Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
354
ALEXANDRIE

nostos le bassin du Kibôtos ou « Coffre », qui mettait la mer en communication avec le lac Maréotis et la branche canopique du Nil. Voir le plan, fig. 94.

À la hauteur de l’Heptastade, deux rues se coupaient à angle droit. Elles mesuraient l’une, de l’est à l’ouest, c’est-à-dire de la porte Canopique à celle de la Nécropole, 40 stades (près de 8 kil.), et l’autre, du sud au nord, c’est-à-dire de la porte du Soleil à celle de la Lune, 8 stades seulement, et avaient toutes la largeur d’un plèthre, qui était la sixième partie du stade, soit 31 mètres. Ces deux artères principales devaient rendre facile dans l’immense cité la circulation, non seulement du mouvement commercial qui en faisait la fortune, mais surtout de ces vents étésiens, si nécessaires pour tempérer périodiquement les ardeurs d’un ciel de feu. De grands aqueducs versaient à flots limpides, dans des fontaines de marbre et de granit, les douces eaux du Nil. Des trois quartiers qui constituaient la superbe capitale, celui du centre ou Bruchéion, de beaucoup plus riche et mieux habité que les deux autres, puisqu’on l’appelait le quartier royal, appartenait aux Grecs. Quand Dinocrate en traça le plan, il voulut que ses principaux édifices fussent disposés de façon à laisser libre la vue sur le Grand Port et sur Pharos. La conformation du terrain s’y prêtait un peu, puisque d’un de ses monuments, le Panéion, on dominait la ville entière. Le grand Gymnase et le Palais de justice se trouvaient aussi dans un site assez élevé. Venaient ensuite, en se rapprochant des quais, l’Amphithéâtre, la Bourse, le Soma, où les rois voulaient tous être ensevelis autour du cercueil d’Alexandre, le Muséum et sa fameuse bibliothèque contenant 400 000 volumes d’après les uns, et 700 000 d’après les autres ; le Théâtre et le Stade. Puis, sur les quais eux-mêmes, et à côté d’immenses docks pour les marchandises, étaient disséminés des temples, des tours et des palais.

Au levant du Bruchéion, dans une sorte de ville à part, derrière des remparts dont ils fermaient et ouvraient eux-mêmes les portes, gouvernés par un alabarque ou chef de peuple, classé parmi les personnages officiels de la cité, vivaient selon leurs lois plus de cent mille Juifs, détenteurs principaux de la fortune publique. Philon, C. Flacc., ii, 525.


94. — Plan d’Alexandrie ancienne. D’après Mahmoud-bey et Neroutsos-bey.

Ils avaient leur sanhédrin pour les juger, et des armes pour se défendre. Ils ne craignaient pas de braver, quand il le fallait, la population grecque elle-même, assurés qu’ils étaient de la protection des rois, dont ils servaient la politique et enrichissaient les États. Dans l’immense et puissant Ghetto, ils avaient élevé de superbes constructions, et l’on assure que la Diapleuston, leur synagogue, avec ses soixante-dix sièges dorés, était le plus vaste et le plus riche édifice de la ville. Les rabbins se perdent en exagérations quand ils en dépeignent les merveilles. Succah, f. 51, 6. — Au couchant, sur l’ancienne Rhacôtis, autour du vieux sanctuaire de Sérapis et vers la nécropole de la cité, était demeurée la population indigène ; et ces Égyptiens ou Coptes, voués aux plus durs travaux, semblaient les serviteurs-nés ou les mercenaires des Grecs et des Juifs, qui les traitaient en race vaincue et dégénérée. Comme pour rendre un dernier hommage à leur vieille religion, les deux premiers Ptolémées avaient reconstruit sur un plan magnifique le temple de Sérapis. Là se trouvait la grande bibliothèque de 200 000 volumes, qu’Antoine apporta de Pergame pour remplacer celle du Muséum, brûlée quand Jules César fit incendier la flotte alexandrine.

Diodore de Sicile dit que de son temps (58 avant J.-C), malgré le despotisme funeste des derniers Ptolémées, il y avait à Alexandrie trois cent mille hommes libres, ce qui suppose une population de près d’un million d’habitants. Le règne des premiers Ptolémées, Sôter, Philadelphe et même Évergète, marque l’apogée de la gloire d’Alexandrie pendant la période grecque. D’Épiphane à Aulètes, la grande cité décline sensiblement. Avec Cléopâtre, elle passe définitivement sous la domination de César et de ses successeurs, qui la traitent bien ou mal, selon leurs bizarres caprices. Toutefois les humiliations et les violences qu’elle dut subir n’entravèrent jamais l’activité de son commerce, et l’on peut dire que, si la vie sociale y reçut de bonne