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FRANÇAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE


du xme siècle ; le texte est en mauvais état et reproduit dans un langage inférieur à celui de l’original. « On en connaît maintenant trois autres copies, à savoir : Arsenal, 5211 ; Bibl. Nat., fr. 6447, et Nouv. acq., fr. 1404. Mais le manuscrit de la Mazarine l’emporte sur les trois autres eu ancienneté et en correction, et les trois nouvelles copies ne fournissent qu’un nombre infiniment restreint de variantes acceptables. » P. Meyer, Notice du ms. Bibl. Nat. fr. 6447, dans les Notices et extraits des manuscrits, t. xxxv, 2e partie, Paris, 1896, p. 457. Cf. Romania, t. xvii, p. 126-128. La version est peu littérale, et elle est mélangée de gloses assez nombreuses et assez étendues. On a même cru y distinguer des morceaux de prose rimée. Barbazan, Fabliaux et contes des poêles français’, 1756, in-18, t. i, p. vu ; 3e édit., Méon, 1808, t. iii, p. îv. Les rimes ne se rencontrent que dans le récit, jamais dans la traduction des commentaires qui l’accompagnent. Le style est en général des plus élégants et aussi remarquable par la finesse du sentiment qu’il exprime que par la pureté du langage. Leroux de Lincy, op. cit., p. lvii, pensait que cette traduction a été composée dans le dialecte de l’Ile-de-France, tel qu’il se parlait dans la première moitié du xiie siècle ; mais Suchier, dans la Zeitschrift fïir romanische Philologie, t. iv, 1880, p. 568, a affirmé que le langage du traducteur, ou du moins du copiste, était le dialecte anglonormand. On n’en peut conclure toutefois que ce texte ait été écrit pour la première fois en Angleterre, car les dialectes français et normand avaient alors si peu de différences, qu’il est difficile de les distinguer. Le texte latin traduit semble n’être pas très éloigné, sauf pour la division des chapitres, de la revision d’Alcuin.

4° Livres Saints traduits en roman par les Vaudois.

— La légende de la Bible complète des Vaudois n’est plus à détruire. Dans la persuasion que Pierre Valdus, le chef de cette secte, avait composé ou fait composer une version française de l’Écriture, « la perle de grand prix, » que les colporteurs vaudois portaient en tous lieux, cachée sous leurs vêtements grossiers, beaucoup de critiques l’ont cherchée longtemps soit dans la grande version anonyme du moyen âge, à laquelle le souvenir des « pauvres de Lyon » avait fait donner le nom de Bible des Pauvres, soit dans les traductions provençales. E. Reuss, Fragments littéraires et critiques relatifs à l’histoire de la Bible française, dans la Revue de théologie et de philosophie chrétienne, t. ii, 1851, p. 1-23, a démontré que les preuves d’une version vaudoise, antérieure à l’an 1170, étaient purement imaginaires, et que les premières traces certaines d’une traduction partielle de la Bible faite par les Vaudois remontent au dernier quart du xii « siècle. Quelques textes peu clairs et en partie incompréhensibles en attestent l’existence. Etienne de Bourbon ou de Belleville rapporte, peu après l’an 1250, dans son livre De septem donis Spiritus sancti, dans d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1728, t. i, p. 87 (cf. Lecoy de la Marche, Anecdotes d’Etienne de Bourbon, 1877, p. 291-293), que Pierre Valdus avait demandé au prêtre Etienne d’Anse de lui traduire en langue vulgaire les Évangiles, plusieurs livres de la Bible et de nombreuses citations des Saints réunies par litres et qu’ils appelaient Sentences. D’autre part, le frère Walter Map, De nugis Curialiurn, dist. i, c. xxxi, édit. Th. Wright, 1850, p. 64, raconte avoir vu au concile de Latran, en 1179, des Vaudois présenter à Alexandre III un livre écrit en langue française, dans lequel étaient contenus le texte et la glose du Psautier et d’un grand nombre de livres des deux Testamenls. Quelle que soit l’obscurité de ces renseignements, il est clair qu’il n’y est pas question d’une traduction complète de la Bible, ni même du Nouveau Testament, mais seulement de celle de livres isolés, le plus souvent accompagnée d’un commenlaire ou d’une glose et faite vraisemblablement dans le dialecte de Lyon. On n’en a pas encore retrouvé de manuscrits.

Deux bulles d’Innocent III, adressées le 12 juillet 1199 à l’évêque et au chapitre de Metz, Epist., 1. ii, ep. cxu et cxlii, Patr.lat., t. ccxiv, col. 695-699, nous apprennent que dans cette ville « une multitude nombreuse de laïques et de femmes, entraînée par une sorte de passion pour l’Écriture Sainte, s’est fait traduire en langue française les Évangiles, les Épitres de saint Paul, le Psautier, les Moralités sur Job et plusieurs autres livres ». Le 9 décembre suivant, le même pape chargeait les abbés de Citeaux, deMorimond et de la Crète, Epist., 1. II, ep. ccxxxv, t. ccxiv, col. 793-795, de s’enquérir de ces traductions bibliques en langue vulgaire, qui étaient en usage à Metz, Dans sa Chronique, Monumenta Germanise, Scriptores, t. xxiii, ’p. 878, Albéric des Trois -Fontaines relate que ces trois abbés cisterciens livrèrent aux flammes les exemplaires de ces versions qu’ils trouvèrent entre les mains des Vaudois messins. Néanmoins une partie est parvenue jusqu’à nous. Les « Moralités sur Job », extraites du célèbre commentaire de saint Grégoire le Grand, avaient été publiées par Le Roux de Lincy, Les quatre livres des Rois, in-4°, Paris, 1841, p. 439-518, d’après le manuscrit fr. 24764, qui provient de Notre-Dame de Paris et qui est des dernières années du xiie siècle. L’éditeur, op. cit., introduction, p. cxxiii-cxxviii, avait cru y reconnaître les caractères du dialecte de la Bourgogne ; mais P. Meyer, dans la Revue des sociétés savantes, 5e série, t. vi, 1874, p. 236, a rapproché la langue du dialecte liégeois. Les Évangiles et les Épîtres de saint Paul n’étaient vraisemblablement pas une traduction des quatre Évangiles et des quatorze Épîtres de l’Apôtre, mais seulement la version des Évangiles et des Épîtres des dimanches et fêtes, accompagnée d’un commentaire étendu. Or un manuscrit de la bibliothèque du cardinal de Rohan, maintenant à l’Arsenal, n° 2083, du commencement du xme siècle et ayant appartenu à la famille messine d’Esch, contient les Évangiles de la quinzaine d’avant Pâques, avec quelques Épitres du même temps et la paraphrase attribuée à Haimon, moine de Savigny en Normandie. Cet évangéliaire en langue lorraine présente tous les traits de l’orthographe messine dans ses plus anciens monuments ; son langage est plus archaïque que celui des chartes ducales. Quant au Psautier, il est certain qu’il est différent du Psautier messin du xive siècle ; il n’a pas encore été retrouvé au milieu des nombreux Psautiers, glosés et non glosés, de la fin du xiie siècle.

D’après Gilles d’Orval, Chronic. episc. Leodens, 1. iii, § 43, dans les Monumenta Germanise, Scriptores, t. xxv, p. 112, et Albéric des Trois -Fontaines, Chronic., ibid., t. xxiii, p. 855, Lambert le Bègue, fondateur de la secte des Béghards, a traduit du latin en roman beaucoup de livres et particulièrement les Vies des Saints et les Actes des Apôtres. Ce renseignement dérive de la Vie, aujourd’hui inconnue, de sainte Odile, qui vivait à Liège dans les premières années du xme siècle. Des versions des Actes des Apôtres que nous possédons, aucune ne parait avoir été écrite primitivement en dialecte wallon. La traduction de Lambert de Liège serait donc perdue. Sur les versions vaudoises de la Bible composées plus tard dans le dialecte des vallées des Alpes, voir Provençales (Versions).

5° Psautiers glosés. — Le Psautier, nous l’avons dit plus haut, est le premier livre de la Bible qui ait été traduit en français. Bientôt une simple traduction des Psaumes ne suffit plus au peuple chrétien, et on joignit des commentaires au Psautier. M. S. Berger, La Bible française au moyen âge, p. 64-79 et 384, a collationné et classé ces Psautiers glosés. Ils appartiennent tous de près ou de loin à la même famille, et ils reproduisent plus ou moins fidèlement le vieux texte gallican du Psautier normand. On ne peut donc les distinguer que par la glose qui accompagne la version française. — 1. Un commentaire français des Psaumes, conservé dans trois manuscrits anglais du commencement du xiiie siècle (biblio-