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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/116

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ACACIA

de bois de cèdre, qu’il fit venir du Liban, pour la décoration et l’ameublement du lieu sacré ; quand Moïse édifia le tabernacle, il employa le seul bois de construction qu’il eut sous la main, c’est-à-dire l’acacia seyal. Les autres arbres répandus dans la péninsule, qui sont le palmier et le tamaris, ne pouvaient lui servir ni pour la construction de la tente du Seigneur, ni pour la fabrication des meubles sacrés ; ils sont tout à fait impropres à ce genre de travaux ; l’acacia seyal avait, au contraire, comme le lui avait appris l’usage qu’on faisait en Egypte des diverses espèces d’acacias, toutes les qualités que pouvait désirer le libérateur des Hébreux : son bois est excellent pour faire des planches, et il a de plus l’avantage d'être très léger, propriété précieuse dans les circonstances où vivaient les Israélites ; car, menant alors une vie nomade, et ayant à transporter tout ce qui servait au culte lorsqu’ils changeaient de campement, il leur importait beaucoup de tout réduire à un poids minimum.

Moïse, afin d’exécuter tout ce qui était nécessaire au culte du vrai Dieu, s’adressa aux enfants d’Israël et leur demanda d’offrir eux-mêmes au Seigneur les matières premières. Pour la construction du tabernacle et des divers meubles sacrés, il les engage à donner, entre autres objets, du bois de setim, Exod., xxv, 5 ; xxxv, 7, 24, que chacun pouvait prendre dans le désert même. Avec ce bois, on fit l’arche d’alliance, Exod., xxv, 10 ; xxxvii, 1 ; Deut., x, 3 ; la table des pains de proposition, Exod., xxv, 23 ; xxxvii, 10 ; l’autel des holocaustes, Exod., xxvii, 1 ; xxxviii, 1 ; l’autel des parfums, Exod., xxx, 1 ; xxxvii, 25 ; les planches qui devaient former la partie solide du tabernacle, Exod., xxvi, 15 ; xxxvi, 20 ; les colonnes de ce même tabernacle, Exod., xxvi, 32, 37 ; xxxvi, 36, et enfin les traverses de bois nécessaires pour transporter ces divers objets sacrés d’un campement à un autre, Exod., xxv, 13, 28 ; xxvi, 26 ; xxvii, 6 ; xxx, 5 ; xxxvi, 31 ; xxxvii, 4, 15, 28 ; xxxviii, 6. Tous ces travaux en bois d’acacia furent exécutés sous la direction de Béséléel, et recouverts de feuilles d’or. Voir les articles Arche d’alliance, Autel, etc.

Dans tous les passages de l’Exode et du Deutéronome que nous venons de rapporter, le nom de l’acacia seyal est toujours au pluriel dans le texte hébreu, šittîm. Un verset d’Isaïe, xli, 19, nous présente ce mot sous la forme du singulier, šittâh, et c’est l’unique fois où nous le rencontrions au singulier : « Je ferai croître dans le désert (l’Arabah, c’est-à-dire la partie méridionale, inculte et aride de la vallée du Jourdain) le cèdre, le šittâh, le myrte et l’olivier, » dit le prophète. Certains savants pensent que ce mot ne désigne pas l’acacia seyal, parce que, disent-ils, Isaïe annonce que des arbres qui ne viennent que dans un sol fertile et riche prospéreront alors dans le désert, ce qui ne convient pas à l’acacia seyal, qui est, au contraire, un arbre très commun dans le désert du Sinaï. Il paraît cependant difficile de ne pas reconnaître dans le šittâh le šittîm de l’Exode ; et peut-être même est-ce l’usage sacré qu’on avait fait de son bois dans la péninsule du Sinaï qui a porté le prophète à le placer ainsi dans son énumération. On doit remarquer d’ailleurs que les anciens traducteurs ou ont ignoré la signification précise de šittâh, comme de šittîm, ou ont manqué du mot propre pour le traduire ; car nous avons vu que les Septante ont rendu šittîm par une sorte de paraphrase : « bois incorruptible ; » saint Jérôme s’est borné à transcrire simplement le terme hébreu en latin, setim. Dans Isaïe, la version grecque traduit šittâh par « buis », et la version latine par « épine ». Saint Jérôme savait d’ailleurs assez bien de quel arbre il était question, quoiqu’il n’eût pas de nom latin particulier pour le désigner. Il écrit, en effet, dans son commentaire d’Isaïe, xli, 19, t. xxiv, col. 417 : « Expliquons, dit-il, ce qu’est le sella hébraïque, que Théodotion a traduit par épine. C’est une espèce d’arbre qui croît dans le désert et qui ressemble à l’aubépine (spina alba) ; c’est avec son bois que furent faits l’arche et tout ce qui servit au tabernacle. Ce bois est incorruptible et très léger. »

Notre Vulgate, comme on le voit, a donc emprunté à Théodotion la traduction du mot šittâh par « épine » dans Isaïe, et cette traduction, quoique trop vague dans notre langue, rappelle du moins les épines dont est hérissé le seyal. Ce nom d' « épine » avait du reste été adopté par les écrivains grecs et latins comme le nom spécifique de l’acacia. C’est ce que prouve, pour les Grecs, le passage de Théophraste rapporté plus haut. Chez les Latins, spina est aussi le nom que Pline donne à l’acacia d’Égypte, H. N., xiii, 9 (19), édit. Teubner, t. ii, p. 327 : quoiqu’il se serve aussi ailleurs du mot « acacia », xxiv, 12 (67), t. iv, p. 53.

Nous avons dit que l’acacia seyal ne se trouvait pas dans l’intérieur de la Palestine, mais qu’on le rencontrait cependant dans le voisinage du Jourdain, où il croît encore aujourd’hui et où il a été signalé par divers voyageurs, principalement à l’est du fleuve.


13. — Acacia seyal.

Nous avons la preuve qu’il y poussait, du temps de l’exode et du temps des juges, dans quelques noms de lieux qui ont tiré leur dénomination des acacias seyal qu’on y remarquait. Ainsi la localité située au nord-est de la mer Morte, où campèrent les Israélites avant de passer le Jourdain et de commencer la conquête de la Terre Promise, s’appelait Âbêl haš-šittim, ou simplement Šittîm (Vulgate : Settim), Num., xxxiii, 49, etc., c’est-à-dire « pré des acacias », à cause de ses nombreux acacias seyal. M. Tristram en a vu encore de nos jours une grande quantité dans ces parages, à Engaddi et au sud-ouest de la mer Morte, H. B. Tristram, The Land of Israël, in-8°, 1865, p. 524 ; Id., Fauna and Flora of Palestine, in-4°, Londres, 1884, p. 293. — Michée mentionne aussi, vi, 5, un endroit qu’il appelleŠittîm (Vulgate : Settim), et qu’on croit communément être le même que celui dont nous venons de parler. Voir Abelsatim. — Joël, iv, 18 (hébreu), parle d’une vallée de Šittîm, naḥal haš-šittim (Vulgate, iii, 18, « Torrent des épines, » torrentem spinarum). — Enfin les Juges, vii, 23, nous font connaître une ville de la tribu cisjordanienne de Manassé, appelée Bêl haš-šittâh, ou « Maison de l’acacia seyal ». Voir Bethsetta.

On a publié plusieurs monographies sur le bois de setim : Sonntag, De ligno Sittim, Altdorf. 1710 ; Hasæus, De ligna Sittim, dans le Thesaurus antiquitatum d’Ugolini, t. viii ; G. Schweinfurth, Aufzählung und Beschreibung der Acacien-Arten des Nilgebiets, dans Linnæa, ein Journal für die Botanik, t. xxxv, Berlin, 1867-1868, p. 327.

F. Vigouroux.