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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/19

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CADES

le 14 mai 1878, par F. W. Holland, Palestine Exploration Fund, Quarterly Slatement, 1879, p. 69 ; 1884, p. 9 ; le 1er avril 1881, par H. Clay Trumbull, Palest. Expl. Fund, 1881, p. 208-212 ; ce dernier, dans un ouvrage très étendu, Kadesh-Barnea, in-8°, New York, 1884, s’est fait l’historien de la question et le champion de cette seconde hypothèse, en même temps qu’il donnait le récit de son voyage. Voir aussi Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, 1885, t. viii, p. 182-232. — Aïn-Qadis se trouve à quatre-vingts kilomètres au sud de Bersabée, à l’extrémité de l’ouadi Qadis (fig. 5), qui s'étend au-dessous d’un massif montagneux formé par le Djebel el-Makhrah, le Djebel Méraifig, le Djebel Aneigah. (Cf. la carte qui accompagne le récit du voyage de Holland, Palest. Expl. Fund, Quart. Statement, 1884, p. 4.) C’est une délicieuse et fraîche oasis, couverte de figuiers et d’arbustes variés, dont le charme est surtout appréciable quand on sort du désert brûlé qui l’environne. Au tournant nord-est de ce pittoresque amphithéâtre sort des collines calcaires la large masse du rocher regardé par Rowland comme étant celui que frappa Moïse, pour en faire jaillir de l’eau, bien que la source miraculeuse ait disparu. De dessous ce banc rocheux s'échappe un ruisseau assez abondant. Le premier réservoir est un puits circulaire, construit avec des blocs de pierre usés par le temps. À une petite distance vers l’ouest et plus bas s’en trouve un second, semblable à l’autre, quoique de plus grande dimension. Autour des deux sont des auges de pierre, dont le travail primitif rappelle celles de Bersabée. Un peu au sud-ouest du second on voit un bassin plus large que les deux puits, mais non muré comme eux. Dans tout le voisinage, les chameaux et les chèvres ont laissé des traces qui montrent combien a été fréquenté de tout temps ce lieu si bien arrosé. Enfin, plus bas encore, est un autre réservoir, alimenté par l’eau qui coule en cascades, à travers un lit étroit, du bassin supérieur. Cette eau est remarquablement pure et fraîche. Aux environs d’Aïn Qadis est une large plaine capable de recevoir une grande multitude. Cf. Clay Trumbull, Kadesh-Barnea, p. 272-274. Les arguments en faveur de ce site sont les suivants :

— 1° La région qui occupe Aïn Qadis a une importance qui montre comment elle a pu attirer des armées comme celles de Chodorlahomor et des Israélites. Située non loin de la jonction des principales routes qui du désert montent vers Chanaan, et qui de là peuvent être surveillées, elle possède elle-même une route intérieure défendue par les montagnes. Dans cette direction du nord, toute une ligne de sources ou de puits, Biâr May iii, 'Aïn Qadis, 'Aïn Qoudrât, 'Aïn Moueiléh, El-Birein, semblent tracer une voie toute naturelle. La plaine qui avoisine Aïn Qadis peut servir de campement à un peuple nombreux. — 2° Toutes les données scripturaires qui déterminent la situation de Cadès s’adaptent parfaitement au site proposé par Rowland, Trumbull et les autres.

— 3° Les cinq raisons que nous avons opposées à la première hypothèse, Aïn el-Oueibéh, sont autant d’arguments en faveur d’Aïn Qadis. Les limites méridionales de la Terre Sainte, en particulier, s’expliquent très bien, dans ce cas, par une ligne qui, partant de la mer Morte, suit l’ouadi Fiqréh, passe au-dessous du Naqb es-Safa (montée du Scorpion), puis poursuit sa courbe jusqu'à Aïn Qadis, pour remonter vers l’ouest jusqu'à l’embouchure de l’ouadi el-Arisch (torrent d’Egypte). Les événements bibliques trouvent là un théâtre tout naturel : montagnes du sud de la Palestine, rocher, sources. — 4° Le nom (Qoudeis est un diminutif de Qods, « saint ») ajoute dans la balance un poids incontestable. C’est le seul endroit du désert où on le trouve, et il s’applique non seulement à la source, mais à la montagne et à la vallée voisines. On peut signaler aussi celui i’Abou Retmât, ouadi placé par Robinson, Biblical Researches, l. 1, p. 189, à l’ouest du Djebel Qadis, et dans lequel plusieurs auteurs reconnaissent Rethma, Num., xxxiii, 18, une des stations proches de Cadès, sinon Cadès elle-même.

Il y a cependant une difficulté, la plus sérieuse en somme de celles qui ont été soulevées contre cette opinion, et en grande partie l’argument capital de la première hypothèse. L'Écriture place Cadès « â l’extrémité » du royaume d'Édom (Vulgate : in extremis finibus tuis), Num., xx, 16, ce qui, rapproché du y. 22, d’après lequel le mont Hor est situé « sur les confins du pays d'Édom », semble mettre la ville bien plus près des monts iduméens, c’est-à-dire dans l’Arabah. Il y a là une confusion que l’explication des termes peut dissiper. L’expression « à l’extrémité du royaume » ne veut pas dire que la ville appartenait aux Iduméens ; la Bible, au contraire, l’attribue au pays de Chanaan. Num., xxxiv, 4 ; Jos., xv, 3 ; x, 41. Le sens est simplement qu’elle était à la frontière d'Édom. Il ne faut pas confondre qesêh gebûlékâ, « l’extrémité de ton territoire, » Num., xx, 16, avec gebûl 'érés 'Édôm, « le territoire du pays d'Édom, » Num., xx, 23. Rien ne nous dit que ce pays s’arrêtât, à l’ouest, à l’Arabah. Les Iduméens avaient conquis une partie du désert de Pharan, borné au nord par le désert de Sin. Num., xxxiv, 3. Cf. Keil, Numeri, Leipzig, 1870, p. 292. On objecte encore ces paroles d’Eusèbe : « Cadès-Barné, désert qui s'étend jusqu’auprès de la ville de Pétra, » Onomastica sacra, p. 269 ; puis celles de l'Écriture : « Sortant de Cadès, ils campèrent sur le mont Hor. » Num., xxxiii, 37.. Entre ces deux points l'écrivain sacré ne mentionne aucune station intermédiaire, et il donne à penser que les Hébreux gagnèrent en une seule étape la montagne où mourut Aaron. Or un intervalle de quarante-cinq kilomètres seulement la sépare d’Aïn el-Ouéibéh, tandis qu’elle est à quatre-vingt-quinze kilomètres au moins d’Aïn Qadis. M. Guérin, La Terre Sainte, t. ii, p. 310, répond justement : « Entre l’Ain Qadis et Pétra on ne rencontre les vestiges d’aucun endroit jadis habité, si ce n’est par des nomades. Par conséquent, même en plaçant Cadès-Barné dans le voisinage de l’Aïn Qadis, on peut dire avec Eusèbe que le désert ainsi appelé s'étendait jusqu'à la ville de Pétra. [Ensuite], si de l’Ain Qadis au Djebel Haroun, l’ancien mont Hor, où Israël transporta ses tentes, l’intervalle de quatre-vingt-quinze kilomètres est beaucoup trop grand pour avoir pu être franchi par tout un peuple en marche, autrement qu’en trois jours au moins, qui empêche de supposer que la Bible s’est contentée d’indiquer la dernière étape, qui avait été signalée par un événement éclatant, la mort du grand prêtre Aaron, tandis que les autres étapes intermédiaires ont été supprimées dans le récit de l’historien sacré, comme n’ayant été marquées par aucun fait saillant ? »

Outre les voyageurs déjà cités, Palmer, Holland, Clay Trumbull, la plupart des auteurs acceptent aujourd’hui cette opinion sinon comme certaine, au moins comme très probable : G. B. Winer, Biblisches Realwörterbuch, 2 in-8°, Leipzig, 1847, t. i, p. 641 ; E. Hull, Mount Seir, in-8°, Londres, 1889, p. 188 ; G. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, in-8°, Londres, 1889, p. 107 ; R. von Riess, Bibelatlas, Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 16 ; Fillion, Atlas géographique de la Bible, Paris, 1890, p. 14 ; M, Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 161.

Ces deux hypothèses pourraient se concilier dans l’opinion de ceux qui veulent reconnaître une double Cadès, l’une au désert de Pharan, l’autre au désert de Sin. Tel est, en effet, le sentiment défendu par E. Arnaud, La Palestine ancienne et moderne, in-8°, Paris, 1868, p. 113116, après Hengstenberg, Authentie des Pentateuchs, Berlin, 1839, t. ii, p. 427 ; de Raumer, Der Zug der Isræliten, Leipzig, 1837, p. 40, et d’autres. Mais cette distinction est-elle bien fondée ?— On s’appuie d’abord sur le double voyage des Israélites à Cadès, le premier effectué la deuxième année de la sortie d’Égypte, Num.,