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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/397

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ANTHROPOMORPHISMES — ANTI-LIBAN

« Les attributs de Dieu, dit Novatien, sont décrits au moyen de métaphores empruntées à la forme humaine, quoiqu’il ne soit pas doué de qualités corporelles. Quand il est dit qu’il a des yeux, cela signifie qu’il voit (c’est-à-dire connaît) tout : s’il a des oreilles, c’est parce qu’il entend tout : le langage dénote la volonté ; les mains, la création ; les bras, la puissance ; les pieds, l’immensité ; car il n’a point de membres, et il ne fait aucun des mouvements ou des actes pour lesquels ils sont nécessaires, mais il exécute tout par le seul effet de sa volonté. Comment celui qui est la lumière même aurait-il besoin d’yeux ? Comment celui qui est partout présent aurait-il besoin de pieds ? Comment celui qui a tout créé aurait-il besoin de mains ? Comment aurait-il besoin de langue, celui pour qui penser, c’est commander ? Ces membres sont nécessaires aux hommes, mais non pas à Dieu : la volonté des hommes serait inefficace si Dieu ne leur donnait la force de mettre leurs membres en mouvement ; mais les opérations de Dieu suivent sa volonté sans aucun effort. » Novatien, De Trinit., 6, t. iii, col. 896.

2° Les écrivains sacrés donnent aussi à Dieu, par anthropomorphisme, les sentiments et même les passions de l’homme : la « joie », Deut., xxviii, 63 ; II Esdr., viii, 10 ; Ps. cm (civ), 31, etc. ; la « douleur », Gen., vi, 6 ; la « colère », Exod., xv, 7 ; xxxii, 12 ; Is., ix, 19 ; Joa., iii, 36 ; Rom., i, 18, etc. ; le « regret et le repentir », Gen., vi, 6, 7 ; I Reg., xv, 35 ; Jer., xxvi, 13, etc. ; la « vengeance », Exod., xxxii, 34 ; Deut., xxxii, 35, 41 ; Is., xxxiv, 8, etc. ; la « jalousie », Exod., xxxiv, 14, etc. Cette attribution des passions humaines à Dieu s’appelle proprement « anthropopathisme », d’ἄνθρωπος et πάθος, « homme » et « passion ».

Il faut bien remarquer d’ailleurs que l'Écriture n’attribue à Dieu que des passions nobles et jamais des sentiments bas, encore moins des vices. Il n’est jamais dit qu’il soit cruel, orgueilleux, envieux, etc. Aucun mot des Livres Saints ne lui suppose, même par métaphore, les passions basses que la mythologie décrit dans ses faux dieux. Si Jébovah s’irrite, c’est contre le pécheur qui commet l’iniquité ; s’il se venge, c’est seulement de l’injustice et de l’iniquité ; s’il se réjouit, c’est du bien ; s’il s’attriste, c’est du mal ; s’il est jaloux, c’est de l’amour et de la fidélité de son peuple, parce qu’il est souverainement juste, bon, fidèle. Quand il est écrit qu’il se repent, Gen., yi, 6, 7, ou ne se repent pas, Ps. cix, 4, cela signifie simplement, comme l’a remarqué saint Augustin, non qu’il a fait une chose dont il n’avait pas prévu les conséquences, non qu’il change réellement d’idée ou de disposition, mais que, à cause de la conduite des hommes, il se produit extérieurement un fait qui, étant inattendu pour les hommes, leur paraît être le résultat de ce qui serait en eux l’effet du regret ou du repentir. De même, quand Dieu interroge Caïn, Gen., iv, 9, et lui demande où est son frère Abel, ce n’est pas parce qu’il ignore le crime du fratricide, mais parce qu’il l’interroge comme juge qui veut lui faire avouer son péché.

3° Les expressions anthropomorphiques se trouvent dans tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais elles diminuent dans les parties les moins anciennes de l'Écriture. C’est dans le Pentateuque qu’elles sont le plus nombreuses. Dans les écrits des prophètes, la langue théologique devient en quelque sorte plus sévère ; on s’habitue peu à peu à décrire les actions et les perfections divines en termes moins figurés, jusqu'à ce qu’on arrive enfin dans les Évangiles et les Épîtres aux notions les plus élevées et les plus sublimes, comme, par exemple, dans le prologue de l'Évangile de saint Jean. Néanmoins, comme l’esprit humain ne peut se passer d’images, nous trouvons Dieu représenté d’une manière sensible dans les prophètes mêmes, et de telle sorte que plusieurs de leurs descriptions, qui sont, à la vérité, des exceptions, sont plus anthropomorphiques que celles de Moïse, par exemple dans la magnifique vision d’Isaïe, vi, 1-2, où Adonaï nous apparaît « assis sur un trône haut et élevé », avec des vêtements (šûlàv) dont l’ampleur remplit l’hėkâl (palais ou temple), et entouré des Séraphins qui forment sa cour ; de même dans la mystérieuse vision d'Ézéchiel, dans laquelle Dieu, ayant une apparence humaine, lui apparaît dans sa gloire, au milieu des Chérubins, Ezech., i, 4-28 ; iii, 23 ; x, 1-19 ; xliii, 3-4 ; de même encore dans une des visions symboliques de Daniel, où Dieu se montre à lui sous l’aspect de « l’Ancien des jours », vêtu de vêtements blancs comme la neige, avec des cheveux semblables à de la laine mondée, Dan., vii, 9, etc. Notre-Seigneur lui-même a dû se servir d’anthropomorphismes pour nous révéler sa divine doctrine, et c’est ainsi, par exemple, qu’il nous montre les anges, qui sont de purs esprits, « voyant dans le ciel la face du Père céleste. » Matth., xviii, 10.

La condition de notre nature nous oblige donc de nous servir souvent d’un langage impropre en parlant de Dieu. Nous ne pouvons nous représenter la Divinité que sous une forme plus ou moins sensible. Ces locutions figurées sont néanmoins justes et vraies, pourvu que nous évitions les erreurs dans lesquelles sont tombés les hérétiques appelés anthropomorphites ( voir Fremling, De Anthropomorphitis, Lund, 1787), et que nous ayons bien soin de ne pas appliquer à Dieu ce qui est matériel et imparfait. Quand nous disons que Dieu « sait » tout, nous employons une expression parfaitement exacte, sans aucune figure ; quand nous disons qu’il « voit » tout, nous nous exprimons d’une manière non moins exacte au fond, quoique métaphorique, « anthropomorphique ; » car le sens est identiquement le même, à la seule condition de ne pas prendre une figure pour la réalité. Voir S. Augustin, Epist. cxlviii ad Fortunatianum, t. xxxiii, col. 622 ; S. Eucher, Liber formularum spiritalis intelligentiæ, t. l, col. 727 ; Glassius, Philologia sacra, 1. v, c. vii, De ἄνθρωποπάθειᾷ, in-4o, Leipzig, 1743, p. 1530-1658 ; Klùgling, Ueber den Anthropomorphismus der Bibel, Danzig, 1806 ; Gelpe, Apologie der anthropomorphischen und anthropopathischen Darstellung Gottes, Leipzig, 1842.

ANTILEGOMENA (Ἀντιλεγομενα, « (écrits) controversés, discutés » ). Nom donné par Eusèbe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 209, et d’autres écrivains ecclésiastiques, par opposition aux όμολoγούμενα, « admis » par tous, aux écrits du Nouveau Testament dont l’authenticité et l’origine apostolique avaient été quelque temps contestées, c’est-à-dire l'Épître aux Hébreux, la seconde Épître de saint Pierre, l'Épître de saint Jacques, l'Épître de saint Jude, la seconde et la troisième Épîtres de saint Jean et l’Apocalypse. Voir Canon du Nouveau Testament.


ANTILIBAN (Ἀντιλίϐανος), chaîne de montagnes parallèle au Liban, dont elle est séparée par la grande plaine de Cœlésyrie (El-Béqâ'a). Elle n’est expressément mentionnée que dans le texte grec de Judith, i, 7. Cependant, dans cinq passages où l’hébreu, à propos des frontières septentrionales de la Terre Sainte, porte simplement hallebânôn, « le Liban, » les Septante ont mis Ἀντιλίϐανος, Deut., i, 7 ; iii, 25 ; xi, 24 ; Jos., i, 4 ; ix, i. Quelques auteurs croient voir l’Anti-Liban désigné dans Jos., xiii, 5, par ces mots : hallebânôn mizrah liasèémés, « le Liban vers le soleil levant. » J. L. Porter, dans Smith' Dictionary of the Bible, Londres, 1863, au mot Lebanon, t. ii, p. 88 ; V. Guérin, La Terre Sainte, t. ii, p. 2. D’autres rejettent cette explication et prétendent que l’auteur sacré a voulu uniquement indiquer ici la partie du Liban qui s'étend à l’est de Gébal (Byblos) jusqu’au territoire d'Émath. C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 106 ; Clair, La Sainte Bible, Josué, Paris, 1877, p. 78.

Si l’Anti-Liban n’est pas plus nettement distingué de l’ensemble des montagnes auxquelles il se rattache, il