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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/201

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AGNEAU DE DIEU — AGONIE DE NOTRE-SEIGNEUR

iii, 4 ; elles doivent se traduire : « Envoyez [en tribut] vos agneaux, [ô roi de Moab], au maître de la terre [du peuple de Dieu]. » Le mot : Domine, « Seigneur, » n’est pas dans le texte original. L’application de ce verset à Jésus-Christ n’est donc pas faite dans le sens primitif, mais elle n’en est pas moins très heureuse, et elle nous présente sous cette belle image de l’agneau, l’un des animaux les plus doux et les plus faibles, Notre -Seigneur devenant malgré sa douceur, Matth., xii, 20, et sa faiblesse apparente, le maître du monde. Les victoires des Hébreux sur leurs ennemis n'étaient que la figure des victoires plus grandes que devait remporter le Messie, et les peuples qui leur pavaient tribut étaient le type des peuples qui devaient accepter un jour le joug du Christ.

F. Vigouroux.

AGNEAU PASCAL, agneau mâle, sans tache, d’un an, que les Israélites devaient manger avec des rites particuliers dans la célébration de la fête de Pâques. Exod., xii, 3-11 ; Num., ix, 10-12 ; Deut., xvi, 2-6. Voir Pâques.

AGONIE DE NOTRE-SEIGNEUR. Après la prière qui termina le discours de la Cène, Jésus alla avec ses Apôtres dans un jardin appelé Gethsémani (voir Gethséhani), et aussi jardin des Oliviers, situé au pied de la montagne qui porte le même nom, au nord-est de Jérusalem, dont il est séparé par le torrent de Cédron. C’est dans ce jardin qu’eut lieu l’agonie de Notre-Seigneur, et c’est là que commença la passion proprement dite du Sauveur.

Jésus n’y entra qu’avec les trois Apôtres Pierre, Jacques et Jean. Les huit autres, à qui le Sauveur avait dit : « Asseyez-vous ici, tandis que j’irai là-bas pour prier, » Matth., xxvi, 36, se tinrent probablement à l’entrée du jardin. Dès que Jésus fut seul avec ses Apôtres privilégiés, il se mit à dire : « Mon âme est triste jusqu'à la mort. » Matth., xxvi, 38. C’est une tristesse parvenue à son degré suprême. « Il y avait assez de douleur, dit Bossuet, Sermon du vendredi saint, pour lui donner le coup de la mort. Il serait donc mort par le seul effet de cette douleur, si une puissance divine ne l’eût soutenu pour le réserver à d’autres supplices. »

Les commentateurs se sont demandé comment on peut concilier la tristesse de Notre-Seigneur avec la vision intuitive ou béatifique dont il jouissait en vertu de l’union de la nature divine avec la nature humaine, ou union hypostatique. Les uns, comme saint Ambroise et dom Calmet, admettent que la tristesse de Jésus au jardin des Oliviers était sans aucun mélange de joie. D’après eux, Dieu, par sa puissance, a pu séparer l’effet de la cause ; c’est-à-dire qu’en conservant à la très sainte âme du Sauveur la vision intuitive, il a pu empêcher qu’elle n’y produisit la joie, qui en est l’effet naturel. Les autres répondent que la joie et la tristesse se trouvent tout à la fois dans l'âme de Jésus au jardin des Oliviers. La contradiction, qui paraît manifeste, n’existe en aucune façon ; nous savons que deux causes différentes peuvent produire dans la même personne une grande tristesse ou une grande joie. C’est le sentiment de saint Thomas. « La joie de la béatitude, dit- ii, n’est pas directement opposée à la douleur de la. passion, par la raison que ces deux sentiments ne portent pas sur le même objet. Or rien n’empêche que les contraires ne se trouvent dans le même sujet, pourvu que ce ne soit pas sous le même rapport. » Sum. theol., iii, 46, 8, ad 1.

Après avoir fait connaître à ses Apôtres sa tristesse mortelle, Jésus leur dit : « Tenez-vous ici, et veillez avec moi. » Matth., xxvi, 38. En parlant ainsi, il désignait un rocher assez bas, sur lequel plusieurs personnes pouvaient s’asseoir et se coucher commodément. Après cette recommandation, il s'éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre. Luc, xxii, 41. Or, à cette distance du rocher, à soixante mètres, en s’avançant vers le nord, on trouve précisément une grotte dans laquelle Notre-Seigneur se serait retiré pour son agonie. Les trois Apôtres ne tardèrent pas à s’endormir sur le rocher.

Jésus seul va épancher son cœur devant son Père céleste. Il se met à genoux, se prosterne la face contre terre, Matth., xxvi, 39 ; Luc, xxii, 41 ; Marc, xiv, 35, et dit : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ; cependant non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez. » Matth., xxvi, 39. Dans ces paroles, Jésus parle en Fils de Dieu, puisqu’il s’adresse à son Père, et en même temps il nous donne l’exemple de la résignation la plus complète. C’est de sa nature humaine que s'échappe ce désir conditionnel. Fillion, Évangile selon saint Matthieu, p. 515. Le calice que Jésus devait boire jusqu'à la lie désigne sa passion et sa mort. C’est la première cause de sa tristesse, mais ce n’est pas la cause unique, ni même la principale. Les péchés des hommes, voilà la vraie raison de son immense douleur. Jésus va souffrir comme le représentant du genre humain coupable. Une autre cause de sa douleur, c’est l’ingratitude des hommes rendant inutiles toutes ses douleurs, et ne s’en servant que pour s’attirer une condamnation plus terrible. « Cependant non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez. » Matth., xxvi, 39. Le Sauveur marque ainsi la distinction des deux natures : comme homme, il voudrait échapper aux souffrances ; mais en tant qu’il est un avec son Père et le Saint-Esprit, il accepte le calice.

Après avoir triomphé de ses terreurs par sa soumission à la volonté de son Père, il revient auprès des trois Apôtres et les trouve endormis. Matth., xxvi, 40. C’est la tristesse, nous dit saint Luc, qui avait alourdi leurs paupières. Luc, xxii, 45. S’adressant à Pierre, Jésus dit : « Ainsi vous n’avez pu veiller une heure avec moi ? » Matth., xxvi, 40. Ces derniers mots, bien qu’il ne faille pas en presser la signification, déterminent le temps qu’a duré la première partie de l’agonie du Sauveur. « Veillez et priez, ajoute-t-il, afin que vous n’entriez pas en tentation. L’esprit sans doute est prompt, mais la chair est faible. » Matth., XXVI, 41. Il exhorte les Apôtres à veiller et à prier afin qu’ils ne succombent pas à la tentation, c’est-à-dire à la grande épreuve qu’il leur avait prédite et qui s’approchait. Le danger le plus immédiat pour les Apôtres était celui d’abandonner le Messie. Les consolations les plus légitimes font défaut à Jésus. Sans secours du côté des siens, il retourne vers son Père. Il s’en alla une seconde fois et pria, disant : « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. » Matth., xxvi, 42. Sa prière exprime la soumission la plus complète.

Après cette seconde prière, il vient de nouveau vers ses disciples ; mais il les trouve endormis. Nous ne savons ce que Jésus leur dit ; toutefois on est certain qu’il leur parla, puisque saint Marc, xiv, 40, nous apprend que les Apôtres ne savaient que lui répondre. Jésus s'éloigna d’eux pour la troisième fois et pria, disant les mêmes paroles. Matth., xxvi, 44. Et alors un ange du ciel lui apparut, le fortifiant, et, étant tombé en agonie, il priait plus longuement ; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui découlaient jusqu'à terre. Luc, xxii, 43, 44. La consolation apportée par l’ange au Messie consista dans une effusion de mâle courage, pour qu’il ne pliât pas sous son fardeau. L’ange fortifia Jésus en vue de son agonie ; c’est après l’apparition de l’ange que l’agonie atteignit son maximum d’intensité. Le mot agonie signifie lutte dernière. La lutte soutenue par Jésus est la lutte suprême. Cette lutte s’engage entre Dieu offensé et le médiateur des hommes, qui n’emploie d’autre arme que la prière.

On a dit que le Sauveur souffrit alors toutes les douleurs de l’enfer, sauf le désespoir. Ce qu’il y a de sûr, c’est que l'émotion de son âme bouleversa son être physique. Le sang, vivement agité, finit par pénétrer à travers les vaisseaux conducteurs, et s'échappa avec la sueur abondante qui ruisselait de tout son corps. Les exégètes regardent généralement cette sueur de sang comme un fait miraculeux. Voir Sueur he sang. Jésus, dans sa prière, se soumet pleinement à son Père ; il se relève plus fort que la douleur : sa victoire est complète.