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CYRINUS


viarium imperii que l’empereur le fît en effet. Le texte du Breviarium est perdu, mais nous savons par Tacite, Annal., i, 11, qu’il contenait « l’énumération du nombre des citoyens et des alliés, en armes ; celle des vaisseaux, des royaumes et des provinces, et le chiffre des tributs et des impôts ». Les mêmes renseignements nous sont fournis par Suétone, August., 101, et Dion Cassius, lxvi, 33. Tout cela ne pouvait être connu qu’au moyen d’un recensement. Nous savons du reste, positivement, que cette opération considérable avait été déjà commencée par Jules César. Voir Die Schriften der rômischen Feldmesser, édit. Lachmann, t. i, p. 239. Pline, H. N., vi, 14, nous dit qu’Auguste envoya en Orient un habile géographe, appelé Denys, pour faire de tout ce qui concernait ce pays une description exacte. L’inscription de Lyon (Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, in-f°, Lyon, p. 135) atteste que le recensement se fit au moins dans les Gaules. Pour la Palestine, Josèphe, Ant. jud., XVII, ii, 4, fait allusion à un recensement exécuté sous Hérode. Enfin les recherches de J.-B. de Rossi, Plante iconografichee prospettiche di Roma, Rome, 1879, p. 25, ont établi qu’Auguste, outre le recensement des citoyens romains, avait aussi fait dresser des plans topographiques et des cartes de tout le monde romain, dont le résultat fut le célèbre orbis pictus, placé sous les portiques de Polla, au Champ de Mars. Les opérations de mesurage qu’avait demandées ce grand travail avaient été à peu près achevées en l’an 747 de Rome, c’est-à-dire vers l’époque de la naissance de Notre-Seigneur. Tout cela rend de plus en plus admissible le fait qu’à cette époque se terminèrent les autres opérations accessoires des mesures et du dénombrement des habitants, même dans les royaumes voisins des provinces romaines, dont on préparait ainsi lentement l’annexion à Yorbis romanus. Si nous considérons maintenant que ce fut en 746, d’après le monument d’Àncyre, qui contient le testament d’Auguste, qu’eut lieu le second recensement des citoyens romains, on en conclura aisément que ce second recensement fut en quelque sorte un épisode particulier de l’opération plus générale qui était déjà commencée, qui atteignit son point culminant à Rome, en 747, mais dut se prolonger quelque temps encore dans les provinces.

En résumé, quoique aucun écrivain profane ne parle explicitement du recensement général de l’empire, qui se continuait encore lorsque Jésus-Christ vint au monde, ce fait, attesté par saint Luc, mérite la créance qui est due à un historien contemporain, d’autant plus qu’il est confirmé par un grand nombre d’indices partiels dont l’ensemble est on ne peut plus frappant.

III. Par qui fut fait le recensement a l’époque de la naissance DE NotreSeigneur. — « Ce premier recensement, dit saint Luc, II, 2, fut fait pendant que Cyrinus gouvernait la Syrie. » On a prétendu que cela n’était pas possible, parce que le recensement fait par lui avait eu lieu, non l’année de la naissance de Jésus-Christ, mais au moins une dizaine d’années plus tard, en 759 (voir plus haut, col. 1187). On peut remarquer que ce recensement de 759 eut lieu pendant la seconde légation de Quirinius, qui avait été deux fois légat, d’après l’inscription de Tivoli (voir col. 1187) ; mais néanmoins la difficulté n’est pas ainsi complètement résolue. D’après les calculs de Mommsen, Res gestsR Augusti, 2e édit., p. 163-166, la première légation de Quirinius n’eut lieu qu’après la mort d’Hérode et ne put commencer avant 751, tout au plus à la fin de 750, par conséquent postérieurement à la naissance de Jésus-Christ, qui était venu au monde pendant la vie d’Hérode. Le gouverneur de Syrie à l’époque de la naissance du Sauveur devait donc être Quintilius Varus, si le Sauveur est né en 748, ou Sentius Saturninus, s’il est né en 747. Tertullien dit que c’est ce dernier qui fit le dénombrement. Adv. Marcion., iv, 19, t. ii, col. 405.

Pour concilier ces faits avec le récit de saint Luc, on a imaginé divers systèmes. 1° C’est à l’aide d’une monnaie d’Antioche, frappée en 750, et qui porte le nom de Varus (fig. 456), qu’on établit que ce personnage était encore gouverneur de Syrie en 750. On a contesté la conclusion en disant que les habitants d’Antioche avaient pu continuer à frapper des monnaies à son nom après son remplacement par Quirinius ; mais cette explication est d’autant moins admissible, qu’elle est en contradiction avec le témoignage de Josèphe, Ant. jud., xvii, v, 2.

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456. — Monnaie de Varas

frappée à Antioche sous Auguste, en 1750. Tête laurée de Jupiter, ù droite. - iil. ANTIOXEÛN | ELU | OYAPOY. La ville d’Antioche, voilée et tourrclée, assise sur un rocher, tournée à droite, et tenant une palme ; a ses pieds, un Fleuve vu à ml-corps. Dans le champ, — K.

— 2° Plusieurs ont voulu traduire la phrase de saint Luc : Autï] r) àTToypaçTi Trpw-rï] ÈyevSTO r)yefjiov£U0VTû ; t^ç Suptaç Kup^vÊou, par : « Ce dénombrement fut fait avant que Cyrinus fût légat de Syrie, » en donnant à mptÛTï) le sens du comparatif. Cette explication est forcée et ne rend pas compte de la présence du nom de Cyrinus dans la phrase. Si le dénombrement avait été fait sous le gouvernement magistral d’un autre que Cyrinus, c’est cet autre qu’aurait dû nommer l’Évangéliste. — 3° D’autres disent que l’opération du recensement dura plusieurs années, qu’elle se continua sous plusieurs légats et qu’elle se termina seulement sous Quirinius, dont elle reçut par suite le nom. Cette opinion semble forcer le sens de l’expression : « pendant que Cyrinus gouvernait la Syrie. » — 4° Une autre explication consiste à admettre que le recensement fut fait par Quirinius à l’époque où eut lieu la guerre contre les Homonades, en Cilicie. Cette guerre est postérieure à l’an 742, date du consulat de Quirinius, mais de peu d’années, mox, dit Tacite, Annal., iii, 48. En la plaçant vers 747, elle coïncide avec l’époque probable de la naissance de Notre -Seigneur. Mommsen la retarde jusqu’en 751, pour la faire coïncider avec la première légation de Quirinius en Syrie ; mais ses talents militaires purent être cause qu’on lui confia la direction de cette campagne à une époque antérieure à celle de sa légation, quoique la province eût alors un légat différent. Le besoin de savoir de quelles ressources il lui était possible de disposer serait une explication suffisante du recensement exécuté en cette circonstance. Le passage de saint Luc, n, 2, signifie d’après cette interprétation : « Ce premier dénombrement (par allusion au second dont il est question dans les Actes, v, 37) eut lieu pendant que Cyrinus exerçait son autorité ou son commandement en Syrie. »

— En résumé, on peut choisir l’explication qu’on voudra, mais ce qu’on ne peut admettre, c’est qu’un écrivain contemporain et aussi bien renseigné que saint Luc ait pu se tromper à propos d’un fait de ce genre.

Voir H. Noris, Cenotaphia pisana, diss. ii, c. xvi, in-f°, Venise, 1761, p. 320-321 ; H. Sandemente, De vulgaris serse emendatione, in-f°, Rome, 1793, p. 413-438 ; Ideler, Handbuch der matheniatischen und technischen Chronologie, in-8°, Berlin, 1826, t. ii, p. 395 ; M. Lutteroth, Le recensement de Quirinus en Judée, in-8°, Paris, 1865 ; E. Desjardins, Le recensement de Quirinius, dans la Revue des questions historiques, janvier 1867, p. 45-48 ; Fr. Patrizi, Délia descrizione universale mentovata da