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PRÉFACE

du libre examen, les réformateurs ont rejeté l’Église ; au nom de la raison aussi et du libre examen, les nouveaux docteurs vont réformer les réformateurs, en semant, hélas ! autour d’eux bien d’autres ruines.

Les résultats actuels. — On ne saurait sans injustice nier les progrès de notre siècle dans l’étude et la connaissance des origines. Il serait inexact de dire que l’on a refait l’histoire du passé, — une histoire complète des origines ne sera jamais faite ; — mais il est certain que l’on a jeté des rayons de lumière sur bien des points obscurs, et que d’heureux résultats sont définitivement acquis. L’on veut savoir comment les choses se sont réellement passées. Nul homme intelligent n’ignore les travaux remarquables qui ont modifié si complètement les données des siècles précédents sur Rome, sur la Grèce, l’Egypte et la Chaldée. Origines de l’histoire, de la civilisation, des idées morales, de la littérature, des beaux-arts : rien n’est oublié. Notre siècle s’est jeté dans ces recherches avec une ardeur, une passion si intense, qu’il a perdu, pour ainsi dire, son originalité propre. Sauf dans le domaine de la science et de l’industrie, il n’a produit aucune œuvre personnelle et durable ; il n’a fait qu’essayer de remettre dans leur vrai jour les idées des autres. Un siècle critique ne saurait être un siècle créateur. La critique ou, si on l’aime mieux, l’examen rationnel des faits et des idées s’applique actuellement à toutes les branches de nos connaissances, depuis les fouilles de Schliemann et de M. Dieulafoy jusqu’aux problèmes les plus ardus de la métaphysique. La religion pouvait d’autant moins échapper à ces recherches, qu’elle tient plus de place dans nos préoccupations et dans la direction morale à donner à notre vie. On peut n’attacher qu’une médiocre importance à tel détail raconté par Tite Live et Suétone, on ne saurait être indifférent aux moindres détails de ce que l’on affirme être la parole de Dieu. Comment des esprits chercheurs, intelligents, orgueilleux, incroyants, ne se seraient-ils pas demandé si Dieu a parlé, s’il a dit réellement tout ce qu’on lui fait dire. Les idées religieuses tiennent trop de place dans l’humanité pour que l’on n’ait pas essayé de les examiner de tout près et à la loupe, de les percer à jour et d’en montrer ce qu’on appelle les côtés faibles. Par une conséquence inévitable, l’attaque s’est portée sur la religion chrétienne et sur le monument principal de cette religion : la Bible. Le conflit est à l’état aigu. Dans les siècles précédents, les attaques des adversaires étaient relativement modérées, car. la foi était profonde même chez certains hérétiques. On contestait quelques points de doctrine, mal définis par les théologiens, disait-on ; mais on était d’accord sur le fait même de la révélation. Aujourd’hui on ne conteste plus aucune vérité de détail, on nie tout. La raison, imbibée de foi par l’enseignement traditionnel, ne s’affranchissait pas totalement de l’action de Dieu, de l’influence évangélique ; aujourd’hui elle est émancipée, elle est irréligieuse sur toute la ligne, et prétend justifier sa négation au nom de la critique moderne.

Essayons d’expliquer ce mot, d’exposer rapidement comment s’est produit dans le monde chrétien ce mouvement subversif, ce courant d’impiété.