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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/407

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CITERNE

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    1. CITERNE##

CITERNE (hébreu : bar, une fois bô’r, II Reg., XXIII, 15, et une autre fois gébé’, Is., xxx, 14 ; Septante : Xi-/.-/.o ;  ; Vulgate : cistema, lacus, fovea), cavité artificielle dans laquelle on fait arriver l’eau de pluie, quelquefois même l’eau de source, pour la conserver. La citerne n’a qu’une ouverture médiocre, ordinairement fermée, ce qui la distingue de la piscine, qui est à ciel ouvert. Elle diffère du puits en ce que celui-ci s’alimente au moyen des eaux souterraines qui viennent couler à travers ses parois poreuses, tandis que la citerne s’alimente au moyen des eaux superficielles qu’elle retient dans ses parois étanches.

1° Citernes des nomades. — Quand les nomades circulent en caravanes plus ou moins nombreuses, ils ne peuvent toujours emporter avec eux la provision d’eau nécessaire au voyage. Aussi de tout temps se sont-ils efforcés de se ménager des réservoirs d’eau dans les endroits propices. Voici comment, d’après Diodore de Sicile, xix, 94, procédaient les Arabes. Dans le sol argileux ou formé de pierre tendre, ils creusaient de grands trous, étroits à l’orifice, mais s’élargissant en profondeur. Ces réservoirs souterrains atteignaient jusqu’à un plèthre (cent pieds grecs), c’est-à-dire à peu près trente mètres de côté. On les remplissait d’eau de pluie ; les ouvertures étaient bouchées, le niveau du sol reconstitué, de sorte que seuls les Arabes pouvaient distinguer la présence d’une citerne à certains signes connus d’eux. C’est dans une citerne semblable, alors dépourvue d’eau, que Joseph fut descendu sur la proposition de son frère Ruben, Gen., xxxvii, 22-29, avant d’être vendu aux trafiquants madianites. Voir Dothaïn.

2° Citernes des Hébreux. — Dans un pays presque entièrement montagneux, comme celui de Chanaan, les habitants des hauts districts ne pouvaient se passer de citernes pour recueillir l’eau des pluies, partout où les sources faisaient défaut. Les Chananéens en avaient eux-mêmes construit un grand nombre dans le pays, et le Seigneur ne manque pas de faire remarquer aux Hébreux quel avantage ce sera pour eux de trouver des citernes toutes creusées, à leur entrée dans la Terre Promise. Deut, vi, 11 ; II Esdr., ix, 25. — Pendant une de ses luttes contre les Philistins, David exprima le souhait d’avoir à boire de l’eau d’une citerne de Bethléhem. II Reg., xxiii, 15, 16 ; I Par., xi, 17, 18. À cinq cents mètres environ au nord de la ville, se voient encore trois citernes creusées dans le roc et appelées Biâr-Daoûd, les « puits de David ». La plus grande a quatre mètres de large et à peu près dix-huit de long. Liévin, Guide de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 65. — La Sainte Écriture mentionne plusieurs autres citernes, celle de Socho, I Reg., xix, 22 ; celle de Sira, II Reg., iii, 26 ; les nombreuses citernes que le roi Ozias lit creuser pour ses troupeaux dans la campagne et dans le désert, II Par., xxvi, 10 ; celles que le général chaldéen Nabuzardan abandonna au menu peuple qu’il laissait en Judée. Jer., xxxix, 10. — Les citernes étaient de première nécessité dans les places qui pouvaient être assiégées. Celles de Béthulie furent épuisées après vingt jours de siège. Judith, vii, 11. Josèphe signale les services que rendirent les provisions des citernes pendant l’investissement des tours de Jérusalem et de la forteresse de Masada. Bel. jud., V, IV, 4 ; VII, vin, 3 ; Ant. jud., XIV, iv, 6. Les citernes creusées dans l’enceinte du Temple existent encore en partie. « Dès l’origine, elles étaient indispensables au service liturgique. Les unes devaient fournir les eaux nécessaires aux ablutions, les autres devaient recevoir les eaux de lavage. Leur creusement a donc accompagné, sinon précédé, la construction du premier Temple. » De Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, p. 27. Du reste, dans toute la Palestine, on rencontre « des citernes creusées habilement dans les rochers et disséminées à profusion le long des routes, dans les champs, dans les jardins, dans les aires à battre le grain, dans les villages et surtout dans les villes. À Jérusalem, on ne peut déblayer une cinquan taine de mètres de terrain sans en découvrir au moins une. Dernièrement, dans l’ancien mur d’enceinte sud de Jébus (Sion), sur une étendue d’une centaine de mètres, on a mis à découvert treize citernes. » Liévin, Guide, 1. 1, p. 39.

3° Construction des citernes. — Les habitants de la Palestine avaient d’assez grandes facilités pour creuser de bonnes citernes dans le sol calcaire de leur contrée. Parfois ils purent utiliser des cavités naturelles, en les adaptant à cette destination. Le plus souvent, ils pratiquèrent des réservoirs artificiels. Comme dans les citernes de Dothaïn, qui sont taillées dans le roc en forme de bouteilles, l’orifice restait assez étroit, et la cavité allait en s’élargissant à mesure qu’on descendait. De la sorte, la partie supérieure formait voûte et assurait la solidité de la masse surplombante de la roche. Quand le calcaire était suffisamment compact, la citerne n’avait pas besoin d’autre préparation pour garder l’eau. Si, au contraire, la roche présentait des fissures, ou si la citerne était construite dans un terrain perméable, on enduisait les parois de chaux ou de mortier, pour que l’eau ne s’échappât point. Pirke Aboth, ꝟ. 2, 11 ; Winer, Biblisches Realwôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 234. Cette précaution faisait-elle défaut, ou la citerne demeurait-elle trop longtemps sans réparation, l’eau n’y pouvait plus rester. Jérémie, ii, 13, reprochant au peuple d’avoir abandonné le Seigneur pour les idoles, dit qu’on a « délaissé la source d’eau vive pour se creuser des citernes crevassées qui ne peuvent garder les eaux ». Ces réservoirs souterrains conservaient l’eau très fraîche, Jer., vi, 7, et à l’abri de l’évaporation, grâce à l’étroitesse de l’orifice, d’ailleurs muni d’une fermeture. Ils affectaient une forme tantôt ronde, tantôt carrée, et atteignaient des dimensions considérables. On en trouve encore qui ont plus de trente mètres de profondeur. Socin, Palàslina und Syrien, Leipzig, 1891, p. cxxi. Dans la citerne de Bethacad, Jéhu put faire égorger quarante-deux des frères d’Œhozias, IV Reg., x, 14, et dans celle que le roi Asa avait fait creuser à Jérusalem, Ismaël jeta les cadavres de soixante-dix hommes de Samarie, partisans de Godolias. Jer., xli, 7-9. On puisait l’eau des citernes à l’aide de vases suspendus à des cordes ; quelquefois même la corde s’enroulait sur une roue facile à mettre en mouvement, mais qui à la longue tombait de vétusté. Eccle., xii, 6.

4° Prescriptions de la loi sur les citernes. — La loi ordonnait de couvrir les citernes, pour empêcher les animaux d’y tomber. Exod., xxi, 33, 31. On les fermait parfois avec une grosse pierre, comme les puits du désert. Gen., xxix, 2. Mais comme on avait souvent besoin d’eau, à proximité des habitations, on employait des fermetures plus faciles à soulever. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 37, dit qu’on recouvrait les puits et les citernes avec des planches, et même qu’on les entourait d’une palissade servant de muraille protectrice. Si, malgré ces précautions, le cadavre d’un animal tombait dans la citerne, ce cadavre qui, en droit, souillait ce qu’il touchait, ne rendait cependant pas l’eau impure. Lev., xi, 36. Cette exception à la règle générale s’explique par la rareté de l’eau dans les régions rocheuses, et par le grand dommage qui eût été causé à une famille dont la provision eut subi une contamination légale. Les chutes d’animaux dans les citernes abandonnées n’étaient point rares. Du temps de David, pendant l’hiver, un lion tomba dans une citerne dont la neige dissimulait l’orifice. Banaïas pénétra dans la cavité et tua l’animal. II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22 ; Josèphe, Ant. jud., VII, xii, 4. Il est probable que quand Notre-Seigneur parle de la brebis qui tombe dans un trou (|306-Jvo{, fovea) le jour du sabbat, Matth., xii, 11, il songe à ces citernes disséminées dans les campagnes et insuffisamment recouvertes. C’est parce que l’animal court danger de se noyer qu’il est si urgent de le retirer de la cavité où il est tombé.