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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/557

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JACOB


été parlé plus haut, en faisant suivre son récit de l’ordre que Dieu lui avait donné de quitter ce pays pour revenir à celui de son père. Il n’eut pas de peine à décider les deux filles de Laban, l’égoisme de leur père les avait déjà assez détachées de lui. Le départ eut lieu aussitôt, car. il fallait profiter de l’absence de Laban qui était allé tondre ses brebis. Gen., xxxi, 1-12. — Jacob put admirer alors comment Dieu avait tenu ses promesses de Béthel et combien il avait « béni ses travaux et rendu fructueux son labeur, en l’assistant contre les pièges qu’on lui avait tendus ». Sap., x, 10, 11. Lui qui était arrivé, vingt ans auparavant, n’ayant pour tout bien que son bâton, Gen., xxxii, 10, et qui n’avait demandé au Seigneur que le pain et le vêtement, xxviii, 20, il se voyait maintenant le père de douze enfants et le maître de nombreux serviteurs et servantes et d’un nombre incalculable de brebis, de chèvres, d’ânes et de chameaux. Gen., xxx, 43 ; cf. xxxii, 5 ; 13-15. C’est avec cette belle et riche caravane qu’il repassa l’Euphrate en se dirigeant vers la région que l’Écriture appelle par anticipation la montagne de Galaad. Gen., xxxi, 21.

III. Retour de Mésopotamie en Chanaan.

Laban n’apprit l’exode de Jacob que le troisième jour qui suivit. Cf. Gen., xxx, 36. Il réunit immédiatement ses frères, c’est-à-dire sans doute plusieurs de ses parents, et se mit à sa poursuite pendant sept jours jusqu’à ce qu’il l’eût rejoint au mont Galaad. Gen., xxxi, 22-23. Ce nombre sept a été substitué par quelque copiste, ou bien il faut supposer que, entre.la nouvelle de la fuite de Jacob et le départ de Laban, il s’est écoulé un certain temps nécessaire pour avertir les parents habitant divers lieux plus ou moins éloignés et attendre leur arrivée. Autrement on devrait admettre que Jacob a pu faire franchir en dix jours à des troupeaux de brebis une distance de près de 650 kilomètres, c’est-à-dire, en moyenne, plus de quinze lieues par jour. Cf. Gen., xxxiii, 13-14. Voir Hummelauer, Comment, in Gen., 1895, p. 493, et F. Vigouroux, La sainte Bible polyglotte, Paris, 1898, t. i, p. 163. Dieu, qui connaissait les mauvaises dispositions de cet homme, « vint à lui pendant la nuit » et lui défendit de parler durement à Jacob. Gen., xxxi, 24, 29. Aussi se contenta-t-il de se plaindre à son neveu qu’il lui eût caché son dessein et l’eût privé du plaisir d’embrasser ses filles et ses petits-enfants. Il lui reprocha ensuite de lui avoir dérobé ses dieux. On ne sait ce qui est désigné ici par ce mot remplacé, aux versets 19 et 34, par celui d’idoles, et qui traduit l’hébreu (erâfîm. On croit assez communément que c’étaient des objets superstitieux, des amulettes auxquelles on attribuait quelque vertu magique. Voir Theraphim. Rachel avait en effet emporté les (erâfîm de son père, Gen., xxx, 19 ; mais Jacob qui l’ignorait, et se croyait sûr de tous les siens comme de lui-même, invita son oncle à entrer dans toutes les tentes pour chercher à y découvrir ses idoles, dévouant d’avance à la mort le coupable s’il y en avait un. Mais ce coupab. trouva le moyen de déjouer ces recherches ; une ruse de Rachel les rendit infructueuses. Jacob alors, ne voyant sans doute dans l’accusation de Laban qu’une dernière injustice à son endroit, donna un libre cours à son indignation ; il retraça en termes véhéments le tableau des services qu’il avait rendus pendant vingt ans au frère de sa mère et des duretés et des injustices qu’il avait dû subir en retour. Laban n’avait rien à répondre, et d’autre part Dieu lui avait défendu de maltraiter Jacob, même en paroles ; il ne lui restait plus qu’à se retirer. Il voulut toutefois s’assurer contre tout retour offensif de son gendre. Il lui proposa donc un traité d’alliance. Jacob prit une pierre et l’érigea en monument ; puis, sur son ordre, les siens rassemblèrent des pierres et l’on mangea sur ce monceau, que Laban appela d’un nom chaldéen Yegar-Sâhadu (à’, tandis que Jacob le nomme en hébreu Gal’êd, « Monceau du témoignage. » Voir Galaad 4, col. 45.

Ils s’engagèrent l’un et l’autre par serment à considérer ce tumulus comme une barrière qu’aucun des’deux ne franchirait jamais pour aller attaquer l’autre. On immola ensuite des victimes, on prit un repas en commun et, la nuit suivante, Laban repartit pour Haran après avoir embrassé ses filles et ses petits-enfants. Gen., xxxi, 2225. « Jacob aussi s’en alla par le chemin qu’il avait pris, et les anges de Dieu furent à sa rencontre, et les ayant vus, il dit : C’est le camp de Dieu, et il appela ce lieu Mahanaim, camp. » Gen., xxxii, 1-2. Voir Mahakaim.

Sur le point de remettre le pied sur la terre natale, le souvenir d’Ésaù et de ses menaces effraya Jacob. Quelques-uns de ses serviteurs allèrent par son ordre au pajs de Séir, le saluer de sa part, avec recommandation de faire mention des présents qu’il lui destinait. Ésau partit aussitôt à la suite des envoyés pour aller au-devant de son frère, à la tête de quatre cents hommes. Jacob fut épouvanté. Il divisa le bétail et ses gens en deux troupes, séparées par un assez grand intervalle, espérant que si l’une d’elles tombait sous les coups d’Ésaù, il pourrait du moins sauver l’autre. Il adressa ensuite à Dieu une prière où éclataient son humilité et sa reconnaissance. Le matin suivant, il choisit dans les diverses espèces d’animaux qu’il possédait cinq cents tètes (cinq cent cinquante d’après l’hébreu) dont il fit plusieurs troupeaux qui devaient s’avancer à une certaine distance les uns des autres, à la rencontre d’Ésaù. Cette disposition est conforme aux mœurs des Orientaux ; ils veulent faire mieux ressortir par là le prix de ce qu’ils offrent. Voir Aon, t. i, col. 715. Mais elle avait aux yeux de Jacob un avantage plus précieux encore en ce moment, celui d’adoucir peu à peu et comme par degrés l’esprit de son frère. Les serviteurs avaient en effet pour instruction de répondre successivement à Ésau, à mesure qu’ils le rencontreraient 1 un après l’autre : Les bêtes que je conduis sont un présent que votre serviteur Jacob envoie à Ésau son seigneur ; et votre serviteur Jacob vient lui-même vers vous. Gen., xxxiii, 3-21.

Lorsque les présents furent partis, Jacob passa de grand matin le gué de Jaboc avec ses épouses, leurs enfants et tout ce qui lui appartenait, et étant resté seul en arrière, « voilà qu’un homme luttait avec lui jusqu’au matin ; voyant qu’il ne pouvait vaincre [Jacob], il toucha le nerf de sa cuisse (c’est-à-dire un tendon reliant la hanche à l’os du bassin) lequel se dessécha aussitôt. Et il lui dit : Laisse-moi, car déjà monte l’aurore. — Je ne vous laisserai point, si vous ne me bénissez, déclara Jacob. — Quel est donc ton nom ? lui dit-il. — Jacob. — Non, lui répliqua-t-il, ce n’est plus Jacob qu’on te nommera, mais Israël ; et si tu as été fort contre Dieu, combien plus prévaudras-tu contre les hommes ! » Voir Israël 1, col. 995. Jacob demanda à son adversaire de se nommer à son tour ; mais celui-ci refusa et le bénit. Et Jacob appela ce lieu Phanuel. Cependant le soleil se leva et Jacob se remit à marcher, mais il boitait de sa hanche (hébreu et Septante). De là vient que ses descendants ne mangent point de ce nerf que l’ange avait paralysé dans la hanche de leur père Jacob. Gen., xxxii, 24-32. Cette lutte ne fut pas imaginaire, car elle n’eut pas lieu en songe ; Jacob était éveillé et sur pied, il venait de faire traverser le gué de Jaboc à sa caravane ; d’ailleurs la claudication qui lui resta suffirait à montrer qu’il y avait eu une lutte réelle avec cet être mystérieux qu’Osée, xii, 3-4, appelle un ange, et sans doute c’en était un. Dieu, en limitant les forces de cet esprit céleste pour laisser la victoire à Jacob, réconforta une dernière fois son serviteur.

Les dispositions prises par Jacob en vue de l’arrivée d’Ésaù trahissent cependant encore quelque appréhension : il plaça en arrière ceux des siens qui lui étaient les plus chers. Quant à lui, , il alla au-devant de son frère en s’inclinant sept fois. Mais Ésaû avait oublié ses anciens griefs, il courût vers Jacob et le tint longtemps