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ADAM (HISTOIRE)

On pense généralement que ce nom, qui signifie « rouge », fut donné au premier homme à cause de la terre rouge, ʾÂdâmâh, dont il avait été formé, Gen., ii, 7 ; il était ainsi pour lui une leçon continuelle d’humilité. Dans la suite, il eut la même signification générale que a homo » en latin, et « homme » en français, tandis que’îi désigna l’homme par opposition à la femme, ʾîššah.

1. Création d’Adam.

L’auteur de la Genèse fait deux fois le récit de cette création : il la raconte d’abord, Gen., i, 26-30, comme faisant partie de la formation de l’univers, qu’elle complète et couronne ; il y revient plus loin, Gen., ii, 7, etc., pour expliquer la manière dont Dieu créa le premier homme, et passer ensuite, ii, 8 ; v, 5, à l’histoire d’Adam comme père et chef de l’humanité. La création d’Adam eut lieu à la fin de l’œuvre divine, au sixième jour, c’est-à-dire, selon l’interprétation qui prévaut aujourd’hui, à la sixième époque du monde, quand, par suite des évolutions cosmiques et géologiques, la température et la composition de l’air, l’ordre des saisons, en un mot toutes les conditions nécessaires à l’existence de l’homme furent dans un point convenable. Alors, selon la manière de parler familière aux Pères, le monde se trouva comme une maison préparée et ornée pour le père de la famille humaine, comme un royaume prêt à recevoir son souverain, celui qui était la fin et le complément de tout l’ouvrage des six jours. Cf. Lactance, Div. Jnst., ii, 9, t. vi, col. 305 ; S. Ambroise, Epist. xliii ad Horontianum, t. xvi, col. 1129 ; S. Jean Chrysostome, Hom. viii in Gen., t. un, col. 71 ; Denys le Petit, De creatione hominis, t. lxvii, col. 351. « Et [Dieu] dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Gen., i, 26. C’est la nature humaine qui-, d’après saint Augustin, De Trinitate, i, 7, t. xlii, col. 829, est ici désignée par le mot « homme. », comme l’indique la suite : « Il le créa à l’image de Dieu, et il les créa mâle et femelle, et il les bénit, etc. » Gen., i, 27-28. Dieu s’était contenté d’un simple commandement pour produire toutes les autres créatures : « Que cela soit, » ou : « Que la terre, que les eaux produisent ; » mais, pour créer l’homme, il sembla entrer en délibération avec lui-même, comme devant un ouvrage qui dépassait tous les autres en grandeur et en importance : « Faisons, » dit-il. Tous les Pères ont vu dans ce mot l’indication d’une certaine pluralité des personnes en Dieu, soit que le Père s’adresse au Fils, Bossuet, Élévations sur les mystères, ive sem., 5° élév. ; S. Chrysostome, Hom. viii in Gen., 3, t. liii, col. 71 ; soit qu’il parle en même temps au Fils et au Saint-Esprit, selon le sentiment commun. S. Irénée, Contra hæreses, iv, præf., et 37, t. vii, col. 975 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. iia in « faciamus hominem », etc., t. xliv, col. 260. Des exégètes modernes ont voulu voir dans ce verbe un pluriel de majesté, qui exprimerait la plénitude de l’être divin. Quelque haute idée que la raison nous donne de l’homme, la révélation divine pouvait seule nous apprendre qu’il a été créé à l’image de Dieu, c’est-à-dire qu’il est l’image ressemblante de Dieu, selon l’interprétation de saint Augustin, De Trinitate, xiv, 16, t. xiii, col. 1054 ; cf. Sap., ii, 23, selon les Septante, et I Cor., xi, 7. Les mots « à sa ressemblance » ne servent qu’à donner plus de force à l’idée de conformité qu’exprime le mot d’ « image ». Nous voyons, en effet, les mêmes expressions employées pour signifier la ressemblance d’Adam et de son fils Seth, Gen., v, 3, et l’Écriture se sert séparément tantôt de l’une, tantôt de l’autre, pour rendre l’idée énoncée ici. Voir Gen., i, 26-27 ; v, 1 ; ix, 6 ; Eccli., xvii, 1 ; Col., iii, 10. Les Pères cependant distinguent très souvent entre l’image et la ressemblance : ils entendent la première d’une conformité naturelle par l’intelligence, la volonté, la liberté, etc. ; tandis que la ressemblance résulterait des qualités morales, et surtout de la sainteté produite dans l’âme par la grâce habituelle. Du reste, qu’ils admettent ou non une distinction réelle dans le sens de ces deux mots, ils sont unanimes à reconnaître, quelque nom qu’ils lui donnent d’ailleurs, une double image de Dieu dans l’homme : l’image naturelle et l’image surnaturelle. Nous nous occuperons plus loin de cette dernière. Touchant l’image naturelle, ils se sont demandé dans quelle faculté de l’âme Dieu l’avait principalement imprimée. Les réponses à cette question sont très diverses, les uns voyant cette image dans la simplicité de l’âme, les autres dans sa spiritualité ; ceux-ci dans son immortalité, ceux-là dans le libre arbitre, etc. Ces opinions, au fond, se complètent les unes les autres plutôt qu’elles ne se contredisent ; car toutes ces facultés et prérogatives sont comme autant de rayons, et cette image est le centre d’où ces rayons émanent. Quant à l’image même, par laquelle l’homme ressemble à Dieu d’autant plus qu’il est plus élevé au-dessus de la brute, elle est dans la raison, selon la doctrine de saint Augustin, qui paraît la plus communément reçue. Tr. iii in Joa., 4, t. xxxv, col. 1398 ; cf. De Trinitate, xiv, 8, t. xlii, col. 1044. Dieu ajoute : « Et qu’il commande aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux bêtes, à toute la terre et à tous les reptiles qui se meuvent sur la terre. » Gen., i, 26. Au lieu du singulier : « qu’il commande », l’hébreu porte le pluriel : « qu’ils commandent. » Cet empire sur les animaux est donc donné à Ève aussi bien qu’à Adam, c’est-à-dire à toute l’humanité. En effet, comme le remarque saint Chrysostome, Adam ne s’enfuit point à leur vue ni à leur approche, quand Dieu les lui amena pour les nommer, et Ève parla sans aucune crainte avec le serpent. Homil. ix in Gen., 4, t. liii, col. 79 ; cf. Bossuet, Élévations sur les mystères, ive sem., 1re élév. Le péché fit perdre à l’homme ce pouvoir ; toutefois Dieu tempéra son châtiment en ne soustrayant à sa domination que les animaux les moins utiles, tandis qu’il laissa soumises à son obéissance un grand nombre d’espèces qui l’aident dans ses travaux, ou lui fournissent de quoi se nourrir et se vêtir. S. Chrysostome, Homil. ix in Gen., 5, t. liii, col. 79.

Avec cet empire sur les animaux, confirmé par une bénédiction spéciale, le Seigneur donna à l’homme le domaine de toutes les plantes et de tous les arbres qui croissent sur la terre, afin qu’ils servissent à sa nourriture. Gen., i, 28-29. Un certain nombre de Pères et de commentateurs concluent de ce passage, rapproché de Gen., ix, 3, que l’usage de la viande fut interdit à l’homme jusqu’après le déluge, Origène, Hom. i in Genes., t. xii, col. 159 ; S. Chrysostome, Hom. xvii in Genes., i, t. lui, col. 245 ; S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 18, t. xxiii, col. 23 ; mais cette opinion est loin d’être certaine. Voir Chair des animaux.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la Genèse, après avoir parlé de la création du premier homme comme faisant partie de la création universelle, i, 26-30, revient une seconde fois à lui pour décrire la manière dont eut lieu sa formation, et raconter ensuite son histoire. « Le Seigneur, dit-elle, forma donc l’homme du limon de la terre. » Gen., ii, 7. L’hébreu met « poussière » au lieu de « limon ». On voit par ces paroles que le corps de l’homme a été tiré directement de la terre. Ensuite Dieu « souffla sur son visage un souffle de vie, et l’homme devint animé et vivant », Gen., ii, 7, c’est-à-dire que Dieu créa dans le corps de l’homme une âme, un esprit. Moïse a ajouté a sur son visage », parce que c’est là surtout que se manifeste l’intelligence et que la noblesse de ses traits révèle chez l’homme une âme bien supérieure à celle des bêtes. S. Augustin, De Civit. Dei, xii, 23, t. xli, col. 373. La manière dont l’Écriture distingue l’âme du corps est la condamnation du matérialisme.

Le langage de la Genèse semble indiquer deux actions successives dans la création d’Adam : d’abord Dieu lui forme un corps de la poussière de la terre ; ensuite il crée une âme dans ce corps qui a déjà une figure humaine. C’est ainsi que l’a compris saint Chrysostome, Hom. xii in Genes., 5, t. liii, col. 103. Saint Augustin hésite en