de ce tribunal, voir Sanhédrin. À cette époque, il y avait des tribunaux dans toutes les villes d’Israël. Josèphe, Antiq. jud., IV, viii, 14 ; Mischna, traité Sanhédrin, i, édit. Surenhusius, t. iv, p. 207-214. Quels étaient les rapports des tribunaux inférieurs avec le grand sanhédrin ? Deux points les résument : 1° Certaines causes, que nous appellerions aujourd’hui « causes majeures », étaient réservées, même en première instance, au grand sanhédrin ; la Mischna les énumère avec soin, traité Sanhédrin, I, 5, t. iv, p. 213. Voici celles qui concernent la matière qui nous occupe, c’est-à-dire les affaires judiciaires : 1. le jugement d’une tribu, ou même d’une ville qui, soit en totalité, soit en grande partie, seraient tombées dans l’idolâtrie ; 2. le jugement d’un faux prophète (cf. Luc, xiii, 33), ou du grand prêtre, ou d’un ancien rebelle à l’autorité des magistrats de sa ville ; 3. l’appréciation pratique des défauts qui empêchaient les Israélites de recevoir le sacerdoce. Plusieurs auteurs ont fait des commentaires de ces cas réservés au grand sanhédrin. Voir, dans la Mischna, t. iv, p. 213, les commentaires de Barténora, de Maïmonide et de Coccéius ; cf. Bücher, Synedrium magnum, dans Ugolini, Thesaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1762, t. xxv, p. 1173-1174 ; Witsius, De synedriis Hebræorum, dans Ugolini, t. xxv, p. 1215-1220 ; Daniel Heinrich, De judiciis Hebræorum, dans Ugolini, t. xxvi, p. 71-82 ; Carpzov, Apparatus antiquitatum sacri codicis, Leipzig, 1748, p. 570-572 ; et surtout Selden, qui paraît avoir épuisé la matière dans son ouvrage De synedriis et præfecturis veterum Hebræorum libri tres, Francfort, 1696. — 2° Outre ces cas réservés, le grand sanhédrin statuait en dernier ressort sur les difficultés judiciaires qui lui étaient renvoyées par les tribunaux inférieurs ; c’est l’application du texte du Deutéronome, xvii, 8-10, que nous avons expliqué plus haut. Rien ne fut changé dans la nature de ce recours ; c'étaient toujours les juges, et non les parties, qui en référaient au grand sanhédrin. Cf. Witsius, De synedriis, 15, dans Ugolini, t. xxvi, p. 1201. On le voit donc, même à cette époque, il n’y avait pas encore d’appel proprement dit ; ce n'était qu’un recours plus ou moins général. Dans la Mischna, rédigée vers l’an 200 de notre ère, il n’y a pas de traces sérieuses d’un véritable appel ; en matière criminelle, les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si le condamné, ou même un assistant quelconque (cf. Dan., xiii, 40-62), apportaient à sa décharge des arguments nouveaux, Mischna, traité Sanhédrin, vi, 1, t. iv, p. 233 ; mais on ne voit nulle part que l’exécution du jugement put être suspendue par le fait d’interjeter appel à un tribunal supérieur. En matière civile, il y avait en général plus de liberté ; les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si les parties apportaient des preuves nouvelles, Mischna, traité Sanhédrin, iii, 8, t. iv, p. 224 ; cf. la Ghemara de Babylone, traité Sanhédrin, iii, dans Ugolini, t. xxv, p. 702-706 (traduction latine d’Ugolini) ; de plus, il était permis ordinairement à un créancier de réclamer sa dette soit devant le tribunal local, soit devant un tribunal supérieur ; et même, après avoir comparu devant un tribunal local, les parties mécontentes de ce premier jugement pouvaient porter l’affaire devant un tribunal supérieur, mais à condition (ce qui détruit la notion du véritable appel) d’avoir préalablement exécuté la sentence de la première instance. Cf. Saalschùtz, Das Mosaische Recht, k. 87, p. 598, note. Ainsi l’influence du droit romain, qui, depuis Auguste, reconnaissait si énergiquement le droit d’appel, ne s'était pas encore fait sentir chez les Juifs, qui vivaient toujours, autant que possible, cantonnés dans leurs institutions et leurs coutumes traditionnelles.
II. L’appel de saint Paul a César. — Saint Paul, étant Juif, était justiciable des tribunaux juifs, dans les limites où leur pouvoir judiciaire avait été resserré par les Romains ; il reconnaît lui-même, au moins tacitement, l’autorité du grand sanhédrin, Act., xxiii, 1-6 ; il subit cinq fois, comme il nous l’apprend lui-même, la rigueur des pénalités judaïques. II Cor., xi, 24. Mais aussi il était citoyen romain, et, en cette qualité, il était justiciable des tribunaux impériaux, en sorte que, si l’un de ces tribunaux était une fois légalement saisi d’une affaire criminelle contre sa personne, ce tribunal était compétent, et rien ne pouvait le dessaisir, à moins que l’accusé lui-même n’y consentît. Le cas se présenta, pour saint Paul, au tribunal romain de Césarée. Les Juifs, ennemis acharnés de saint Paul, qui se trouvait alors à Jérusalem (an 58), avaient comploté sa mort ; le tribun romain de Jérusalem, Claudius Lysias, voulant le soustraire à leur fureur, le fit enlever pendant la nuit et conduire à Césarée, où demeurait le procurateur de la Judée, Félix, signifiant en même temps à ses accusateurs qu’ils eussent à porter leurs griefs au tribunal du procurateur. Act., xxiii, 12-30. Eu conséquence, les accusateurs juifs, étant descendus à Césarée, comparurent devant Félix, en même temps que Paul, et formulèrent contre lui leurs accusations. Saint Paul les réfuta et les réduisit au silence. Félix aurait dû le mettre en liberté ; mais, sous prétexte de nouvelles informations à recueillir, et au fond pour faire plaisir aux Juifs, il retint saint Paul en prison, lui laissant toutefois une certaine liberté. Au bout de deux ans, Félix est remplacé, comme procurateur, par Festus. Les Juifs demandent à celui-ci la condamnation à mort de Paul. Act., xxv, 15. Le procurateur refuse, alléguant la loi romaine, qui défend de condamner un accusé sans l’avoir entendu, et il invite les accusateurs de Paul à se présenter à son tribunal à Césarée, pour formuler leurs plaintes. En effet (vers l’an 60), les accusateurs juifs, ayant comparu avec Paul devant Festus, renouvelèrent les mêmes accusations qu’ils avaient déjà formulées, deux ans auparavant, devant Félix ; mais ils ne purent pas davantage les prouver, et de nouveau Paul les réduisit au silence. Act., xxv, 6-9. C’est ici que se place son appel à César.
Les ennemis de saint Paul avaient conjuré Festus de renvoyer son accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, comme pour l’y faire juger suivant leur loi, mais en réalité pour avoir l’occasion d’exécuter, pendant le voyage, l’infâme complot tramé contre sa vie deux ans auparavant. Act., xxv, 3 ; cf. xxiii, 12-15. Festus ignorait sans doute cet odieux dessein des Juifs. Quoi qu’il en soit, pour leur faire plaisir, il forma le projet de leur accorder cette demande, et de renvoyer Paul devant le sanhédrin ; il fallait pour cela, comme nous l’avons dit, son consentement : « Veux-tu, lui dit Festus, aller à Jérusalem, et y être jugé, devant moi, sur tous ces chefs ? » Ces mots « devant moi » signifiaient que, le sanhédrin ayant porté sa sentence, le procurateur, suivant son droit, la reviserait, et au besoin la réformerait. Saint Paul ne se laissa pas tromper par ces paroles insidieuses. Le renvoi à Jérusalem était pour lui la mort certaine ; il n’ignorait pas le complot des Juifs contre sa vie, Act., xxiii, 16 ; il savait que le sanhédrin voulait à tout prix le condamner à mort, et que peut-être Festus, qui avait déjà donné plusieurs marques de lâche complaisance aux Juifs, n’aurait pas le courage de résister à leur fureur. Il déclare donc qu’il ne veut pas être renvoyé à Jérusalem : « Je suis, dit-il, devant le tribunal de César (appelant de ce nom le tribunal du procurateur, légat et vicaire de César ; cf. D., 1, xix. De officio procuratoris Cæsaris, 1. i), c’est ici que je dois être jugé ; si je suis coupable, je ne refuse pas la mort ; mais, puisque je suis innocent, personne ne peut me sacrifier aux Juifs. J’en appelle à César, Kαίσαρα ἐπικαλοῦμαι. » Act., xxv, 11.
Sans doute le procurateur n’avait pas encore porté de sentence définitive ; mais la loi romaine permettait d’appeler même d’une sentence interlocutoire, c’est-à-dire d’une décision rendue, au cours de la procédure, sur une question incidente, quand cette décision était manifestement contraire aux lois i cf. D., XLIX, v, De appellationibus recipiendis, 1. H), et surtout quand cette décision était de nature à causer à l’accusé un dommage irrépa-