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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/153

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ADAM (HISTOIRE)

le paradis ? La Genèse ne le dit pas, mais c’est le sentiment unanime des Pères qu’il avait été fort court. Ce premier commencement de l’homme était, en effet, pour lui une période d'épreuve ; il avait à faire, en usant de son libre arbitre, son choix entre la fidélité à Dieu avec la conservation de son bonheur, et la désobéissance avec ses suites malheureuses. Or il ne fallait pas longtemps à Adam pour connaître son devoir et la félicité qu’il s’assurerait en y restant fidèle, aussi bien que le malheur qu’il s’attirerait en y manquant.

Quant à la vie nouvelle qu’il mena hors du paradis après sa faute, le récit biblique nous en apprend fort peu de chose ; il nous en dit cependant assez pour nous faire comprendre que, soumis aux ordres de Dieu, il consacra son existence à la pénitence qui lui avait été imposée, et qu’il travailla la terre, mangeant ainsi « son pain à la sueur de son front ». Nous voyons, en effet, son fils aîné, Caïn, se livrer à l’agriculture ; il ne faisait sans doute que suivre en cela l’exemple de son père. Abel, le second fils d’Adam, nous est également présenté comme assujetti à la loi du travail, mais sous une autre forme, celle de la vie pastorale. Gen., iv, 2. L’un et l’autre offrent des sacrifices au Seigneur, ce qui nous apprend d’une manière indirecte le culte qu’Adam lui-même lui rendait. Gen., iv, 3-4.

Lorsque Abel eut été tué par Caïn, Dieu donna à ses parents, pour le remplacer, Seth, qui ouvrit la série des patriarches antédiluviens, ancêtres de Noé. Gen., iv, 25-26. Nous ne trouvons dans la Genèse le nom d’aucun autre fils d’Adam. Il en eut cependant d’autres, de même qu’il eut des filles, dont aucune n’est nommée. « Après qu’Adam eut engendré Seth, il vécut huit cents ans, et il eut des fils et des filles. » Gen., v, 4. Il vécut en tout neuf cent trente ans. Gen., v, 5.

Le sentiment commun dans l'Église a toujours été qu’Adam reçut de Dieu le pardon de sa faute, et qu’il ne retomba plus dans l'état de péché. S. Irénée, Heeres., iii, 23, t. vii, col. 900 ; S. Jérôme, Breviarium in Psalmos, Ps. xcviii, t. xxvi, col. 1123 ; S. Augustin, Epist. clxiv ad Evod., 3, t. xxxiii, col. 711. Cf. Sap., x, I. L'Église grecque honore Adam et Ève d’un culte public et célèbre leur fête le 19 décembre.

VI. Adam dans le Nouveau Testament ; l’ancien et le nouvel Adam. — Le nom et le souvenir d’Adam ne se retrouvent que dans quelques rares passages de l’Ancien Testament, par exemple, I Par., i, 1 ; Sap., x, 1 ; Eccli., xvii, 1-11 ; Tobie, viii, 8. Dans le Nouveau, il est seulement nommé dans l’Épître de saint Jude, 14, à propos d’Enoch, et dans l'Évangile de saint Luc, qui le mentionne comme le premier ancêtre de Jésus-Christ, iii, 38. Saint Paul lui fait une place beaucoup plus large. Nous nous bornerons à indiquer les passages dans lesquels il montre l’autorité de l’homme sur la femme, et l’obligation pour celle-ci d’obéir à son mari et de se laisser instruire par l’homme, loin de vouloir l’instruire. Il établit ces vérités en rappelant qu’Adam a été créé le premier, et que la femme a été tirée de lui ; que ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais qu’au contraire la femme a été créée pour l’homme ; qu’Adam ne fut pas séduit par le serpent, au lieu qu’Ève le fut. I Cor., xi, 8-9 ; I Tim., Il, 11-li. Mais nous devons nous arrêter plus longuement à la doctrine qu’il expose, Rom., v, 12-21, et I Cor., xv, 22, 45. L’Apôtre appelle Jésus-Christ « le nouvel Adam ou le dernier Adam ». I Cor., xv, 45. Notre-Seigneur peut, en effet, être appelé le nouvel Adam, parce qu’il est le chef et le père de la famille spirituelle de tous les élus, comme Adam est le chef de l’humanité et le père de tous les hommes selon la chair ; et il est le dernier Adam, parce qu’après lui il ne viendra plus pour nous un autre chef et un autre père. Chacun d’eux est chef de l’humanité : mais le premier infecte toute sa race du venin de son péché de désobéissance, tandis que le second, par son obéissance, mérite à tous ceux qu’il s’incorpore une vie nouvelle de justice et de sainteté. Le premier Adam est ainsi le type du second : celui-ci transmet la vie comme celui-là a transmis la mort. Rom., v, 12-21. Ce contraste renferme en abrégé toute la foi chrétienne et est le fondement de la religion.

Ces enseignements de saint Paul répondaient trop bien aux idées d’espérance chrétienne, qui sont comme la source commune d’inspiration des premiers artistes chrétiens, pour qu’Adam ne fût pas pour eux un sujet de prédilection. Son image, en effet, paraît souvent dans les catacombes, reproduite de diverses manières, mais ordinairement en compagnie d’Ève et au moment de la chute. Ce souvenir de la faute du premier Adam rappelait naturellement celui du salut apporté par le second. I Cor., xv, 22. Parfois même cette idée consolante est expressément indiquée, soit par la présence d’un personnage représentant le Sauveur, soit par quelque emblème qui le figure. Voir Fr. Büttner, Adam und Eva in der bildenden Kunst bis Michel Angelo, in-8°, Leipzig, 1887.

VII. Traditions sur Adam. — Les traditions de plusieurs anciens peuples sur l’origine et la formation du premier homme ont conservé le souvenir plu., ou moins défiguré du récit mosaïque.

Chez les Sémites de la Chaldée et de l’Assyrie, nous trouvons, sur les tablettes cunéiformes découvertes dans les bibliothèques des rois ninivites, sinon un témoignage précis au sujet de la création de l’homme, du moins une affirmation indirecte de cette création, puisque Éa, le dieu de l’intelligence suprême, y est représenté comme « ayant formé de sa main la race des hommes », et comme « ayant fait l’humanité pour être soumise aux dieux ». Le récit de la cosmogonie chaldéenne, traduit en grec par Bérose, est plus explicite. Bélus se trancha la tête, et du sang qui en coula, pétri avec de la terre, les autres dieux formèrent les hommes, qui pour cette raison sont doués d’intelligence et participent à la pensée divine. Eusèbe, Chron., i, 2, 5, t. xix, col. 111-112 ; Lenormant, op. cit., t. i, p. 23, et Essai de commentaire sur Bérose, p. 12.

Parmi les Chamites, les Phéniciens admettaient, d’après un fragment de Sanchoniathon, un premier homme, Protogonos, et une première femme, Æon (dont le nom semble être la traduction de celui d’Ève, Ḥavah), qui « inventa de manger du fruit de l’arbre ». Ils étaient issus l’un et l’autre du vent Calpios et de son épouse Baau (le Chaos). Un autre fragment parle de « l’autochtone, né de la terre », duquel descendent les hommes. Cf. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. i, p. 20.

Selon les croyances de l’antique Égypte, Noum, Khnoum ou Khnoumis, le démiurge suprême, avait façonné l’homme avec de l’argile. Un bas-relief du temple de Denderah, qui pourrait presque servir d’illustration au texte même de la Genèse, ii, 7, exprime très clairement cette croyance. À gauche, Khnoum, assis et les bras en avant, considère un enfant qu’il vient de fabriquer sur un tour à potier, et qui est debout et tourné à droite. De ce côté, une déesse agenouillée, Héqit, présente à ses narines une croix ansée, symbole de la vie. ( Fig. 22.)

Comme les enfants de Sem et de Cham, ceux de Japhet ont conservé le souvenir de la création de l’homme. Ainsi, chez les Aryens d’Europe, l’homme est, au dire des Grecs, l'œuvre de Prométhée, qui le fabriqua avec quatre éléments, et surtout avec de la terre et de l’eau ; toutefois les uns placent cette formation tout à fait à l’origine, les autres après la destruction d’une première humanité par le déluge de Deucalion. Il est juste d’observer que les légendes les plus anciennes de la Grèce ne font pas de Prométhée l’auteur de l’homme ; il y apparaît seulement comme lui donnant la vie et l’intelligence par la communication du feu dérobé au ciel. Dollinger, Le paganisme et le judaïsme, ve partie, liv. v, § 1 ; Lenormant, op. cit., t. i, p. 24. Les Scandinaves ont consigné dans l’Edda l’histoire de l’immortelle Idhuma et de Bragi, le premier skalde, qui habitaient dans une parfaite innocence le délicieux Midhgard, le milieu du monde.