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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/406

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CISON (TORRENT DE) — CITÉ (DROIT DE)


le plus unie. Les deux villes importantes, restées en grande partie aux mains des anciens maîtres du pays, formaient un point d’appui aux troupes de Jabin. Hommes et chevaux trouvaient de quoi élancher leur soif dans « les eaux de Mageddo », c’est-à-dire les cours d’eau qui descendent des collines voisines et sont alimentés par les sources que nous avons déjà mentionnées. Dans ces conditions, Sisara pouvait tranquillement attendre l’attaque des Israélites. Humainement parlant, c’était folie pour ceux-ci d’affronter un ennemi qui avait tous les avantages. Mais Dieu était avec eux ; cela suffit pour des hommes d’énergie et de foi. Descendant de leur forteresse du Thabor, ils tombent avec impétuosité sur les Chananéens, effrayés de tant d’audace. Le ciel en même temps combat pour Israël :

Du ciel ou a combattu [ pour nous ], Les étoiles, de leurs orbites, ont combattu contre Sisara.

Jud., v, 20.

Josèphe., Ant. jud., V, v, 4, interprète de la tradition juive, nous dit expressément qu’un orage terrible éclata, accompagné de pluie et de grêle. Les éléments déchaînés, poussés par le vent, fouettaient le visage des guerriers ennemis, les aveuglant et rendant leurs coups inutiles, tandis que la tempête, frappant à dos les Israélites, ne faisait que stimuler leur ardeur, et les lançait comme par une force surnaturelle au milieu des rangs chananéens. C’est ainsi que Dieu se sert des causes matérielles pour manifester la puissance de son secours. La pluie, qui tombait avec violence, grossit bientôt le torrent de Cison et détrempa peu à peu la terre légère de la plaine. Tressés par l’armée d’Israël, les vaincus ne songèrent naturellement qu’à regagner la forteresse d’Haroseth, d’où ils étaient partis. Enfermés entre les monts de Samarie et le Carmel à gauche, le torrent débordé à droite, et les vainqueurs qui les poursuivaient par derrière, ils n’avaient d’autre issue que par l’étroit passage qui sépare les deux plaines. Mais on comprend l’horrible confusion dans laquelle tombèrent les fuyards : hommes, chevaux et chariots roulaient en s’écrasaut dans un pêle-mêle indescriptible ; les bas-fonds se transformèrent en marais, et le fleuve, coupant la vallée de son cours tortueux, emportait les cadavres que les rangs pressés y jetaient successivement :

Le torrent de Cison a roulé leurs cadavres,

Le torrent des combats, le torrent de Cison,

Et moi, j’ai foulé aux pieds les forts.

Alors les chevaux se sont épuisés

Dans la course rapide des chars. Jud., v, 21, 22.

C’est à peu près sur le même champ de bataille que, le 16 avril 1799, Napoléon livra le combat dit « du mont Thabor », et dans lequel les Turcs furent aussi précipités dans les fondrières perfides des sources du Cison. La défaite de Sisara laissa naturellement un souvenir profond dans les annales d’Israël, et plus tard le psalmiste, parlant à Dieu de ses ennemis, disait, Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 10 :

Traite - les comme Madian,

Comme Sisara et Jabin au torrent de Cison.

2° Le même fleuve entraîna vers la mer les corps des prophètes de Baal, miraculeusement confondus par Élie sur le Carmel. L’homme de Dieu ordonna de les prendre, « sans en laisser échapper un seul ; et le peuple s’étant saisi d’eux, Élie les fit descendre au torrent du Cison, et les y fit mettre à mort. » III Reg., xviii, 40. La scène est facile à reconstruire, grâce au souvenir que la tradition locale a gardé de cet événement. À la pointe sud-est du Carmel se trouve un endroit connu sous le nom de El-Mouhraqa, « le sacrifice, l’holocauste ; » il rappelle ainsi Je sacrifice qui y fut offert. De ce point élevé, le regard plonge, à l’est, sur l’immense plaine d’Esdrelon, et, au

bas des pentes abruptes de la montagne, coule, à une profondeur d’environ 340 mètres, le Nahr el-Mouqatta’, qui rase de près les flancs inférieurs du Carmel. On montre encore aujourd’hui, précisément au bas de cette hauteur, un monticule situé sur les bords du torrent, et que les Arabes appellent Tell elOasis, « la colline des prêtres ; » d’autres la désignent également sous la dénomination de Tell el-Qatl, « la colline du massacre, » à cause des prêtres de Baal qui y furent égorgés. Cf. V. Guérin, Samarie, 1875, t. ii, p. 245, 247. La pluie qui tomba, à la prière d’Élie, grossit le Cison, dont les eaux roulèrent les cadavres des faux prophètes, comme elles avaient emporté ceux des Chananéens. — Outre les auteurs cités dans le corps de l’article, on peut voir aussi Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-8°, Londres, 1865, p. 171-174 ; Biblicàl Researches in Palestine, t. ii,

p. 363-366.

A. Legendre.

CITÉ (DROIT DE). On appelait « droit de cité », dans l’antiquité, l’ensemble des privilèges qui assuraient à un individu la protection complète des lois d’un État et le droit de participer à son gouvernement. Ces privilèges variaient d’un État à l’autre. Ils appartenaient à ceux qui étaient nés d’un père et d’une mère citoyens ou qui avaient été admis dans la cité à la suite d’une concession émanant du souverain, ou du peuple dans les États démocratiques. Démosthène, Contr. Steph., i, 78. Nous possédons un grand nombre d’inscriptions mentionnant la collation du droit de cité par différentes villes en récompense de services rendus. Dittenberger, Sylloge inscript, grsecarum, 134 ; 253, 1. 44 ; 314, 310 ; Epheni. arcliseolotj., 1883, p. 37-38, etc. Les Juifs avaient reçu le droit de cité dans un certain nombre de villes grecques, notamment en Egypte et en Syrie.

1° Droit de cité à Alexandrie. — Ce fut Alexandre lui-même qui accorda, dit Josèphe, Contr. Apion., ii, 4, le droit de cité aux Juifs d’Alexandrie. Cela signifie qu’il leur donna les mêmes droits municipaux qu’aux Macédoniens. Cette situation persista sous la domination romaine, et les empereurs Titus et Vespasien refusèrent de les leur enlever, comme le demandaient les Grecs. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1 ; xviii, 7. Les Juifs formaient cependant une sorte d’État dans l’État. Ils s’administraient eux-mêmes dans une certaine mesure. Ils avaient un ethnarque qui commandait à la nation, jugeait les procès, décidait dans les contestations relatives aux contrats, et signait des ordres comme s’il était à la tête d’une cité indépendante. Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2 ; x, 1 ; XVIII, vi, 3 ; XIX, v, 2 ; Bell, jud., xviii, 7. Voir Alexandrie 1. La position des Juifs était la même à Cyrène, Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2, et à Bérénice. Corpus inscript, grœc, n°5161 ; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. Cagnat, in-8°, Paris, 1889, t. xi, p. 65-66 ; Em. Schûrer, Geschichle des Jûdischen Volkes, t. ii, in-8°, 1889, p. 500, 514 et 515.

2° Droit de cité à Antioche. — Séleucus Nicator accorda aussi aux Juifs, dans des conditions semblables, le droit de cité à Antioche et dans les colonies qu’il fonda dans la Syrie inférieure. Ils eurent les mêmes droits que les Macédoniens et les Grecs, Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1 ; Contr. Apion., ii, 4, et ils les conservèrent sous les empereurs romains, malgré les réclamations des Grecs. Josèphe, Ant. jud., VII, v, 2. À Antioche, comme à Alexandrie, ils avaient un chef particulier. Josèphe, Ant. jud., VII, iii, 2. Il est plusieurs fois question dans l’Écriture des Juifs citoyens d’Antioche. II Mach., iv, 9 ; vi, 1 ; Act. vi, 5. Voir Antioche de Syrie. Cette organisation, dont nous trouvons aussi la trace à Smyrne, Revue des études juives, 1883, p. 161, existait partout où le nombre des Juifs était considérable. Em. Schûrer, Geschichte des Jûdischen Volkes, t. ii, p. 498, 513, 529, 534.

3° Droit de cité romaine. Voir Citoyen romain.

E. Beurlier.