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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/189

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AFFINITÉ

famille. Tel est le sens qu’ils donnent au texte du Lévitique, xviii, il. Nous prêterons l’interprétation commune, qui entend ce passage de la prohibition du mariage avec une demi-sœur ; c’est dans ce sens que la Vulgate a compris et traduit le texte original. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 115, t. ii, p. 296-301.

Quelques observations sont ici nécessaires pour l’intelligence du texte sacré sur les empêchements d’affinité. 1° Les défenses matrimoniales sont adressées constamment à l’homme, par exemple : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père, » Lev., xviii, 8 ; mais il est évident que la réciproque est vraie, c’est-à-dire que la femme du père ne doit pas non plus épouser le fils que ce père aurait eu d’une première femme ; si le législateur s’adresse toujours à l’homme, c’est que celui-ci prend l’initiative du mariage. 2° Ce qui donne naissance à l’affinité, ce n’est pas, comme en droit canonique, l’acte qui consomme le mariage ; ce sont les fiançailles, qui d’ailleurs, chez les Hébreux, équivalent à peu près au matrimonium ratum de l'Église catholique. Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. cxci-ccvi, p. 286-300. Du reste, sous ce rapport, le droit canonique diffère peu du droit mosaïque ; car, s’il veut que l’affinité ne prenne naissance que de l’acte conjugal, il reconnaît un autre empêchement analogue, celui d’honnêteté publique, qui naît du matrimonium ratum et même des fiançailles. 3° Dès que l’affinité a pris naissance, elle ne cesse pas, même par la mort ou le divorce des époux qui, par leurs fiançailles, lui ont donné naissance. Ainsi en est-il dans les droits romain et canonique. 4° Chez les Hébreux, le mariage légitime seul (en comprenant sous ce nom les fiançailles) donnait naissance à l’affinité ; les relations illicites ne produisaient pas cet empêchement. Nous tirons cette conclusion du texte sacré, qui, dans tous les cas d’affinité que nous avons reproduits, emploie toujours des expressions qui signifient une union légitime : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père, de votre fils, etc. » En cela le droit mosaïque diffère du droit canonique, qui reconnaît aussi une affinité naissant de relations coupables ; le droit romain a varié sur ce point. Voet., Ad Pandectas, de Ritu Nuptiarum, n° 35. 5° L’interprétation que nous avons donnée du texte sacré sur les empêchements d’affinité est celle de tous les commentateurs catholiques et protestants ; c’est celle aussi que donnent les Talmudistes, sauf en un point : nous avons dit que le mariage est défendu, d’après la loi de Moïse, à un homme avec la mère de sa femme, socrus, « bellemère ; » ils disent que, d’après la même loi de Moïse, le mariage est défendu à cet homme, non seulement avec la mère, mais avec les deux aïeules paternelle et maternelle de sa femme. Nous préférons l’interprétation commune ; ces deux empêchements ne sont pas expressément désignés par Moïse ; or, d’après le principe d’herméneutique déjà posé, nous ne devons admettre d’empêchements de mariage que ceux que Moïse a expressément signalés, d’autant plus qu’il s’agit de matières pénales. Michælis, Mosaisches Recht, § 117, t. ii, p. 308. Nous ne parlons pas des interprétations particulières et isolées des Karaïtes, qu’on peut voir dans Selden, Uxor hebraica, I, m-vi, p. 6-30.

2° Sanction de ces empêchements ou pénalités. La violation de la loi prohibant les mariages entre alliés en ligne directe est punie de la peine de mort. C’est la sanction expresse que porte le législateur contre le mariage d’un homme avec la femme de son père, noverca, Lev., xx, 11 ; avec la fille de sa femme, privigna, Lev., xx, 14 ; avec la femme de son fils, nurus, Lev., xx, 12 ; avec la mère de sa femme, socrus, Lev., xx, 14. Deux de ces mariages, c’est-à-dire celui d’un homme avec la femme de son père, ou la mère de sa femme, sont, aux yeux de la loi, des crimes si odieux, qu’une malédiction solennelle et publique est prononcée par tout le peuple contre ceux qui s’en rendent coupables. Deut., xxvii, 20, 23. Il n’y a pas, dans la loi de Moïse, de sanction expresse contre le mariage d’un homme avec la petite-fille de sa femme, proprivigna ; on peut expliquer cette lacune en disant que, du temps de Moïse, ce cas était chimérique, et qu’en conséquence le législateur a laissé aux magistrats futurs le soin d'établir une pénalité, si la simple prohibition ne suffisait pas. C’est l’opinion de Michælis, Mosaisches Recht, § 265, t. v, p. 270.

Quant aux mariages entre alliés en ligne collatérale, ils ne sont pas défendus sous des peines si rigoureuses. Voici la sanction contre le mariage d’un homme avec la femme de son oncle paternel : « Si quelqu’un épouse la femme du frère de son père, il viole le respect dû à ses proches, tous deux porteront la peine de leur péché : ils mourront sans enfants. » Lev., xx, 20. Que signifie cette pénalité? Il y a en hébreu : ʿǎririm yâmuṭû ; les Septante traduisent : ἄτεκνοι ἀποθανοῦνται, et la Vulgate : absque liberis morientur. Cela ne veut pas dire, quoi qu’en aient pensé quelques auteurs, que la femme, dès qu’il sera constaté qu’elle sera devenue mère, sera mise à mort avec son enfant, ni que Dieu se chargera, au besoin par miracle, de rendre ce mariage infécond, ni que les coupables, une fois découverts, seront mis à mort, ce qui les empêchera d’user de leur mariage ; ces interprétations ne sont fondées sur aucune preuve sérieuse. D’après l’explication la plus naturelle, la formule hébraïque signifie simplement que les enfants nés de ce mariage, ou bien seront regardés civilement comme illégitimes, ou bien seront considérés comme les fils, non du père naturel, mais de l’oncle décédé. Telle est l’opinion de saint Augustin, Quæst. in Hept., in Lev., xx, 20, t. xxxiv, c. 710, suivie par la plupart des docteurs catholiques et des auteurs protestants, Rosenmüller, In Lev., xx, 20 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 116, t. ii, p. 304 ; § 265, t. v, p. 269, et In Lev., xx, 20. Le mot ʿǎririm, ἄτεκνοι, s’explique très bien dans ce sens ; il est en effet quelquefois employé, dans la Bible, pour signifier le malheur d’un homme qui a des enfants, mais dont l’héritage n’est pas recueilli par eux. Jer., xxii, 30. Chez les Hébreux, si désireux de se survivre dans des enfants qui perpétueraient leur nom et recueilleraient leur fortune, c'était un châtiment très grand que d'être légalement privé de toute postérité, et de voir ainsi leur nom tombé dans l’oubli et leurs biens passer dans une autre famille. Quant aux deux formes différentes sous lesquelles se présente l’explication que nous avons donnée, il nous semble qu’on doit préférer la première, d’après laquelle les enfants nés du mariage en question sont purement et simplement illégitimes, et ne sont pas inscrits dans les listes généalogiques de leur famille, soit parce que cette inscription au nom du frère du père n’est mentionnée nulle part dans l'Écriture, soit parce que, d’après une règle générale formulée par le Talmud de Babylone, traité Qidouschin, c. iii, tous les enfants nés de mariages incestueux sont illégitimes. Cf. Selden, Uxor hebraica, I, vii, p. 34. Toutefois Michælis préfère le second système, d’après lequel les enfants seraient inscrits au nom du frère du père, Mosaisches Recht, et In Lev., aux endroits cités. La sanction contre le mariage d’un homme avec la femme de son frère (sauf le cas du lévirat) est absolument semblable : « ils seront sans enfants. » Lev., xx, 21. Quant au mariage avec deux sœurs simultanément, Moïse ne le frappe d’aucune peine ; il a pensé probablement que les coupables seraient assez punis par ces rivalités et ces querelles que la loi avait voulu écarter en défendant ce mariage. Il y a donc une très grande différence entre les deux catégories de mariages entre alliés que proscrit Moïse : les premiers, entre alliés en ligue directe, sont punis de mort ; les autres, entre alliés en ligne collatérale, sont frappés d’une peine beaucoup moins sévère. Il paraîtrait même que, dans la loi de Moïse, ces derniers empêchements de mariage n’auraient pas été dirimants, mais seulement prohibants ; le législateur n’ordonne nulle part la séparation des époux ; il ne la suppose même pas, il se contente de dire que les enfants qui naîtront de ces