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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/219

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CENERETH

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de Tibériade, sans en indiquer l’orientation ; mais Pline, H. N., v, 15, la place au midi. Il semble que, comme les Talmuds, Josèphe fait de Gennabris et de Tarichée une seule localité. Ce qui ne me paraît pas douteux, c’est que Senn-Nibrah et Kérak nous offrent les débris des villes nommées par les Talmuds Sennabri et Bètlérah. D’après l’état des ruines, on peut conjecturer que Gennabris et Bèt - Iérah ou Tarichée étaient dans le commencement deux localités différentes, mais peu éloignées ; qu’elles ont fini par se joindre et former comme une seule ville appelée tantôt d’un nom, tantôt de l’autre. Immédiatement après les ruines de Kérak commence le Ghôr ou vallée du Jourdain, la Grande Plaine de Josèphe. Moïse, Deut., iii, 17, et Josué, xi, 2, font aussi commencer l’Arabah et le territoire de Gad au sud de Cénéreth. L’identification de Cénéreth avec Sennabris et Senn-Nibrah et Kérak pourrait paraître à peu près incontestable, s’il était certain que ces deux auteurs sacrés désignent ici la ville de Cénéreth, non le lac du même nom. Voir Cénéreth 2.

Dans le Talmud de Babylone, Cénéreth n’est pas toujours identifiée avec Sennabri ; elle l’est quelquefois avec Tibériade. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 208. Saint Jérôme, Liber de situ et nom. hébr., t. xxiii, col. 889, au mot Chinnereth, présente la même identification comme une opinion ayant des partisans à son époque : « La bourgade, dit-il, appelée plus tard par Hérode, roi de Judée, Tibériade, en l’honneur de Tibère César, s’appelait d’abord, dit-on (ferunt), de ce nom. » Ce sentiment a été suivi presque généralement par les voyageurs du moyen âge. Cf. Jean de Wurzbourg, Descriptio Terrx Sanctse, c. vi, t. clv, col. 1071 ; Theodoricus, Libellus de Locis Sanctis, édit. Titus Tobler, Saint -Gall, 1865, p. 102 ; Thietmar, Peregrinatio, 2e édit. Laurent, Hambourg, 1857, p. 6 ; Burkard du Mont-Sion, Descriptio Terrx Sanctse, 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 45 ; Odoricus de Foro-Julio, De Terra Sancta, ibid., p. 147, etc. De nos jours, le docteur Rich. von Riess, Bibelvtlas, 2e édit., 1887, propose également Tibériade, mais avec un point d’interrogation, et cela avec raison, car on ne trouve aucun fondement pour appuyer ce sentiment, et il y a plusieurs motifs de le rejeter.

Bonfrère, Onomasticon urbiuni et locorum Sacrse Scripturse, édit. Le Clerc, in-f°, Amsterdam, 1707, p. 52, prétend que Cénéreth pourrait n’être pas différente de Capharnaùm, que du moins elle ne devait pas en être éloignée. Luigi Marucci, dans son Abrégé de VOnomasticon, in-18, Lucques, 1705, p. 57, reproduit la même assertion. Pour ces auteurs, Capharnaùm étant sur les limites de Nephthali et de Zabulon, Cénéreth ne peut être éloignée de cette ville. Ils donnent à la parole de saint Matthieu, iv, 13, un sens strict qui est contestable.

Scewulf (1102), Relatio de situ Jérusalem, dans le Recueil des Voyages et mémoires de la Société géographique, in-4°, Paris, 1839, t. iv, p. 851, indique la ville de Génésareth à deux milles environ vers l’occident de la montagne de la multiplication des cinq pains et du lieu appelé Tabula Domini, c’est-à-dire à trois kilomètres à l’ouest de Tabagha. Cette indication pourrait désigner le Khirbet Miniéh, situé à l’extrémité est du Ghoueîr, au pied du mont appelé’Oreiméh, qui sépare la plaine de Tabagha du Ghoueîr. Le’Oreiméh est couvert de ruines parmi lesquelles on distingue des restes de tours et de fortifications. La montagne au nord du’Oreiméh porte le nom de Djébel-etKhanazir, dans lequel des écrivains modernes ont cru reconnaître une dérivation de Génésar. Cf. Gralz, Schauplatz der heiligen Sclirift, Ratisbonne (1858), p. 417. Ce nom, signifiant « mont des Porcs » ou « des Sangliers », me paraît plutôt un nom arabe donné à l’endroit à cause de ces derniers animaux qui y abondent.

F. de Saulcy croit reconnaître, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, in-12, Paris, 1872,

p. 100, Cénéreth dans Abou-Choucliéh. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 209-212, défend cette identification. Selon ces savants, Cénéreth = Génésar devait se trouver dans la plaine à laquelle elle avait donné son nom, ou sur ses confins. Cette plaine est certainement identique avec le Ghoueîr actuel, qui s’étend au nord du lac de Tibériade, entre Medjel et le Khan-Miniéh. C’est sur sa limite nord, à trois kilomètres et demi de Medjel, à cinq de Tibériade, à deux de ï Aïn-Medaouâréh, que se trouve Abou-Chouchéh. Ce village est ainsi appelé du nom d’un santon enseveli en ce lieu, et qui a un monument à blanche coupole parmi les tombes des habitants de la région. Il se compose d’une douzaine de mauvaises masures bâties de pierres de basalte brutes, liées par de la terre, debout au milieu de monceaux de décombres formés des débris d’habitations renversées du même genre. On n’y observe aucune trace de construction ancienne ni d’enceinte ; « mais, dit V. Guérin, combien de villes importantes et autrefois fortifiées n’ont pas laissé d’ailleurs en Palestine des traces plus considérables que celles qui existent à Abou-Chouchéh ! » Abou-Chouchéh est bâti sur le sommet d’une colline d’où le regard peut contempler la plaine du Ghoueîr dans toute son étendue ; au delà la nappe azurée du lac de Tibériade et les montagnes du Djaulan qui le bordent à l’est. Sur le flanc de la colline qui s’abaisse vers le Ghoueîr, un moulin est mis en mouvement par les eaux abondantes qui y sont amenées de l’ouadi Rabadiéh et s’écoulent ensuite vers le lac, à travers le Ghoueîr. Mejdel étant très certainement, observe V. Guérin, l’antique Magdala ou Magedan, Khan-Miniéh devant être, suivant lui, la Bethsaïde occidentale, il ne reste aux alentours du Ghoueîr, pour l’emplacement de Cénéreth, que celui d’Abou-Chouchéh.

Ceux qui adoptent l’opinion des Talmuds identifiant Cénéreth avec Sennabris font de leur côté une autre remarque. Le nom de Génésar a du être donné à la plaine de la ville qui l’a porté la première ; mais il n’est pas impossible qu’il lui soit arrivé par l’intermédiaire du lac. Ils observent en outre que, quoique Cénéreth et Génésar soient tenus pour des noms identiques, il ne serait pas improbable qu’il n’y ait eu aucun rapport entre les deux. Il n’est pas nécessaire, par conséquent, de chercher Cénéreth aux abords de cette plaine. Voir Génésar. Armstrong, "Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, in-8°, Londres, 1881, p. 43, au mot Chinnereth, ne proposent aucune identification.

Devant ces opinions contradictoires, on peut faire les observations suivantes : Deux de ces opinions sont appuyées d’arguments sérieux. 1° Celle qui cherche Cénéreth aux confins de la plaine de Génésar. Si Génésar dérive de Cénéreth, il est naturel que la ville ait donné directement son nom à la plaine plutôt qu’à la mer.

— 2° Celle qui voit Cénéreth dans Sennabris. Elle est fondée sur l’autorité du Talmud de Jérusalem, en partie rédigé à Tihériade, par des Juifs à même de connaître le site de Génésar ou Cénéreth ; il n’est pas improbable non plus que le nom de Sennabris ait pu dériver de Cénéreth. Cette dernière opinion pourrait paraître plus forte que la première. L. Heidet.

2. CÉNÉRETH (MER DE) (hébreu, Nurn., XXXIV, 11, et Jos., xiii, 27 : yâm-Kinnérét ; Jos., XII, 3 : yâm-Kinnârôt ; Septante : e^Xâcraïi XevepéÔ ; Codex Alexandrinus : 6aXâff<rri XswEpéÔ ; Codex Sinailicus, Num., xxxiv, 11 : OaXôddi-, Xsvapi), lac de la Galilée. Parmi les commentateurs, un grand nombre soutiennent que son nom lui vient de sa forme, qui est celle, disent-ils, d’une guitare ou d’une harpe, en hébreu kinnôr, pluriel kinnorôf. Plusieurs critiques contestent cette interprétation. La forme de ce lac, suivant eux, lui est commune avec la plupart des lacs, et l’usage le plus constant est de les nommer d’une des villes bâties sur leur rivage : aussi pensent - ils qu’il a été nommé Cénéreth de la ville de ce