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VER–VER


compte fidelle de ses sentimens & de ses préceptes, qui sont, sans contredit, tout ce qu’il y a de plus savant & de meilleur dans nos Grammairiens. Nous supposons ici l’intelligence de tous les termes communs de la Grammaire, parce qu’on les trouvera à leur place dans ce Dictionnaire. Nous expliquerons ceux que M. l’Abbé Dangeau a faits de nouveau, ou auxquels il donne un nouveau sens.

Il y a deux choses en général à considérer dans le verbe, ses espèces & ses variations ou conjugaisons. Il y a deux espèces générales de verbes. Le verbe auxiliaire & le verbe qui se sert de l’auxiliaire : cette division pourroit ne pas paroître juste à quelques-uns, parce que le verbe auxiliaire, comme on le verra, se sert aussi d’auxiliaire lui-même ; mais cela ne détruit point la division ; cela montre seulement que le verbe auxiliaire a deux formalités, deux qualités différentes sous lesquelles il peut être considéré, & en vertu desquelles il constitue comme deux verbes, dont l’un est de l’espèce des auxiliaires, & l’autre est de l’espèce de ceux qui se servent d’auxiliaires. Les verbes qui se servent d’auxiliaires sont ou actifs, ou neutres, ou pronominaux. Notre illustre Académicien ne fait point une espèce de ce qu’on appelle verbes passifs, ou plutôt il leur donne un autre nom, comme nous le verrons dans la suite. Les verbes neutres, sont ou neutres actifs ou neutres passifs. Les pronominaux sont ou identiques, ou réciproques, ou neutrisés, ou passivés. Cela fait huit espèces de verbes. L’auxiliaire, l’actif, le neutre actif, le neutre passif, l’identique, le réciproque, le neutrisé & le passivé.

Le verbe auxiliaire est celui qui sert à varier, ou conjuguer les autres verbes. Ce n’est pas que les autres emploient toujours & par-tout, c’est-à-dire, en tous leurs mœufs & leurs temps, le secours d’un verbe auxiliaire, mais seulement, parce qu’ils le font souvent ; car quelquefois ils s’en passent. Il y a deux verbes auxiliaires, avoir & être, entre lesquelles il y a deux différences : la première est que le verbe avoir sert non-seulement à former les verbes non auxiliaires, mais encore à former les verbes auxiliaires, c’est-à-dire, à se former lui-même & à former le verbe être, au lieu que le verbe être ne sert qu’à varier ou à former les non-auxiliaires, & n’entre point, comme auxiliaire, ni dans sa propre conjugaison, ni dans celle du verbe avoir. La seconde différence est que le verbe avoir se double, se répète, dans la variation ou formation des verbes non-auxiliaires, c’est-à-dire, qu’on forme quelquefois une de leurs parties ou variations, de deux parties du verbe avoir jointes ensemble, ce qui n’arrive pas à l’auxiliaire être, qui comme auxiliaire, est toujours simple, & ne donne aucune des parties à la formation de chaque partie des autres verbes.

Le verbe actif, est celui qui signifie une action, qui tombe sur un autre sujet ou objet, & il se varie ou se conjugue tant par le verbe avoir, que par le verbe être.

Le verbe neutre est celui qui signifie une action qui n’a point d’objet sur lequel elle tombe, mais qui tout seul remplit toute l’idée de l’action ; par exemple, je dors, tu bailles, il éternue, nous marchions, vous courûtes, ils sortiront. Ces mots expriment toute l’action, ces actions n’ont point de sujet sur qui elles tombent, c’est pourquoi ces sortes de verbes se nomment verbes neutres. Les Latins leur ont donné ce nom, parce que ce sont des verbes, qui ne sont ni actifs, ni passifs.

De ces verbes neutres, il y en a quelques-uns qui forment leurs parties par le moyen du verbe auxiliaire avoir, par exemple, j’ai dormi, nous avons couru. Il y a d’autres verbes neutres, qui forment leurs parties composées par le moyen du verbe auxiliaire être, par exemple, les verbes Venir, arriver, car on dit, je suis venu, & non pas j’ai venu. Ils sont arrivés, & non pas ils ont arrivé. Et comme ces verbes sont neutres de leur nature, & qu’ils se servent de l’auxiliaire être, qui marque ordinairement le passif, M. l’Abbé Dangeau les nomme neutres passifs. Et les verbes neutres qui forment leurs parties avec le verbe avoir, cet habile Académicien avec quelques autres Auteurs, les nomme neutres actifs. On dit qu’un Grammairien nomme les neutres actifs, neutres avoirés, c’est-à-dire, qui se conjuguent avec le verbe avoir ; & les neutres passifs, neutres êtrés, c’est-à-dire, qui prennent pour auxiliaire le verbe être. Mais quoique ces mots soient plus courts, & expriment bien ce que l’on veut faire entendre, parce que l’usage ne les a pas reçus, M. l’Abbé Dangeau n’ose s’en servir.

Cette distinction de verbes neutres actifs, & neutres passifs, est importante. Car, 1°. il y a des verbes qui ont une signification, quand ils sont neutres actifs, & une autre signification quand ils sont neutres passifs ; par exemple, le verbe demeurer, quand il est neutre actif, signifie habiter, faire son séjour, comme dans ces phrases : j’ai demeuré dans cette maison, il a demeuré trois ans en ce pays-là. Et quand il est neutre passif, il signifie, s’arrêter, cesser d’agir, comme dans ces phrases : nous en sommes demeurés en cet endroit-là ; il est demeuré tout court en haranguant le Roi. Le verbe repartir, quand il est neutre passif, signifie partir de nouveau, comme dans cette phrase, il arriva avant-hier, & il est reparti ce matin ; mais quand il est neutre actif, il signifie répondre, comme, il lui a réparti avec beaucoup d’esprit. Il en est de même du verbe convenir, &c. Dans les parties simples de ces sortes de verbes, il n’y a point de différence entre le neutre actif & le neutre passif. C’est ce qui précède & ce qui suit, qui les fait distinguer. 2°. Le même verbe est quelquefois actif, quelquefois neutre actif, & quelquefois neutre passif, & a trois significations différentes, comme le verbe monter, qui dans ces exemples est actif : Il a monté du foin au grenier, il a monté un cheval, j’ai monté ma montre. Il est neutre actif dans ces phrases : J’ai monté avec beaucoup de peine sur ce cheval, il a monté trois heures pour arriver au haut de la montagne. Et neutre passif dans celle-ci : Il est monté fort haut par son mérite, il est monté dans sa chambre il n’y a qu’une heure. Et de même le verbe descendre, le verbe cesser, &c. Le verbe diminuer est quelquefois actif, comme, diminuez quelque chose du prix de cette étoffe ; & quelquefois neutre actif, par exemple, cette eau-là a fort diminué depuis qu’elle est sur le feu ; & quelquefois neutre passif ; par exemple, elle est diminuée de moitié. 3°. Il y a des verbes qui ont une signification quand ils sont pris comme actifs, & une autre quand ils sont pris comme neutres ; par exemple, le verbe répondre : il ne m’a répondu que des sottises : il est actif. Prêtez-lui avec confiance, je répons pour lui : il est neutre. 4°. Il y a une différence considérable entre les neutres actifs, & les neutres passifs, qui est que les neutres actifs n’ont proprement point de participe passif, au lieu que les neutres passifs en ont. On ne dit point : une femme éternuée, des hommes dormis ; mais on dit fort bien, une femme venue fort à propos ; des hommes descendus de bien haut. 5°. Les différens verbes auxiliaires, dont on se sert pour former les parties composées d’un verbe, en changent extrêmement la signification. J’ai résolu de faire : je me suis résolu de faire : ces phrases marquent des choses fort différentes. Toutes ces remarques & d’autres que l’on trouvera dans les Réflexions de M. l’Abbé Dangeau, tendent à montrer combien il est nécessaire de distinguer les verbes comme il fait.

Il y a une sorte de verbes qui sont d’une telle nature, qu’on ne sait sous quelle classe on doit les ranger, comme les verbes subvenir, tâcher. Ces sortes de verbes ont cela de commun avec les verbes qu’on nomme communément des verbes actifs, qu’ils ne forment pas un sens complet par eux-mêmes; mais on ne les nomme pourtant pas communément des actifs, parce qu’ils ne peuvent pas prendre une signification passive, comme sont les verbes actifs, & qu’ils ne gouvernent pas l’accusatif. On ne peut pas aussi les nommer des verbes neutres : parce que le verbe neutre forme de lui-même une idée complette, ce qui fait qu’on le pourroit nommer neutre absolu. Ces sortes de verbes neutres, comme subvenir & tâcher, qui ne s’emploient qu’avec quelque préposition, comme, subvenir aux nécessités de quelqu’un, tâcher de parler, ou tâcher à