dois à un Etre qui est au-dessus de moi, & qui n’est point matiere ; & cet Etre c’est Dieu. La Bruy. La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. Toute la sagesse du monde n’est que folie devant Dieu. Les Chrétiens adorent un Dieu en trois personnes, Dieu le Père, Dieu le fils, Dieu le Saint Esprit & les trois ne sont qu’un seul Dieu. Il n’est pas besoin de se retirer du monde, pour aller chercher Dieu dans l’horreur de la solitude. S. Evr. Si nous quittons Dieu pour le monde, on nous traite d’impies : & si nous quittons le monde pour Dieu, on nous traite d’imbécilles. Id. Faut-il vous la prouver (l’existence de Dieu) par le témoignage de votre ame, qui, toute captive qu’elle est dans la prison du corps, assiégée par des habitudes criminelles, accablée sous le poids de ses penchans & de ses desirs, esclave des fausses Divinités, lorsqu’elle revient à elle-même comme d’une ivresse, d’un assoupissement, ou de quelque maladie violente, & qu’elle recouvre la raison, elle invoque la Divinité sous un nom qui ne convient qu’au véritable Dieu. Grand Dieu ! Bon Dieu ! Dieu veuille ! sont des paroles qui sont à la bouche de tous les hommes. Elle le prend aussi pour Juge, lorsqu’on dit, Dieu le voit, Je mets tout entre les mains de Dieu, Dieu me le rendra. Ne sont-ce pas là les sentimens d’une ame naturellement Chrétienne ? Enfin, en prononçant ces paroles, ce n’est point le capitole qu’elle regarde, c’est le ciel, parce qu’elle sait qu’il est la demeure du Dieu vivant, qu’elle est sortie de Dieu, & que le ciel est le lieu de son origine. Vassoult. Traduct. de l’Apolog. de Tertullien.

Ouvre les yeux, homme infidèle
Sur le Dieu puissant qui t’appelle :
Mais tu te plais à l’ignorer ;
Affermi dans l’ingratitude,
Tu voudrois que l’incertitude
Te dispensât de l’adorer. Nouv. ch. de Vers.

Il y a un excellent Livre de M. Ray, Anglois, intitulé, l’existence & la sagesse de Dieu manifestées dans les œuvres de la création ; il a été traduit en François. Il y en a aussi un de M. de Cambray sur la même matière, & Labadie a commencé par là son Traité de la vente de la Religion.

On dit, dans la première édition de ce Dictionnaire, & dans le Moréri, que le nom de Dieu est appelé des Grecs τετραγράμματον, ou composé de quatre lettres, comme il est presque chez toutes les Nations, ainsi qu’ont remarqué les Curieux : en Hébreu Jehova, &c. Il y a deux ou trois fautes grossières en cette remarque, qui viennent de ce qu’on n’a pas distingué le nom Dieu d’avec le nom de Dieu ; choses cependant très-différentes. Un exemple va le faire comprendre. Le nom Roi, & le nom du Roi, ne sont pas la même chose. Le nom Roi, c’est ce mot, Roi, & le nom du Roi c’est Louis. Il en est de même en Hébreu du nom Dieu, & non pas du nom de Dieu. Nous parlons ici du nom Dieu, & non pas du nom de Dieu. Or il n’est pas vrai que le nom Dieu, duquel seul il s’agit ici, soit le nom, qu’on appelle de quatre lettres ; c’est le nom de Dieu qu’on appelle ainsi, & non pas le nom Dieu, qui n’a pas quatre lettres, mais seulement trois au singulier, ou cinq au pluriel. 2o. Supposé qu’on voulût parler du nom de Dieu, non pas du nom Dieu, il falloit dire que ce sont les Hébreux qui l’appellent un nom de quatre lettres, בן אר בע אותיית, & les Grecs à leur exemple, τετραγράμματον. 3o. Ce n’est point le nom Dieu dont il s’agit ici, qui est composé de quatre lettres en Hébreu : ce nom est au singulier אלה, qui n’en a que trois, & plus ordinairement אלהים, pluriel, qui en a cinq. 4o. En Hébreu יהוה, Jehovah, qui est le nom de Dieu, n’est point, comme on le dit, Θεὸς en Grec, en Latin Deus, &c. en Hébreu le nom Dieu, c’est אלה, Eloah, comme je l’ai dit, ou אלהים, Elohim ; & le nom de Dieu c’est יהוה, Jehovah. Quand aux autres langues, le nom Dieu, mais non pas le nom de Dieu, c’est en Grec Θεὸς, en Latin Deus, en Espagnol Dios, en italien Iddio, en François Dieu, en Gaulois Dieux, en ancien Allemand Diet, & aujourd’hui God, en Sclavon Buch, en Arabe Alla. Ceux de Pannonie l’appelent Istu, les Polaques Bung, les Égyptiens Tenu, les Persiens Sire, les Mages Orsi, en langue Malaye Dios. Voilà quel est le nom Dieu dans toutes ces Langues ; mais elles n’ont point de nom de Dieu, comme l’Hébraïque a יהוה, Jehovah.

Les Rabbins & les Hébraïsans, S. Jérôme, & les Interprètes, comptent dix différens noms de Dieu dans l’Ecriture, qui sont, אל, El, אלהימ, Elohim, אלהי, Elohe, ou au singulier, אלה, Eloah, צבות, Tsebaot, עליון, Elion, אהיה, Ehjeh, אדני, Adonai, יה, Jah, שדי, Schaddai, יהוה, Jehovah ; mais il ne haut point distinguer אלהי, de צבאות : il n’en faut faire qu’un nom, אלהי צבאות, Eloeh tsebaoth, c’est-à-dire, Dieu des armées, & il ne faut point confondre אלהי, Elohe, avec אלה, Eloha. Il y a trois de ces noms de Dieu, qui signifient l’essence de Dieu, & sont des noms propres ; c’est אהיה, Ehjeh, אהיה, Jah, & יהוה, Jehovah. Les autres ne sont que des noms d’attribut, comme nous le montrerons peut-être à leur place. S. Jérôme a expliqué ces dix noms de Dieu dans sa Lettre à Marcella. Buxtorf le fils a fait une Dissertation sur ces mêmes noms, Dissertatio de Nominibus Dei. Le P. Souciet, Jésuite, en a fait trois sur les trois noms, El, Schaddai & Jehovah, imprimées à Paris en 1715.

L’Ecriture donne encore à Dieu le nom de Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, &c. Le Dieu des Armées, le Dieu des Batailles, le Dieu vivant. Les Hébreux, dans leurs sermens, disoient, Vive Dieu. Les Grecs, ni les Latins par le nom de Dieu, n’entendoient point un Être tout parfait, & dont l’éternité est un attribut essentiel. Ils entendoient par-là une nature excellente, & ils appeloient Dieux tous les êtres qu’ils regardoient comme supérieurs à la nature humaine. Les hommes mêmes, selon eux, pouvoient devenir des Dieux après leur mort, parce que leur ame pouvoit acquérir un degré d’excellence, qu’ils n’avoient point eu pendant leur vie. Les Sages du Paganisme reconnoissoient un seul Dieu sous des noms différens. La Fortune, Jupiter, ou Mars, sont des noms différens du vrai Dieu, diversifiés selon l’usage qu’il fait de sa puissance. Le P. Thomassin. Ils donnoient à Dieu les noms des bienfaits qu’il distribue aux hommes. Ils appeloient Dieu, Bacchus, parce qu’il a donné l’usage de la vigne. Id.

Le nom de Dieu vient du Latin Deus, qui est formé du Grec Θεὸς : ces mots signifient la même chose.

Il y a une infinité de façons de parler communes, ou proverbiales, où l’on fait entrer ce mot. On dit en actions de graces, graces à Dieu, Dieu merci, Dei beneficio quod Dei beneficium est. Populairement, Dieu merci, & vous, ou Dieu merci & à vous. Tuo beneficio. Dieu merci les soins que j’y ai pris, Dieu merci mon argent que j’ai fourni. Diligentiæ, pecuniæ præsidio. Dieu merci se dit aussi en choses indifférentes, & où il n’y a point d’actions de graces à rendre à Dieu. Il a ménagé les faiseurs de Romans, il s’est fait violence pour les louer : car, Dieu merci, vous ne louez jamais que ce que vous faites. Racine. Et quelquefois en riant :

Puisqu’on plaide & qu’on meurt, il faut qu’on se propose,
D’avoir des Appointeurs, & d’autres gens aussi,
On n’en manque pas, Dieu merci. De la Font.

On le dit aussi à contre-sens. Dieu merci les gens