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    1. ISAIE##

ISAIE (LE LIVRE D’)'

E. — Prophéties sur là ruine de Vldumée, xxxivxxxv. — Ces oracles sont aussi connus des prophètes postérieurs, comme on peut le constater par, 1e tableau suivant :

IsaTe. Jérémie. Isaïe. Ézéchiel.

xxxiv, 5-8. xli, 10. xxxiv 3… xxxii, 5, 6.

lbid., 6… xxv, 31 ; li, 40. Ibid., 6-7. xxxix, 17-19.

lbid :, 2… JMd., 33, 34.

Ibid., 7… l, 27. Sophonie.

lbid., 1Z. Ibid., 39. 761d., 6, H. I, 7-8 ; ii, 14.

Ibid., 16. li, 60-62,

Enchaînement.

Les chapitres dont on conteste

l’authenticité s’enchaînent avec ceux qui les précèdent, de telle façon que, si on les sépare, et les uns et les autres deviennent inintelligibles. C’est un tout qui se tient et se suit, et dont les parties ne peuvent ni être détachées ni exister séparément. On n’a qu’à lire attentivement la première partie d’Isaïe, sans préjugé et sans idée préconçue, pour se convaincre de ce fait. Qu’il nous suffise d’en donner un seul exemple : assez souvent le sujet de ces chapitres contestés dépend des précédents et y revient. Cf. xxiv, 13, et xvii, 5-6 ; xxiv, 16, et xxi, 2 ; xxvii, 9, et xvii, v ; xxvii, 2 et v, 7.

Identité de style et d’idées.

Ces prophéties, par

le style, les idées, les métaphores et les sentiments, se rapprochent beaucoup des oracles, regardés comme authentiques par tout le monde. On voit que l’auteur est pénétré des mêmes idées, qu’il se sert assez souvent des mêmes images et des mêmes comparaisons, et qu’il emploie parfois les mêmes expressions ; cf. Herbst-Welte, Hist. krit. Einleitung, t. ii, p. 9, 33 ; Scholz, Einleitung, 8, iii, p. 313-380 ; Horne, An introduction, t. ii, p. 814 ; Himpel, dans la Tûbing. theolog. Quartalschrift, 1878, p. 477, 491 ; Knabenbauer, In Is., 1. 1, p. 17, 18.

3. Objections des adversaires.

1° Objection philosophique. — Ces oracles, dit-on, prédisent l’avenir d’une - manière étonnante ; il est donc impossible qu’ils soient d’Isaïe : ce sont des vaticinia po’st eventùm : « Une prophétie où Cyrus est nommé par son nom, Is., xliv, 28 ; xlv, 1 ; une autre où les Mèdes et les Perses sont appelés pour la destruction de Babylone, qui a traité Israël sans humanité, Is., xiii, 1-xiv, 23, dit M. Nôldeke, ne çont pas naturellement l’œuvre d’Isaïe, qui ne pouvait connaître d’avance ni l’exil du peuple à Babylone, ni la délivrance de cet exil par Cyrus, roi des Mèdes et des Perses. » Noldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. Derenbourg et Soury, 1873, p. 312 ; cf. aussi Bleek-Kamphausen, Einleitung, § 201. — Réponse.

— Cette objection repose sur un principe philosophique faux, à savoir : l’impossibilité de prédire l’avenir ; on conclut de là qu’il ne peut pas y avoir des vaticinia ante eventum. Ce principe est faux en lui-même, puisque Dieu est assez puissant pour prévoir et manifester l’avenir ; il est aussi anti-critique, car ce genre de questions : possibilité ou impossibilité de la prophétie, n’est pas du domaine de la critique ni même de l’exégèse. — Au surplus, ce principe conduirait logiquement à rejeter toutes les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Objection littéraire.

On prétend que ces’oracles

ne sont ni dans le style ni dans le ton d’Isaïe. L’examen a porté surtout sur les chapitres xxiv-xxvii. Les principaux traits qu’on a relevés sont les suivants : a) d’après Isaïe les forces assyriennes sont détruites sur les montagnes de Juda, xiv, 25 ; ici au contraire, c’est toute la terre qui est bouleversée, xxiv, 1-12, 17-20 ; — 6) Isaïe parle toujours de « l’armée » ou du « roi » des Assyriens : ici au contraire le pouvoir oppresseur est une « grande ville », xxv, 2-3 ; xxvi, 5 ; — c) d’après Isaïe, le reste, qui échappera à la dévastation, et sera sauvé, appartient à Juda ou Jérusalem, iv, 3 ; xxxvii, 32 ; ici, au contraire,

les sauvés appartiennent aux régions les plus éloignées de la terre, xxiv, 14r-16 ; — d) le style est absolument différent de celui d’Isaïe ; il est moins naturel ; ainsi par exemple : combinaison de synonymes, souvent sans aucun lien, àtrjvSeTwi ;, xxiv, 3 ; répétition d’un mot, xxiv, 16 ; xxv, l b ; xxvi, 3, 5, 15 ; xxvii, 5 ; nombreuses allitérations et jeux de mots, xxiv, 1, 3, 4, 6, 16, 17, 18, 19 ; xxv, 6, 10 b ; xxvi, 3 ; xxvii, 7 ; tendance au rythme, xxiv, 1, 8, 16 ; xxv, 1, 6, 7 ; xxvi, 2, 13, 20, 21 ; xxvii, 3, 5 ; traits inconnus à Isaïe, xxiv, 16, 21, 22 ; xxv, 6 ; xxvi, 18-19 (la résurrection) ; xxvii, 1 (le symbolisme de l’animal) ; réflexion de xxvi, 7-10. Driver, Introduction, p. 220 ; T. K. Cheyne, Introduction to the book of Isaiah, p. 147. — Réponse. — a) Nous ne nions pas que ces chapitres ne présentent certaines particularités dans leur caractère littéraire ; mais ces différences et ces particularités s’expliquent très bien par la différence du sujet et des circonstances ; si l’on examinait attentivement, on trouverait des différences et des particularités de cette nature même dans les prophéties que la critique regarde comme authentiques. Pour qu’un auteur parle ou écrive différemment, il suffit qu’il ait à exprimer dés idées différentes ou qu’il se trouve dans des circonstances diverses ; — b) si ces prophéties présentent quelques dissemblances littéraires avec les autres, elles présentent aussi de nombreux points de contactetde nombreuses ressemblances ; par exemple : mize’âr, « petit, » xxiv, 6, et x, 25 ; zaît, « olive, » et’ôlêlôt, <n rameaux, » xxiv, 13, et xvii, 6 ; ’ôy, « malheur, » et jeu de mots sur bâgad, « prévariquer, » xxiv, 16 b, et xxxiii, 1 ; melûndh, « hutte, » xxiv, 20, et î, 8 ; mapèlâh, « chute, » xxv, 2, et xvii, 1 ; dâl, « mince, s et’ébeyôn, « pierre, » xxv, 4, et xi, 4 (seulement pour dâl) ; xiv, 30 ; fâyôn, « lieu aride, » xxv, 5, et xxxii, 2 ; Sàmir, « ronce, » et sait, « épine, » xxvii, 4, et ix, 17 ; makêhû, « plaie, frappant, » xxvii, 7, et x, 20 ; hammdnîm, « statues, » xxvii, 9, et xvii, 8 ; xxvii, ll b, et xvii, 7, 8, et xxii, Il b, mêmes pensées ; xxvii, 13, et xi, 11, grande dispersion.

/II. AUTBENTICITÉ DE LA SECONDE PARTIE, XL-LXVI.

— L’authenticité de la seconde partie d’Isaïe a été niée avec plus d’ensemble et moins d’hésitation par l’école critique. C’est presque un dogme pour l’école rationaliste que cette partie n’est pas d’Isaïe ; on s’accorde à la regarder comme postérieure à l’exil de Babylone. Doderlein, en 1775, fut le premier à nier ouvertement l’authenticité des chapitres xl-lxvi. Koppe, Ewald, Bertholdt, Hitzig, Knobel, Seinecke, Beck et Orelli, pour ne nommer que les principaux, marchèrent dans la même voie. Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 13 ; Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. v, « p. 107-125 ; Trochon, Isaïe, p. 7. Nous ne pouvons pas suivre toutes les oscillations de la critique. Qu’il nous suffise d’exposer l’état actuel.

État actuel de la critique.

Tous les critiques rationalistes

s’accordent pour affirmer qu’Isaïe n’est pas l’auteur de ces chapitres. Mais quel en est l’auteur et à quelle époque ont-ils été écrits ? C’est ici que l’on ne s’entend plus. Dillmann suppose que les chapitres xl-xlviii ont été écrits au milieu des succès de Cyrus, vers l’an 545avant J.-C, les chapitres lvi-lxii entre 545 et 539538 ; les chapitres lxiii-lxvi ne seraient qu’un appendice, , traitant de questions qui s’élevèrent lorsque le rétour en. Palestine était imminent, et ajouté au reste des chapitres vers l’époque de l’édit de Cyrus ; le chapitre lxvi lui-même aurait été retouché par une autre main, notamment en ce qui concerne les ꝟ. 18-24 ; 5e édit. refondue du Commentaire de Knobel, 1890, p. 363, 364, 534. D’autres critiques n’ont pas voulu admettre ces conclusions. — On croit généralement que lvi, 9-lvh, 11°, et lix, 3-15, qui rappellent assez fidèlement les descriptions faites par Jérémie et Ézéchiel de la condition de Juda sous les derniers rois, ont été écrits à l’époque de : Jérémie ; l’auteur de xl-lxvi, trouvant qu’ils contenaient