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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/1008

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BOUC ÉMISSAIRE — BOUCHE


donc nullement que l’expression la’azâ’zêl renferme le nom d’une autre personne à qui le second bouc ait été envoyé. Pour admettre au temps de Moïse la simple possibilité d’un culte rendu à Satan, non par de simples particuliers, mais par tout le peuple, et sur l’ordre même de la loij il faut ne tenir aucun compte de l’histoire des Hébreux. Tout, dans la législation mosaïque, tend au contraire à combattre énergiquement les idées idolâtriques que le peuple avait pu conserver de son séjour en Egypte.’Azd’zêl ne peut même pas être une idole, ni une divinité assimilable a Set-Typhon. Il n’en a aucun des caractères, et le texte du Lévitique ne fournit pas la moindre donnée sur laquelle on puisse baser cette assimilation. Cf. Diestel, SetTyphon, Asasel und Satan, dans la Zeitschrifl fur die historische Théologie, 1860, p. 159. La croyance de l’auteur du livre d’Hénoch, suivi trop aveuglément par Origène, ne prouve pas que’Azâ’zêl ait été regardé comme Satan lui-même par les premiers Hébreux. Cette interprétation ne se produit que quatorze siècles après la promulgation de la loi du Lévitique, dans un livre fort sujet à caution, et à une époque où l’on donnait au démon des noms bibliques dont on ne comprenait pas bien le sens. C’est ainsi qu’un peu plus tard on a voulu identifier arbitrairement l’Abaddon de l’Apocalypse avec le démon Asmodée. Voir Abaddon. Les textes qu’on cite quelquefois pour démontrer que le désert est le séjour du démon, Matth., iv, 1 ; xii, 43 ; Marc, 1, 13, et que par conséquent le bouc émissaire était envoyé au démon, ne viennent pas au secours de la thèse. Ils ne prouvent pas, en effet, qu’au temps de Moïse on regardât le désert comme le séjour des mauvais esprits.

2°’Azazêl désignerait le lieu dans lequel le bouc était envoyé. Quelques auteurs juifs, relativement modernes, entre autres Abenesra, ont imaginé que’Azâ’zêl désignait une montagne voisine du Sinaï. Cette supposition ne se soutient pas. La loi du Lévitique était portée pour toute la suite de l’histoire des Hébreux. Comment dès lors admettre que Moïse ait voulu les obliger chaque année à conduire un bouc de la terre de Chanaan au Sinaï ? D’autres auteurs juifs ont dit que le terme hébreu était le nom du précipice dont fait mention le Yoma. Comment alors Moïse l’aurait-il nommé au désert ? Enfin Bochart, Hierozoïcon, édit. de 1793, t. i, p. 651, conjecture que Je mot signifie en général « le lieu désert et séparé », quelque chose comme la « terre séparée » dont parle le ꝟ. 22^ Mais l’étymologie sur laquelle il s’appuie n’est possible qu’en arabe et non en hébreu. Voir Gesenius, Thésaurus lingux hebrxse, p. 1012. Du reste, le nom du lieu où le bouc était envoyé est déjà indiqué aux fꝟ. 10, 21, 22 : « dans le désert, dans la terre séparée. » Il y aurait tautologie si le mot’Azâ’zêl était encore un nom de lieu.

3°’Azâ’zêl peut être un terme abstrait tiré du radical’azal en arabe ou’âzal en hébreu, qui signifie « éloigner ». Le bouc serait choisi pour « l’éloignement », c’est-à-dire soit pour être éloigné lui-même, soit pour éloigner les péchés du peuple qu’on charge sur sa tête. C’est le sens adopté deux fois par les Septante et ensuite par Josèphe. Le contexte s’accommode très bien de ce sens. Mais le mot hébreu peut aussi être un terme concret se rapportant au bouc lui-même, qui est « éloigné » dans le désert, ou « qui éloigne », non les malheurs, comme pensent ceux qui font de’Azâ’zêl un Averruncus, mais les péchés du peuple. L’  « it<rao|jL7caïoç des Septante et les traductions de Symmaque et d’Aquila reproduisent cette signification concrète. Saint Cyrille d’Alexandrie dit aussi : « Le bouc qui ne devait pas être immolé n’était pas envoyé à un àTtcmofiTtatoç, à un démon de ce nom ; mais lui-même fut appelé àîroîro(iir « toc, c’est-à-dire renvoyé de l’immolation. » Cont. Julian., vi, t. lxxvi, col. 964. Le mot hébreu viendrait alors, selon quelques auteurs, de’êz, « chèvre, » et’âzal, « s’en aller. » Robertson, Thésaurus lingurn sanctm, Londres, 1680, p. 710. On objecte qu’il s’agit ici de bouc et non de chèvre. Mais il n’est pas certain que’êz

ne puisse aussi avoir le sens de « bouc ». Gesenius en convient. Lui-même regarde’azâ’zêl comme une forme intensive du verbe’âzal, « éloigner. » Cette forme dériverait du pilpel.’Azâ’zêl serait alors pour’âzalzêl, par suppression du larned, comme babel pour balbel, golgotha pour gulgalta, etc. Thésaurus, endroit cité plus haut. On oppose à ce dernier sens la difficulté créée au ꝟ. 8 par la préposition le placée devant’azâ’zêl. Cette difficulté n’existe pas ; car si cette préposition indique habituellement le terme auquel tend l’action, elle marque aussi l’état dans lequel passe le sujet, comme dans la phrase si connue : « L’homme fut fait lenéfés hayyâh, en âme vivante. » Gen., ii, 7. Cf. II Reg., v, 3 ; Job, xiii, 12 ; Lam., IV, 3, etc. Le ꝟ. 8 peut donc être traduit : « Aaron jette le sort sur les deux boucs, un sort pour Jéhovah et un sort pour l’émissaire, » c’est-à-dire pour désigner le bouc qui doit être émissaire et pour le constituer en cette qualité. Les trois autres passages s’expliquent aussi aisément avec ce sens. — Voir Th. Roser, De hirco emissario, ih-4°, Iéna, 1664 ; W. Heckel, De hirco emissario, in-4, Iéna, 1668 ; J. Hamburger, ïtealEncyklopâdie fur Bibel und Talmud, Supplément, 2, Leipzig, 1886, art. Asasel, p. 120. H. LesêTRE.

    1. BOUCHE##

BOUCHE (hébreu : péh ; Septante : (rrdfia ; Vulgate : os). Ce mot entre dans un grand nombre de locutions, métonymies ou métaphores, en partie communes à tous les peuples, en partie particulières à l’Orient. Voici les plus importantes de ces dernières, qui ont besoin de quelque explication. Elles se rapportent à la bouche en tant qu’elle sert à parler, à transmettre des ordres. — Dieu ouvre la bouche des prophètes, leur met ses paroles dans la bouche, c’est-à-dire leur donne la mission de parler en son nom et leur suggère ce qu’ils doivent dire. Exod., iv, 15 ; Num., xxii, 38 ; xxiii, 5, 12, etc. Écrire de la bouche de quelqu’un, c’est écrire sous sa dictée. Jer., xxxvi, 4, 27, 32 ; xlv, 1. Être la bouche d’une personne, c’est porter la parole à sa place, être son interprète. Exod., iv, 16 ; Jer., xv, 19. — La bouche, organe du langage, signifie aussi les paroles qui en procèdent, et de là les pensées, les ordres exprimés par la parole. Ainsi interroger la bouche d’une personne, c’est savoir ce qu’elle pense et voudra bien en dire, c’est la consulter, Gen., xxiv, 57 ; Jos., îx, 14, etc. ; « d’une seule bouche » signifie « d’un commun accord », Dan., iii, 51 ; observer la bouche du roi, c’est écouter attentivement sa parole. Eccle., viii, 2. Faire une chose sur la bouche de quelqu’un, c’est agir sur son ordre. Gen., xli, 40 ; Exod., xvii, 1. Ainsi quand on dit que Moïse meurt (mot à mot) sur la bouche de Dieu, cela ne doit pas s’entendre, comme l’ont cru le Targum et quelques rabbins, en ce sens qu’il mourut dans le baiser de Jéhovah, mais « sur l’ordre de Jéhovah », Deut., xxxiv, 5, ainsi que l’a bien compris la Vulgate. C’est de même aussi qu’on doit expliquer une parole souvent prise dans une signification bien différente du vrai sens littéral, la réponse de NotreSeigneur au tentateur : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole (hébraïsme pour : toute chose) qui sort de la bouche de Dieu. » En se reportant au texte du Deutéronome, vin, 3, auquel Jésus fait allusion, on voit qu’il ne s’agit pas d’une nourriture spirituelle, comme le pain de la vérité religieuse ou l’obéissance aux commandements ; mais de tout ce qui peut sortir de la parole créatrice de Dieu, c’est-à-dire toute nourriture miraculeuse, comme la manne, que sa bonté peut envoyer à ceux qui se confient en lui. De ce sens de pensée, de commandement, sont dérivés les sens de « en raison », « en proportion, » « selon, » etc., qu’a souvent le mot pî, « bouche, » joint à des prépositions. Ose., x, 12, etc. — Si l’expression « ouvrir la bouche » se met souvent par pléonasme, d’autres fois elle exprime l’idée de parler hautement, hardiment. I Reg., Il, 1 ; Is., lvii, 4 ; Ezech., xxiv, 27 ; cf. Ps. xxxv, 21. « Placer sa bouche contre le