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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/589

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CROIX


la sainte Croix, — Les reliques de la vraie croix sont disséminées aujourd’hui dans le monde entier. Baronius, Annales eccles., ann. 336, L, Lucques, 1739, t. iv, p. 178. La basilique de Sainte -Croix-de -Jérusalem à Rome et l'église Notre-Dame de Paris (fig. 411) en possèdent des fragments relativement considérables. Voir Rohault de Fleury, Mémoire ; p. 45-163 ; Gosselin, Notice historique sur la sainte couronne et les autres instruments de la passion de Notre-Dame de Paris, in-8°, Paris, 1828 ; Sauvage, Documents sur des reliques de la vraie croix, in-8°, Rouen, 1893.

V. La croix dans le sens métaphorique. — L’instrument de la passion de Notre -Seigneur est devenu dans le langage chrétien et déjà dans le Nouveau Testament lui-même le symbole de la vertu chrétienne par excellence, la mortification qui consiste à dompter ses passions et à souffrir pour l’amour de Jésus-Christ, en union avec lui. Matth., x, 38 ; xvi, 24 ; Marc, viii, 34 ; Luc, ix, 23 ; xiv, 27 ; Gal., ii, 19 ; vi, 12. Cf. Gal., v, 24 ; vi, 14. Dans les Épîtres de saint Paul, le mot croix est synonyme de la passion, Ephes., Il, 16 ; Hebr., xii, 2, et aussi de l'Évangile et de la religion elle-même. I Cor., i, 18 ; Phil., iii, 18. — Le signe de la croix fut bientôt la marque du chrétien lui-même. « Le signe du Dieu vivant » dont parle l’Apocalypse, vii, 2, est vraisemblablement le signe de la croix. Ézéchiel, IX, 4, avait reçu de Dieu l’ordre de marquer sur le front de ses serviteurs fidèles la lettre thav, qui, dans l’ancienne écriture hébraïque, ressemblait

par sa forme à la croix imrnissa, I " ( voir 1. 1, col. 407) ;

ce signe est devenu le signe du chrétien : Frontem crucis signaculo terimus, dit Tertullien, De Cor. mil., 3, t, ii, col. 80.

VI. La croix dans le culte et dans l’art chrétien. — La croix fut vénérée par les premiers fidèles, quoiqu’ils ne la figurassent point sur leurs monuments ; il suffit, pour le prouver, de rappeler le mot de Tertullien, qui dès le commencement du m » siècle appelle les chrétiens religiosi crucis. Apol., xvi, t. i, col. 365-366. La difficulté d’exposer comme objet du culte un instrument qui servait au supplice des malfaiteurs explique suffisamment l’absence dé la croix sur les plus anciens monuments chrétiens. Pendant les trois premiers siècles de persécution, nous trouvons seulement quelques signes qui font allusion à la croix d’une manière voilée. Un des plus anciens est sans doute l’ancre, qui sous ses diverses

formes, |, T, représente en même temps et la croix

et l’espérance fondée sur ce signe du salut. L’ancre se retrouve dans les parties les plus anciennes des catacombes romaines, gravée sur les pierres sépulcrales ou peinte sur les couvercles de monuments qu’on peut faire remonter jusqu’au I er siècle. Le trident, qui a quelque ressemblance avec la croix, quoique un peu moins ancien, fut aussi employé symboliquement au même usage dans les trois premiers siècles. Il en fut de même de la lettre grecque tau, T, que Clément d’Alexandrie, Strom., VI, 11, t. ix, col. Ï05, au me siècle, appelle toO r.upiay.ou <rriu.ecov tjitov, « le symbole du Seigneur. » Cf. S. Augustin, Tract, cxvin in Joa., t. xxxv, col. 1950 ; J. B. de Rossi, Bulletino di archeologia christiana, 1863, p. 35 ; Id., De titulis Carthaginiensibus, dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. iv, p. 503. — On symbolisa aussi la croix par le monogramme du Christ. La forme la plus ancienne est celle du seul X initial du nom sacré Xpi <rto « ou bien du N£, formé des deux lettres Ifriaovi ?]

XfpiOTo ; ]. On rencontre ces deux formes sur les monuments funéraires de l'époque des persécutions, et aussi

la forme SS, appelée decussata, quoiqu’on l’ait contesté. Voir Marucchi, Di una pregevole ed inedita iscri zione cristiana, dans les Studi in Italia, année vi, t. ii,

1883. Le monogramme y ? fut représenté sur le laba rum de Constantin, ce qui en rendit l’usage fréquent. La conversion des empereurs à la vraie foi fit disparaître le supplice de la croix. Constantin l’abolit. Sozomène, H. E., 1, 8, t. lxvii, col. 881 ; Codex Theod., ix, 5, 18. Vers la fin du ive siècle, le monogramme du Christ se transforme

en — t—, signe qui se rapproche davantage de la véritable

forme de la croix. Enfin, au commencement du » siècle apparaît la croix proprement dite, au moment où le triomphe du christianisme sur l’idolâtrie est devenu complet. Seulement elle est encore seule, sans l’image de la divine Victime, et on l’orne de palmes et de pierres

Croix peinte du baptistère de Pontien. D’après Bottart, Roma sotterranea, pi. xliv.

précieuses, comme dans le cimetière de Pontien, à Rome (fig. 412) : c’est la croix gemmée ou fleurie. — Le divin Crucifié apparaît pour la première fois sur l’instrument de son supplice, mais caricaturé par un soldat païen au commencement du me siècle, dans un graffito du Palatin, conservé aujourd’hui au musée Kircher, à Rome. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 99-102. Les deux plus anciens monuments chrétiens sur lesquels on voit Jésus-Christ attaché à la croix sont du Ve siècle. L’un est une sculpture sur bois des portes de Sainte -Sabine, à Rome, et l’autre un ivoire conservé au British Muséum, à Londres (fig. 413). Il n’a pas d’autre vêtement qu’une ceinture. Cf. S. Grégoire de Tours, De glor. martyr., i, 23, t. lxxi, col. 724-725. Il est à remarquer qu’il est représenté encore vivant, les yeux ouverts et sans aucune marque de souffrance physique. Voir Berthier, La porte de Sainte-Sabine à Rome, in-8°, Fribourg (Suisse), 1892 ; Grisai*, Kreuz und Kreuzigung auf der altkristlichen Thûre, von S. Sabina in Rom, in-8°, Rome, 1894. Cf. E. Dobbert, Zur Entstehungsgeschichle des Crucifixes, dans la Jahrbuch der preussischen Kunstsammlungen, t. i, Heft I, 1880, p. 41-50 ; R. Forrer et G. A. Mûller, Kreuz und Kreuzigung Christi in ihrer Kunstentwicklung, in-f », Strasbourg, 1894, pi. ii, fig. 13 ;