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AFFINITÉ

mariages ne seront pas regardés comme appartenant aux époux coupables. Michælis, Mosaisches Recht, § 112, t. ii, p. 275.

Raisons et importance des empêchements d’affinité. Les raisons qu’a eues Moïse d'établir ces empêchements provenant de l’affinité se ramènent à ces deux : 1° Le respect et la réserve que la nature inspire à l’homme à l'égard de ses parents très rapprochés. Or ce respect et cette réserve, l’homme les éprouve non seulement pour ses parents proprement dits, consanguinei, mais encore pour les personnes unies à ses parents par les liens du mariage, parce que par le mariage les deux époux deviennent une même chair, ainsi qu’il est dit Gen., ii, 24 ; Matth., xix, 5-6. C’est cette raison que signale Moïse lui-même, quand il établit ses empêchements d’affinité ; car il s’exprime ainsi : « Vous n’approcherez pas de la femme de votre père, car sa chair est celle de votre père ; … vous n’approcherez pas de votre bru, car elle est la femme de votre fils, » etc. Lev., xviii, 8, 15, etc. Il est évident que cette réserve respectueuse s’impose surtout entre alliés en ligne directe, et beaucoup moins en ligne collatérale ; c’est pourquoi Moïse défend sous des peines si graves le mariage aux premiers alliés, tandis qu’il est moins sévère pour les autres. — 2° La seconde cause de la prohibition, ce sont les rapports fréquents entre les parents ou alliés très rapprochés. En effet, ces parents ou alliés, surtout en ligne directe et au premier degré de la ligne collatérale, vivent ensemble ; ordinairement ils habitent la même maison, surtout chez les Orientaux ; les rapports entre eux sont même inévitables ; On ne pourrait sans scandale éloigner quelqu’un de la famille. Si donc le mariage entre parents ou alliés était permis, il y aurait lieu, sous prétexte de mariage futur, à des désordres qui introduiraient la corruption dans les familles. Cette raison est exposée par Maïmonide, Morê Nebochim, p. iii, c. 49, trad. Buxtorf, p. 502-503 ; elle lui paraît tellement forte, qu’il y insiste longuement, et dit qu’elle est la principale qui a inspiré Moïse ; c’est aussi la raison que donne saint Thomas de la prohibition générale des mariages entre parents ou alliés rapprochés. Supp. iiie partie, q. liv, a. 3 ; q. lv, a. 6. Tous les auteurs sont d’accord sur ce point. Ces deux raisons combinées nous font comprendre la gravité des prohibitions mosaïques. Parlant en bloc des mariages qu’il défend, Moïse les appelle « abominations » ; il déclare que les Chananéens ont commis ces crimes, et qu'à cause de cela Dieu les chassera de la terre qu’ils habitent pour la donner aux enfants de Jacob ; il recommande fortement à ceux-ci de ne pas se souiller des mêmes fautes, dans la crainte que la terre qu’ils doivent habiter ne les rejette aussi de son sein, comme elle va faire pour les Chananéens. Lev., xx, 22-23 ; cf. xviii, 24-30. Moïse a des termes encore plus sévères pour certains mariages prohibés : il appelle le mariage d’un homme avec la mère de sa femme, ou avec la fille de sa femme, du nom de zimmâh ; il donne au mariage d’un homme avec sa bru le nom de ṭébél ; ces deux mots signifient des crimes énormes. Gesenius, Thesaurus, p. 419, 212 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 102, t. ii, p-. 229, et § 265, t. v, p. 265. De là nous devons conclure que s’il s’agit des mariages entre alliés en ligne directe, ils sont contraires au droit naturel. Lui sont-ils tellement contraires, qu’ils soient radicalement nuls ? C’est une question très controversée parmi les auteurs, quoiqu’on la résolve plus communément dans le sens négatif ; mais au moins nous devons dire que, de droit naturel, ces mariages sont illicites ; c’est pour cela que Moïse les qualifie si sévèrement, les punit de la peine de mort, et les défend non seulement aux Juifs, mais encore aux étrangers qui vivent parmi eux. Lev., xviii, 26. Grotius fait remonter la prohibition, non pas précisément au droit naturel, mais à une révélation primitive, qui s’impose à l’humanité tout entière. De Jure belli ac pacis, II, v, § 13.

Nous ne pouvons être aussi sévères pour les mariages entre alliés en ligne collatérale ; ceux que nous avons signalés comme défendus par Moïse ne sont pas contraires au droit naturel ; nous en avons une preuve dans la loi mosaïque elle-même, qui, dans le cas du lévirat, permet, bien plus, commande à un homme d'épouser la veuve de son frère, de son oncle paternel, ou d’un autre parent rapproché. Toutefois, dans les cas ordinaires, ces mariages offrent des inconvénients ; les deux raisons que nous avons données plus haut s’appliquent, proportion gardée, à ces mariages, et c’est pourquoi Moïse les défend.

La sévérité des prescriptions mosaïques contre les mariages entre alliés, surtout en ligne directe, s’explique encore par le relâchement général où étaient tombés sous ce rapport les peuples païens. Moïse signale spécialement, comme coupables de ces mariages incestueux, les Égyptiens et les Chananéens, dont l’exemple aurait été plus funeste aux Juifs. Il aurait pu ajouter la plupart des autres peuples, surtout orientaux ; les prescriptions mosaïques, qui sont aussi, dans le sens expliqué, des prescriptions de la loi naturelle, étaient ignorées de presque tous les peuples, non seulement en pratique, mais même en théorie, Selden, De Jure naturali, V, xi, à ce point que Maïmonide disait qu’au point de vue de l’affinité, un seul mariage était défendu aux Noachides, celui d’un homme avec la femme de son père, De legibus Hebræorum, IX, v, trad. Leydecker, p. 142 ; cf. I Cor., v, 1 ; et encore ce dernier précepte était-il quelquefois violé chez certains peuples, par exemple chez les Perses, où un homme épousait sans difficulté la femme de son père. Selden, loc. cit. Dans des temps moins anciens, nous voyons Séleucus, roi de Syrie, donner sa propre femme Stratonice à son fils Antiochus, qu’il avait eu d’une autre union. Valère Maxime, V, vii.

Il y a pourtant deux peuples où nous trouvons en vigueur la plupart des prescriptions mosaïques sur l’affinité. Les Arabes les observaient, comme nous le voyons par le Koran, iv, 26-27, qui résume les antiques traditions de ce peuple, probablement empruntées aux Hébreux. Les mariages entre alliés en ligne directe furent également défendus par le droit romain. Inst., i, x, de Nuptiis, § 6-7 ; cf. Cicéron, Pro Cluentio, 5, 6, et Virgile : « Thalamos ausum incestare novercæ. » Sous les empereurs chrétiens, il fut même défendu à un homme d'épouser sa belle-sœur, ou deux sœurs successivement. L. 5, C. De Incestis et inut. nupt., V, v. Justinien frappe les mariages incestueux des peines pécuniaires les plus graves, Nov., xii, c. 1, et même, pour certaines provinces, l’Osrhoène et la Mésopotamie, de la peine de mort. Nov., cliv, c. 1.

Nous avons donné jusqu’ici l’interprétation de la loi de Moïse sur l’affinité par rapport au mariage. Il faut distinguer soigneusement la loi des additions rabbiniques. En effet, dans le but d’assurer l’observation de la loi et de la protéger contre le relâchement ou les empiétements de la coutume, les Anciens, les Sages, ont établi autour de la loi un mur, une « haie », c’est l’expression talmudique, gàdèr, c’est-à-dire une série de nombreuses prohibitions qui garantissent les premières ; ainsi, par exemple, la loi défend à un homme d'épouser sa bru, Lev., xviii, 15 ; pour mieux assurer l’observation de ce précepte mosaïque, les anciens ont défendu à un homme d'épouser la bru de son fils, et même de son petit-fils. Les femmes qu’il est ainsi défendu d'épouser, en vertu, non de la loi, mais des traditions rabbiniques, sont appelées mulieres secundariæ, parce qu’elles viennent en second lieu, après celles que la loi elle-même défend d'épouser ; on peut en voir l'énumération dans Maïmonide, Tract. de Connubiis, I, vi, trad. L. de Compiègne, Paris, 1673, p. 3, reproduit dans Surenhusius, Mischna, traité Qidouschin, I, i, part, iii, p. 360.

II. Affinité dans le Nouveau Testament. — La loi mosaïque n’oblige pas l'Église par elle-même, comme il fut déclaré au concile de Jérusalem. Act., xv, 28-29. Elle ne l’oblige qu’indirectement, c’est-à-dire par celles de ses