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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/558

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JACOB


embrassé en pleurant. Il ne voulait recevoir aucun de ses présents, se disant assez riche, et il ne les accepta que sur les instances de Jacob. Il lui proposa ensuite de l’accompagner dans son voyage. Mais Jacob lui objecta qu’il était obligé de faire marcher lentement ses troupeaux, aQn de n’en point perdre une partie par la fatigue. Il le pria donc de prendre les devants avec ses hommes, tandis que lui-même le suivrait à petites journées jusqu’à ce qu’il allât le rejoindre à Séir. Gen., xxxiii, 7-15. Nous ne lisons nulle part que Jacob ait effectué ce voyage à cette époque ou plus tard. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour nier qu’il l’ait jamais accompli, encore moins pour affirmer qu’il a menti à son frère en lui faisant cette promesse. Le mot rendu par « jusqu’à ce que » pourrait fort bien d’ailleurs signifier ici « en attendant que » je vienne, sans indication de temps. Saint Augustin pense que Jacob promit sincèrement*, mais qu’il changea ensuite d’avis. Qusest. CVl, inlleplat., t. xxxiv, col. 575.

Après qu’Ésaù se fut éloigné, Jacob se dirigea vers l’occident, du côté du Jourdain, et il vint en un lieu situé près du fleuve. Il y dressa ses tentes, ce qui lui fit donner à ce site le nom de Soccoth. Il y construisit même une maison. Cela permet de supposer qu’il avait l’intention de faire en cet endroit un séjourassez long ; La Bible ne nous donne toutefois aucune indication sur la durée de ce séjour à Soccoth et ne relate aucun fait so rapportant à Jacob qui s’y soit passé. Gen., xxxiii, 1617.

IV. Jacob établi de nouveau en Palestine.

La Genèse semble donner à entendre que Jacob ne demeura pas longtemps sur la rive gauche du Jourdain. « Il passa (d’après la Vugate) à Salem, ville des Sichémites, après qu’il fut revenu de Mésopotamie. » Gen., xxxiii, 18. Mais dans l’hébreu on lit : « Il arriva sain et sauf près de la ville des Sichémites. ï> C’était l’accomplissement du souhait que Jacob avait formé à Béthel, lorsqu’il partait pour la Mésopotamie. Gen., xxviii, 21. Le patriarche prit en quelque sorte possession de la Terre Promise en achetant une partie du champ où il avait planté ses tentes et qu’il paja cent agneaux (hébreu : qesitdh). Voir <Jesitah. Cf. Act., vii, 16. C’est ce champ que Jacob mourant donna à Joseph en sus de sa part. Gen., xlviii, 22 ; cf. Joa., iv, 5, 12. Il érigea aussi en cet endroit un autel et il invoqua le Dieu très fort d’Israël. Gen., xxxiii, 20. Peut-être entendait-il accomplir ainsi le vœu qu’il avait fait au Seigneur après la vision de Béthel ? Gen., xxviii, 22, et c’est ce qui expliquerait pourquoi il resta si longtemps à Sichem sans aller jusqu’à cette localité qui était cependant à si peu de distance.

Mais les desseins de Dieu étaient tout autres. Jacob ne devait pas se fixer en Chanaan, et il avait à remplir ses engagements envers le Seigneur à l’endroit qu’il avait désigné lui-même après avoir entendu les bénédictions fct reçu les promesses divines. Un événement imprévu l’obligea de s’éloigner de Sichem. Le fils du roi enleva Dina et lui fit violence, puis il vint la demander en mariage à Jacob. Soit qu’il ne sût à quoi se résoudre sur le moment et qu’il eût besoin de prendre conseil de « es fils, soit que, selon les usages de l’Orient, cf. Amnon, t. i, col. 501, et Gen., xxxiv, 31, il voulût laisser le soin de régler cette affaire aux frères utérins de Dina, enfants de Lia comme elle, le patriarche différa sa réponse jusqu’à l’arrivée de ces derniers. Révoltés/ et irrités de l’outrage fait à leur sœur, ils feignirent néanmoins d’agréer cette proposition ; puis, ayant mis, grâce -à une fraude habile, les Sichémites dans l’impuissance de se défendre, Siméon et Lévi, accompagnés sans doute’de leurs serviteurs, les attaquèrent et les massacrèrent ; ensuite les autres enfants de Jacob saccagèrent la ville et enlevèrent tous les biens des habitants avec leurs femmes et leurs enfants. Gen., xxxiv, 1-29. Voir Dina, t. ii, col. 1436, 1437, et Goêl, col. 262.

Cet acte d’épouvantable vengeance, auquel Jacob ne pouvait s’attendre, l’affligea profondément ; il se plaignit en termes amers à Siméon et à Lévi, qui en étaient les principaux auteurs, de ce qu’ils l’avaient rendu odieux par là aux habitants du pays et l’avaient voué à la mort avec toute sa maison. Gen., xxxiv, 30. Cette crainte, si naturelle en de telles circonstances, est le sentiment qui dut dominer les autres à cette heure et le seul que Jacob exprime ; mais cela ne’prouve point qu’il n’ait pas été touché de ce qu’il y avait d’injustice et de barbarie dans ces représailles, ni même qu’il n’ait pas manifesté sa réprobation, car l’Écriture ne dit pas tout. Les paroles sévères du patriarche sur son lit de mort, de longues années plus tard, et la translation du droit d’aînesse de Ruben à Juda, à l’exclusion de Siméon et de Lévi, témoignent combien cette indignation dut être vive et profonde. Gen., xlix, 5-7,

Dieu vint encore une fois au secours de son serviteur dans cette circonstance critique ; il lui ordonna de partir pour Béthel et d’y ériger un autel. C’était le moyen de le soustraire aux conséquences qu’aurait eues plus tard pour lui la vengeance de ses fils, et, pour le moment, il le protégea dans sa marche en répandant une sorte de terreur mystérieuse dans l’esprit des habitants du pays ; ils n’osèrent pas le poursuivre. Jacob voulut que, avant de partir pour aller remercier le Seigneur à Béthel, chacun des siens se purifiât et prît des habits décents ; il ordonna en même temps de rejeter tous les dieux étrangers, c’est-à-dire les idoles proprement dites ou les objets superstitieux, tels que les amulettes, etc., et particulièrement les ferdjîm de Rachel. Toutes ces choses, emportées de Mésopotamie ou pillées dans le sac de Sichem, furent enterrées sous « le térébinthe derrière la ville de Sichem ». Jacob s’éloigna alors de cette ville et vint à Luza. Il y construisit un autel et imposa une seconde fois à ce lieu le nom de Béthel, ou maison de Dieu, en mémoire de la vision dont Dieu l’avait favorisé lorsqu’il fuyait Ésaû. Gen., xxxv, 1-7 ; cf. xxviii, 12-19. Il eut là une nouvelle vision qui fait comme le pendant de la précédente. Dieu lui apparut, le bénit et lui déclara de nouveau qu’il ne s’appellerait plus Jacob mais Israël. Cf. Gen., xxxii, 23. Il lui réitéra aussi les promesses faites à Abraham et à Isaac relativement à sa glorieuse et innombrable postérité et à la propriété de la terre de Chanaan. Jacob érigea une stèle en mémoire de ce que Dieu venait de lui dire, y répandit des libations et de l’huile et confirma encore à ce lieu le nom de Béthel. Gen., xxxv, 9-15 ; cf. xxviii, 18-22.

De Béthel Jacob se dirigea vers Hébron. Une épreuve douloureuse l’attendait au cours de ce voyage. Lorsqu’il fut arrivé aux environs de Bethléhem, Rachel mit au monde Benjamin, le second de ses fils, et elle mourut dans les douleurs de l’enfantement. Voir Benjamin, 1. 1, col. 1588. Jacob dressa une pierre sur la tombe de cette épouse, objet de tant d’affection, et s’éloigna pour aller fixer sa tente par de la la Tour du troupeau. C’est pendant cette dernière station que Ruben, son fils aîné, se rendit coupable d’inceste avec Bala. Le patriarche ne fit pas éclater son ressentiment en apprenant cet outrage, se réservant de châtier plus tard Ruben, Gen., xlix, 4, en le privant de son droit de primogéniture. Gen., xxxv, 16-22. Jacob arriva enfin à Hébron où Isaac habitait. Trente ans s’étaient écoulés depuis qu’il s’était éloigné de son père, mais il est très probable qu’il était venu le visiter depuis son retour de Mésopotamie, pendant son séjour à Soccoth et à Sichem ; il n’y a en effet que deux journées de marche de Sichem à Hébron. La mort d’Isaac, à l’âge de cent quatre-vingts ans, est rapportée aussitôt après l’arrivée de Jacob, quoiqu’elle n’ait eu lieu, que douze ou treize ans plus tard. L’auteur sacré ajoute qu’Isaac fut enseveli par ses deux fils Ésaû et Jacob. Gen., xxxv, 29.

Hébron devait être naturellement, dans la pensée de