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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/588

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CROIX


formes, comme ceux que le P. Delattre a trouvés dans des tombeaux puniques à Carthage, J) ; tel le svastika

ou croix gemmée des Hindous, i I ', et la croix ansée des

Égyptiens, "f", qui figure parmi leurs signes hiéroglyphiques et se retrouve sur un grand nombre de monuments de la vallée du Nil. Voir le collier égyptien publié par Prisse d’Avennes, L’art égyptien, p. 404. Cf. G. de Mortillet, Le signe de la croix avant le christianisme, in-8°, Paris, 1866 ; Letronne, La croix ansée égyptienne, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. xvi, 2° part., 1846, p. 236-284 ; L. Mûller, Ueber Sterne, Kreuze und Krânze als religiose Symbole der alten Kulturvôlker, in-8o, Copenhague, 1865 ; W. W. Blake, The Cross ancient and modem, in-4o, New-York, 1888 ; Ansault, Mémoire sur le culte de la croix avant Jésus-Christ, in-8o, Paris, 1891. — Tous ces rapprochements sont imaginaires, contraires à la vraie critique et à l’interprétation exacte des monuments. Si l’on rencontre le signe de la croix dans l’art de plusieurs peuples anciens, c’est certainement comme un ornement géométrique ; les deux lignes croisées étant l’ornement le plus simple et le plus naturel qui se puisse imaginer. La signification du svastika et de la croix ansée est assez obscure ; l’un et l’autre ont peut-être une origine astronomique. La croix ansée, faussement appelée la clef du Nil, fut chez les Égyptiens le symbole de la vie (ành) depuis les temps les plus reculés. Plus tard, à cause de sa forme et peut-être aussi à cause de son symbolisme, les chrétiens d’Egypte l’adoptèrent comme emblème de la croix. Al. Gayet, Les monuments coptes du Musée de Boulag, dans les Mémoires de la mission française du Caire, t. iii, fasc. iii, 1889, p. 18, pi. xxxixxxiii, lxx, lxxi. — On a pris quelquefois pour une croix sur des monuments grecs la lettre X, qui, seule ou jointe au P, servait à marquer sur les monnaies les initiales du mot xpûffos, « or, » ou autres mots semblables, relatifs aux valeurs monétaires ou bien indiquant le nom du monnayeur. Les deux lettres XP réunies sur les monnaies grecques ne sont donc pas le monogramme du Christ, comme on l’a avancé à tort. Voir Madden, History of fewish Coinage, in-4o, Londres, 1864, p. 83-87 ; cf. Eckhel, Doctrina nummorum, t. viii, p. 89 ; F. X. Kraus, Real-Encyklopàdie der christlichen Altertliumer, t. ii, 1886, p. 224-225. — Les Romains et d’autres peuples anciens eurent naturellement l’idée de se servir de la potence ou de la croix comme instrument de supplice, sans y attacher aucune valeur symbolique et sans rien emprunter aux idées mythiques ou astronomiques des Hindous, des Égyptiens ou des Grecs. L'Écriture ne nous indique d’autre signe typique du crucifiement que le serpent d’airain. Num., xxi, 8-9. « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, dit Notre -Seigneur en saint Jean, iii, 14, ainsi devra être élevé le Fils de l’homme » sur la croix.

III. Le supplice de la croix chez les Hébreux. — Le supplice de la croix proprement dite était inconnu aux anciens Hébreux, qui avaient pour peine capitale la lapidaiion ; mais depuis les temps de la République il était usité à Rome, où on l’appliquait spécialement aux esclaves ; c’est pourquoi Cicéron, In Ve>~r., v, 66, 169, l’appelle servitutis extremum surnmumque supplicium. Lorsque la Palestine eut été soumise à la domination romaine, le supplice de la croix y devint commun pour ceux qui n’avaient pas le titre de citoyen romain, mais il fut toujours réservé aux voleurs et aux malfaiteurs. Josèphe, Ant.jud., XX, vi, 2 ; Bell, jud., II, su, 6 ; xiv, 9 ; Y xi, 1.

IV. La croix du Sauveur. — Elle avait la forme qu’on lui donne communément et était constituée par un montant avec une traverse qui laissait dépasser la tête de la tige. C’est ce qui résulte de l’expression de saint Matthieu, xxvii, 37, disant que le titre de la croix fut placé Ina-ii », « au-dessus » de la tête du Sauveur (cf. Luc, xxiii, 38 ; Joa., xix, 19), ce qui ne pouvait se faire qu’autant que le sommet de la croix s'élevait au-dessus des bras. Les plus anciens Pères qui ont décrit l’instrument de la passion du Sauveur lui attribuent expressément la forme de la crux immissa. Saint Irénée, Adv. hser., ii, 24, 4, t. vii, col. 794-795, dit qu’elle avait quatre extrémités, deux en longueur et deux en largeur. Saint Augustin parle de même, Enarr. in Ps. ciii, serm. i, 14. t. xxxvii, col. 1348. (Voir d’autres passages cités par Zdckler, Das Kreuz, 1875, p. 430-431.) Saint Irénée ajoute que la croix avait une cinquième extrémité ou saillie sur laquelle était assis le crucifié. Saint Justin, Dial. cum Tryph., 91, col. 693, lui donne le nom de corne et la compare à la corne des rhinocéros. Tertullien l’appelle sedilis excessus. Ad Nat., i, 12, t. i, col. 578. Cette espèce de siège ou chevalet (equuleus) avait pour but d’empêcher le poids du corps de déchirer complètement les mains clouées aux bras de la croix et d’aider le patient à se soutenir. La sedile n’a jamais été reproduite sur les représentations figurées du Sauveur crucifié. On met, au contraire, souvent sous ses pieds, pour remplir un office analogue, un ûnoTtdSiov, suppedaneum, mais l’existence de ce support est très douteuse ; il n’est nulle part mentionné avant Grégoire de Tours, qui le décrit dans son De gloria martyrum, 6, t. lxxi, col. 711. Les deux larrons durent êire crucifiés sur des croix semblables à celle du Sauveur ; on les représente généralement moins hautes. Voir saint Jean Chrysostome, In I Cor., i, 26, hom. r, 5, t. lxi, col. 45. — Une tradition ancienne, mais contestable, attribue au montant de la croix de Notre-Seigneur une longueur de quatre mètres quatre-vingts et à la traverse une longueur de deux mètres trente à deux mètres soixante. De l’examen des diverses reliques conservées en différents lieux, il résulte « que le bois de la croix provenait d’un conifère, et on ne peut douter que ce conifère ne soit du pin. » Ch. Rohault de Fleury, Mémoire sur les instruments de la Passion, in-4o, Paris, 1870, p. 63. Pour le crucifiement, voir Passion ; pour le titre de la croix, voir Titre de la croix. — L’invention de la sainte Croix est vulgairement attribuée à la mère de l’empereur Constantin, sainte Hélène, qui, dit-on, la retrouva à Jérusalem même, près du Calvaire. Les critiques modernes traitent cette tradition de légende et en nient la réalité historique. Ils s’appuient principalement sur le silence de l’historien Eusèbe qui, ayant raconté tout ce qu’avait fait dans la ville sainte la pieuse impératrice, ne dit rien de ce point si important. Ce silence est en effet assez difficile à expliquer. Quant aux circonstances merveilleuses qui accompagnent le récit de cette invention dans le livre syriaque intitulé la Doctrine d’Addaï, d’où provient en partie la croyance vulgaire (voir t. i, col. 30), elles sont universellement considérées comme apocryphes. Cf. L. Duchesne, Liber Pontificalis, t. i, n° 45, p. cvm. Mais quoi qu’il en soit des détails, le témoignage de saint Cyrille de Jérusalem qui vivait à la même époque qu’Eusèbe de Césarée, est formel pour affirmer que la vraie Croix fut retrouvée à Jérusalem à l'époque de Constantin ; c’est ce qu’il écrit à l’empereur Constance. Patr. gr., t. xxxiii, col. 52, 1167 ; cf. col. 686-687. Il est vrai qu’on conteste l’authenticité de la lettre de saint Cyrille, mais sans le prouver. Saint Ambroise, De obit. Theod., 45-48, t. xVi, col. 1401 ; Rufin, H. E., i, 8, t. xxi, col. 476, etc., confirment le fait de l’invention. Sainte Sylvie d’Aquitaine, Peregrinatio ad loca sancla, 2e édit. Gamurrini, in-4°, Rome, 1888, p. 76 (cꝟ. 63-66), assure qu’on célébrait de son temps sur le Calvaire l’anniversaire de l’Invention de