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CRO

CROPIÈRE. Curtipetra. Petite Ville de France dans la basse Auvergne, à six lieues de Clermont, vers Lyon.

CROPIOT. s. m. Petit fruit de l’Amérique, ridé, renfermant une semence noire, semblable au poivre d’Ethiopie, d’un goût très-âcre. Les Indiens en mêlent avec leur tabac, quand ils veulent fumer ; il soulage le mal de tête, comme fait quelque fois le tabac. Clusius & Bauhin en font mention.

CROQUANT. Nom de faction de paysans révoltés en quelques Provinces au-delà de la Loire pendant la ligue sous Henri IV. Il se fit en 1593 un soulevement de paysans dans le Périgord, le Limousin & le Poitou, ils s’attrouperent, se firent des Chefs, & des Officiers, refuserent de payer les impôts, coururent la campagne, & ne faisoient aucun quartier aux Gentilshommes qui tomboient entre leurs mains, pour se venger, disoient-ils, des violences qu’on leur avoit fait souffrir, & des extorsions des Gouverneurs des villes & des châteaux. On leur donna le nom de Croquants, parce qu’ils croquoient, c’est le terme populaire, c’est-à-dire, qu’ils mangeoient & buvoient tout ce qu’ils trouvoient à manger & à boire dans les maisons des Gentilshommes, & que tout leur butin étoit employé à faire bonne chère. P. Daniel, dans Henri IV. T. III. p. 1648.

Croquant, se dit par extension d’un homme de néant, d’un gueux, d’un misérable. C’est un Croquant, un pauvre croquant. Ce terme est populaire.

Croquant, ante. Se dit neutralement des fruits & des mets durs, secs, fermes qui croquent ou font du bruit, en se brisant sous la dent.

CROQUANTE. Se dit absolument d’une tourte ou pièce de patisserie composée d’amandes, mince, sechée au four, & qui croque sous la dent.

CROQUE. s. f. On dit manger quelque chose à la croque-au-sel, pour dire, manger quelque chose sans autre apprêt que le sel, ou comme on la trouve.

Dans le sens figuré, on dit qu’un homme en mangeroit un autre à la croque-au-sel, pour dire qu’il est beaucoup plus fort que lui. Expression familière.

CROQUE-LARDON. s. m. Affamé, écornifleur de cuisine. Terme populaire.

CROQUER. v. n. C’est en parlant des choses dures ou seches qu’on mange, faire du bruit sous la dent. Crepitare sub dentibus. Le biscuit de mer, les amandes à la praline croquent sous la dent. Les moules, les laitues qui ne sont pas bien lavées, croquent, quand on y a laissé du gravier. Quelquefois ce verbe est actif, & signifie manger des choses qui font du bruit sous la dent. Croquer du petit métier.

Activement il signifie aussi manger avec avidité. Glutire, deglutire, vorare. Ce cadet a bon appétit, il auroit bientôt croqué ce poulet. Il croquera toute notre collation, si l’on n’y prend garde. La fontaine fait dire par le Renard au Lion :

Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? non, non : vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant beaucoup d’honneur.

Assaillir un poulet hérissé de lardons,
Fripper un bon morceau, croquer des macarons.

Nouv. Choix de vers.

Croquer, signifie encore, dissiper, perdre. Abligurire bona, nummos comedere, patrimonium conficere, dissipare. C’est un homme qui a croqué, qui a dissipé tout son bien. Vous avez prêté votre argent à cet insolvable, c’est autant de croqué.

Croquer, figurément signifie, dérober avec adresse & promptitude. Suffurari astutè. Je laissai mon livre sur la table, il fut incontinent croqué. Tout cela est du style familier ou populaire.

Croquer, en termes de Peinture, signifie, tracer sur le papier à la hâte les premières idées, les premiers traits d’un dessein, dans l’intention de les coriger, de les rectifier à loisir. Aliquid adumbrare leviter, leviore manu, rudiore penicillo. On le dit aussi des vers, & de tous les ouvrages d’esprit qui ne sont pas achevés, où l’on n’a pas mis la dernière main. Cet ouvrage n’est que croqué, c’est dommage.

Croquer. Terme de Marine, il se dit pour accrocher. Croquer le croc de palan, c’est le passer dans l’arganeau de l’ancre.

On dit proverbialement, qu’un homme a été long-temps à croquer le marmot ; pour dire qu’on l’a laissé long-tems à attendre sur les degrés, dans un vestibule. Ce proverbe vient apparemment des compagnons Peintres qui, quand ils attendent quelqu’un, se désennuient à tracer sur les murailles quelques marmots, ou traits grossiers de quelque figure : ce qu’on appelle croquer le marmot, suivant la phrase qui vient d’être expliquée.

Croqué, ée. Part. Il a les significations de son verbe.

CROQUET. s. m. Espèce de pain d’épice qui est fort mince, fort sec & fort dur, qui par conséquent croque sous les dents. Dulciarius parus duratus ac siccatus igne, qui sub dentibus crepitat, cùm frangitur.

Croquet, Pomme de croquet. Nom d’une espèce de pomme. La pomme de croquet est une espèce de châtaigne.

CROQUEUR. s. m. Celui qui prend, qui attrape, qui mange, qui croque.

Un vieux renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de poulets, un jour fut pris au piege. La Font.

CROQUIGNOLE. s. f. Quelques-uns disent craquinole ; mais mal. C’est une espèce de chiquenaude ou de nasarde. C’est un coup qui se donne sur le visage, en lâchant avec violence un doigt qu’on a posé sur un autre. Talitrum. Donner des croquignoles. L’un en passant me donnoit une nasarde, & l’autre une croquignole. Ablanc. Choisissez d’avoir trente croquignoles. Mol.

CROQUIGNOLER. v. a. Donner des croquignoles à quelqu’un. Talitris illudere. Il n’est pas usité.

☞ CROQUIS. s. m. Terme de Peinture. Esquisse faite à la hâte, moins finie que les esquisses ne le sont ordinairement. Voyez Pensée, Esquisse.

CROSSE. s. f. Bâton crochu, ou recourbé par le bout, avec lequel les enfans jouent & s’échauffent en hiver, en poussant & se renvoyant une balle, une pierre. Baculus extremorum altero recurvus.

Crosse, est aussi la partie du fût du mousquet, d’un fusil, qu’on appuie contre l’épaule en tirant. Sclopeti majoris pars incurva. Ce soldat a achevé de tuer son ennemi avec la crosse de son mousquet.

Crosse, est aussi un bâton Pastoral que portent les Archevêques, Evêques & Abbés réguliers, ou qu’on porte devant eux dans les cérémonies. C’est un bâton d’argent ou d’or, recourbé & ouvragé par le haut. Pedum Pontificum, Pontificale, Pastorale. C’est le symbole de la correction Episcopale. Les Evêques, les Abbés, Abbesses, la font porter devant eux ; & ils la tiennent à la main, quand ils donnent la bénédiction en cérémonie. La crosse d’Evêque d’un côté est pointue, & l’autre courbe : ce qui est signifié par ce vers.

Curva trahit mites, pars pungit acuta rebelles.

L’usage de porter un bâton pastoral devant les Evêques est très-ancien, comme il paroît par la vie de S. Césaire d’Arles, L. II. n. 22. ce Saint vivoit vers l’an 500. & par la vie de Saint Germain, Evêque de Paris qui mourut en 576. Mais on ne trouve point de mention de crosse avant le XIe siècle. Chez les Grecs il n’y avoit que les Patriarches qui eussent le droit de porter la crosse. Les premières crosses n’étoient que de simples bâtons de bois, qui d’abord eurent la forme d’un Tau, T. & dont on se servoit pour s’appuyer. Ensuite on les fit