Salomon, 1890, p. 420. L’emploi de l’allégorie, telle que nous venons de la définir, est commun aux écrivains sacrés et aux écrivains profanes. Il est très fréquent dans la Bible. Tout le monde connaît la belle allégorie de la vigne, Ps. lxxix, 9-18 ; Isaïe, v, 1-6, et celle de l’olivier franc et de l’olivier sauvage. Rom., xi, 17. Voir Littéral (sens).
2° Mais par la volonté de Dieu, son auteur, l'Écriture Sainte contient une autre sorte d’allégorie, qui lui est exclusivement propre et qui est tout à fait différente de celle dont nous venons de parler. Elle ne résulte pas des mots, comme l’allégorie des rhéteurs, elle ressort des choses exprimées par les mots : « non in verbis, sed in facto. » S. Augustin, De Trinit., XV, ix, 15, t. xiii, col. 1068. Elle n’est dans les mots que moyennant les choses qu’ils signifient. Dieu a préordonné certains faits racontés dans l'Écriture, de telle sorte que, en dehors de leur réalité propre, ils sont encore l’annonce prophétique d’un événement futur. Sous le sens littéral du récit se cache un autre sens, la narration dit autre chose que ce que les termes signifient (S. Thomas, Sum. theol., i, q. 19, a. 10 ; Quodlibet, viii, q. 6, a. 16) ; il y a une allégorie dans l’acception théologique de ce mot. Saint Paul lui a donné ce nom d’allégorie, quand, parcatachrèse, remarque saint Chrysostome, In Gal., iv, 24, n° 3, t. lxi, col. 662, il a dit de l’histoire des deux fils d’Abraham : Ἄτινά ἐστιν ἀλληγορούμενα, « ces choses sont dites par allégorie. » Gal., iv, 24. Ailleurs, il l’appelle παραβολή, Heb., ix, 9 ; xi, 19, image, ombre, Heb., viii, 5 ; x, 1. Le sens qui résulte de l’allégorie biblique est appelé « sens allégorique de l'Écriture » ; mais comme on emploie souvent cette expression dans la signification restreinte de « sens typique ou prophétique », le sens allégorique, dans la signification large qui vient d'être exposée, est ordinairement désigné sous le nom de « sens spirituel ». Voir Spirituel (sens).
ALLELUIA (Septante : Ἀλληλούϊα). C’est un composé de deux mots hébreux, הללו, halelû, « louez, » seconde personne plurielle de l’impératif du verbe killêl (forme pihel de hâlal), et de יה, Yâh, abréviation du nom sacré de Jéhovah. Il se trouve dans un grand nombre de psaumes, au commencement ou à la fin et quelquefois aux deux endroits, civ, 36 ; cv, 45 ; cvi, 1, 48 ; exi, 1 ; exii, 1-9 ; cxiii, 1 ; cxv, 18 ; cxvi, 19 ; cxvii, 2 ; cxxxv, 1, 3 ; cxxxviii, 21 ; cxlvi, 1, 10 ; cxlvii, 1, 20 ; cxlviii, 1, 14 ; cxlix, 1, 9 ; cl, 1, 6 (hébreu), et il a été simplement transcrit, sans être traduit, dans les Septante et dans la Vulgate. Il devint de bonne heure une sorte de formule de réjouissance, et on le chanta comme un chant de joie aux jours de fêtes. Les rues de Jérusalem nous sont représentées, dans Tobie, xiii, 18 (texte grec), retentissant du cri $ alléluia. Cf. III Mach., vii, 13, où tout le peuple chante alléluia. Dans l’Apocalypse, xix, 1, 3, 4, 6, les saints rendent aussi gloire à Dieu dans le ciel en disant : alléluia. L'Église, s’inspirant de ces divers passages des Livres Saints, a fait de l’alleluia l’expression de la joie dans sa liturgie. Il est probable qu’elle n’a fait d’ailleurs en cela que continuer les usages de la synagogue. Les psaumes dans lesquels on rencontre cette expression de louange appartiennent tous au cinquième et dernier livre de la collection, et tout porte à croire qu’ils étaient particulièrement destinés au chant liturgique du temple de Jérusalem. Excepté dans les Psaumes cxxxv, 3 et cxlvii, 1 (hébreu), le mot alléluia ne fait pas partie intégrante du chant sacré, et semble être, par conséquent, comme une sorte d’antienne ajoutée au poème, pour être chantée par tout le chœur des lévites, comme le fait la multitude des saints dans l’Apocalypse, xii, 1-6, où l’on peut voir, comme au chapitre viii, une allusion au service solennel du temple. La Vulgate n’a pas conservé la formule hébraïque et a traduit avec raison : Laudate Dominum, « louez le Seigneur ; » Ps. cxxxiv, 3 ; cxlvi, 1 (hébreu : cxxxv, 3 ; cxlvii, 1), où ou lit : alléluia et laudate Dominum.
D’après le rituel fixé par le Talmud, on chantait les psaumes cxiii-cxviii (Vulgate : cxii-cxvii), qui commencent dans la Vulgate par alléluia, aux néoménies ou premier jour de chaque mois, et aux fêtes de la Dédicace, des Tabernacles, de la Pentecôte et de Pâques. Cet ensemble de psaumes était appelé hallêl, « louange, » substantif dérivé du verbe par lequel ils commencent : halelû. Il y a une allusion à ce chant du hallêl, Sap., xviii, 9, où αἴνους, laudes, « louanges, » est la traduction de hallêl. Cf. II Par., xxx, 21. « L’hymne » que récita Jésus-Christ avec ses Apôtres après l’institution de la Cène, Matth., xxvi, 30, est aussi la partie du hallêl qu’on récitait après la célébration de la Pâque. Voir Hallêl.
ALLEMAGNE (Exégèse en). Voir Allemande (Exégèse rationaliste) 1 et Allemandes (Versions) 2.
1. ALLEMANDE (EXÉGÈSE RATIONALISTE). On donne spécialement le nom d’exégèse allemande à l’interprétation rationaliste de l'Écriture qui a été adoptée par un grand nombre de théologiens protestants et d’incrédules en Allemagne. L’expression d’exégèse allemande tout court pour désigner l’exégèse rationaliste d’Allemagne est inexacte, car il y a dans ce pays, non seulement des catholiques, mais aussi des protestants dits orthodoxes qui acceptent l’origine surnaturelle de la Bible, croient à son inspiration et l’interprètent par conséquent comme un livre d’origine divine ; mais, malgré l’inexactitude de cette dénomination, nous prenons ici l’exégèse allemande dans le sens particulier qu’on lui attribue vulgairement, c’est-à-dire dans le sens d’exégèse rationaliste. Elle consiste, en effet, à appliquer à l’interprétation des Livres Saints les principes du rationalisme, qui sont la négation du surnaturel ou, en d’autres termes, la négation de l’inspiration, du miracle et de la prophétie : tout autant de choses dont les rationalistes nient l’existence, soit qu’ils professent le déisme, soit qu’ils se déclarent panthéistes ou athées.
I. Origines de l’exégèse rationaliste allemande. — L’exégèse rationaliste est le fruit du protestantisme. Luther, en proclamant le droit exclusif pour chacun d’interpréter la Bible selon ses lumières naturelles, sans tenir compte de l’interprétation traditionnelle et de l’autorité de l'Église, posa, sans s’en douter, le principe même du rationalisme. Les conséquences du libre examen ne furent point immédiatement tirées par ses sectateurs, mais elles devaient se manifester à la longue, et c’est ce qui arriva en effet. Les premiers protestants, pour sauvegarder l’inspiration des Écritures, durent l’outrer et l'étendre outre mesure. Luther fut obligé d’admettre qu’elle était évidente, dans l’impossibilité où il était d’en donner aucune preuve démonstrative. « Personne, dit-il, ne peut m’enlever la parole que Dieu m’adresse, et je dois en être aussi certain que je le suis que deux et trois font cinq… Qui me donne cette conviction ? Personne, si ce n’est la vérité seule, qui est si incontestable, que personne ne peut le nier. » Luther’s Werke, édit. Walch, t. xi, col. 1889. De même qu’il fallut admettre que l’inspiration était une vérité évidente, il fallut admettre aussi que l’inspiration s'étendait aux plus petites choses, jusqu'à la ponctuation, et qu’il n’avait pu se glisser dans la transcription des Livres Saints aucune faute de copiste, aucune erreur matérielle, même légère ; car il serait autrement impossible de discerner ce qui est la parole de Dieu de ce qui ne l’est point. Or ces deux assertions sont fausses : l’inspiration des Écritures n’est pas évidente, elle ne peut être rigoureusement établie que par l’autorité de l'Église, et la Providence n’a point garanti la Bible contre toutes les distractions des copistes et contre les altérations de mince importance. Les protestants finirent par s’en apercevoir un jour, et, une fois lancés sur la voie du doute, ils ne s’arrêtèrent plus en chemin ; ils appliquèrent jusqu’au bout les principes du libre examen ; ils nièrent l’inspiration, que la raison