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JACQUES (ÉPITRE DE SAINT)

, « c véritable Israël de Dieu j>, selon Gal., vi, -16. L’Épltre serait donc adressée aux ethno-chrétiens ; cf. V. Soden, dans les Jahrbâcher fur protestantisclie Théologie, 188Ï, p. 177. — Cette opinion n’est pas non plus soutenable :

— 1. La suscription, i, 1, « aux douze tribus » ne supporte pas une telle interprétation ; elle doit être prise dans son sens naturel et obvie, comme dans Act., xxvi, 7. — 2. Le ton et la terminologie de l’Épltre portent des marques juives ; on emploie le mot « synagogue » pour désigner le lieu de réunion des chrétiens, Jac, ii, 2 ; la loi est une autorité suprême, Jac, ii, 8, 10, 12 ; iv, 11 ; l’infidélité est désignée par le terme d’« adultère », Jac, iv, 4 ; l’obligation de s’occuper des orphelins et des veuves, Jac, i, 27, se rapporte naturellement aux prescriptions de la loi mosaïque. — 3. La doctrine est opposée à cette interprétation ; les erreurs réiutées dans l’Épltre paraissent se rapporter en grande partie au formalisme pharisaïque.

3’opinion. — C’est la vraie : l’Épltre s’adresse directement aux Juifs convertis. Cette opinion, vraie dans sa teneur générale, est cependant susceptible de modifications accidentelles : « Néanmoins il (saint Jacques( n’exclut pas les Gentils ; mais à l’exemple de Notre-Seigneur, Malth., xix, 28, et de saint Jean, Apoc, vii, 4, il considère les douze tribus comme la tige d’où le peuple chrétien doit sortir, et la postérité spirituelle d’Abraham se compose à ses yeux de tous les vrais croyants. Rom., iv, 11-12. Ces amis de Dieu, ces citoyens de la sainte Jérusalem sont dispersés en tous lieux et exilés icibas parmi les pécheurs, comme les Juifs l’ont été, au temps de la captivité, dans l’empire de Babylone. » Bacuez, Manuel biblique, 10e édit., t. iv, Paris, 1900, p. 583584. — On peut aussi admettre avec certains auteurs, en s’appuyant sur Act., viii, 1, que la Stadjrooâ embrasse aussi les Juifs de la Palestine dont Jérusalem était le centre. — Cependant on serait mal fondé à restreindre l’Épltre aux Juifs de la Syrie, quoiqu’elle ait été insérée immédiatement dans la Peschito destinée aux chrétiens de langue araméenne, et que Josèphe affirme que la plupart des Juifs de la dispersion se trouvaient en Syrie. Bell, jud., VII, iii, 3.

II. Occasion et but.

1° L’occasion de l’Épltre paraît avoir été les enseignements antichrétiens de certains docteurs simonites ou nicolaites. Ces docteurs que Jacques regarde comme des hommes présomptueux, Jac, m, 1, et qui abondaient en paroles, Jac, iii, 5-18, enseignaient que la foi sans les bonnes œuvres suffit au salut. Il semble même que, pour légitimer leur doctrine, ils s’appuyaient sur certains passages des Épîtres de saint Paul, ce que nous verrons plus loin. Cf. S. Augustin, De grat. et lib. arbit., vii, 18, t. xliv, col. 892. Averti du danger que faisaient courir ces fausses doctrines, saint Jacques écrivit cette Épitre pour çnrayer le mal. Il y était d’autant plus obligé que, en qualité d’évêque de Jérusalem, et juif de naissance et d’éducation, il inspirait la plus grande confiance aux judéochrétiens. — 2° L’objet de l’Épltre répond très bien au but que l’auteur se proposa. On voit en effet qu’il insiste tout particulièrement sur les points qui faisaient l’objet des enseignements des faux docteurs. Sans doute saint Jacques touche plusieurs points de morale : vanité des richesses, i, 9-11 ; ii, 1-7 ; iv, 4, 13-16 ; v, 1-6 ; nécessité de la patience, i, 2-4, 12 ; v, 7-11 ; mais on sent que dans sa pensée ce ne sont là que des objets secondaires. L’objet principal, celui auquel il revient le plus souvent, c’est qu’il est impossible de se sauver sans les bonnes œuvres, ii, 14-26 ; iv, 17 ; qu’il faut veiller sur ses paroles, m, 2-12 ; ne pas faire ostentation de vaine science, ni s’arroger la charge de docteur, iii, 1, 13, 14 ; mais remplir exactement les devoirs de la justice et de la charité, iv, 1, 2, 4, 11 ; v, 1-9, etc. L’objet de l’Épltre est donc une thèse dogmatique.

III. Date. —’Il n’est pas facile de déterminer avec


précision la date de la composition de l’Épltre. Les opinions des exégètes sur ce point sont très diverses ; pour* les uns, elle a été écrite vers 45, peu de temps avant le concile de Jérusalem. Cf. Kitto, Cyclopædia of bibhcal literature, in-8°, Edimbourg, 1870, t. ii, p. 462. Hilgenfeld la place entre 81 et 96, à cause de Jac, ii, 6-7 ; v, 6 ; Davidson, vers l’an 90. D’après Baur, elle fut écrite au 11e siècle, à cause de sa ressemblance avec l’Épltre de Clément de, Rome et le Pasteur d’Hermas. Holtzmann établit l’ordre suivant : Épitre de Clément de Rome, Épitre de Jacques, Pasteur d’Hermas. Pfleiderer la place même après le Pasteur d’Hermas. Cf. Davidson, An introduction to the study of the New Testament, in-8°, 3e édit., Londres, 1894, 1. 1, p. 288 ; Ad. Jùlicher, Einleitung in dos Neue Testament, in-8°, Fribourg et Leipzig, 1894, p. 142, 143. — D’autres exégètes admettent une date plus plausible, et la placent vers l’an 60, quelque temps avant le martyre de saint Jacques et la destruction de Jérusalem ; telle est l’opinion de Michælis, Pearson, Mill, Guericke, Burton, Macknight, Bleek. Cf. Kitto, Cyclopxdia, t. ii, p. 461. C’est le sentiment le plus probable. On ne peut en fixer la date précise avec certitude, mais l’Épltre a dû être écrite entre l’an 60 et l’an 66. 1° Il ne paraît pas possible qu’elle soit antérieure à l’an 60 : car — 1. avant cette date le christianisme ne devait pas avoir atteint le degré de diffusion qu’elle suppose.

— 2. Jac, ii, 2-4, accuse un grand amour pour la distinction des places dans les réunions des fidèles, une certaine ambition pour la prééminence, une sensible déférence pour les riches et de la négligence pour les pauvres. Cela prouve naturellement qu’il s’était glissé dans la communauté chrétienne des abus et même du relâchement. De tels abus eussent été impossibles aux environs de la Pentecôte, alors que les chrétiens étaient dans toute leur ferveur primitive et ne faisaient aucune distinction entre les riches et les pauvres, ni même à l’époque où saint Paul prêchait l’égalité absolue de toutes les conditions devant Dieu. — 3. L’Épltre suppose que saint Paul avait déjà écrit des lettres ; elle dépend, dans une certaine mesure, des Épîtres pauliniennes. Cette dépendance est double : a) quant à V interprétation ; ce que l’auteur dit sur la nécessité des bonnes œuvres, Jac, n, 14, 18, 24-26, paraît motivé par les fausses interprétations données à Rom., iv, 3 ; Gal., iii, 22. Cette fausse interprétation de certains passages de saint Paul laisse supposer que le grand apôtre n’était pas en ce moment en Asie Mineure, autrement on ne se serait pas permis de dénaturer son enseignement ; 6) quant aux idées et aux mots ; cette dépendance est très sensible comme le montre le tableau ci-dessous :

Épitre de saint Jacques. Épîtres de saint Paul.

r, 3 : Oro>fjt.ovï)v xaTspyâÇcxat, Rom., v, 3-4 ; 80xt(j, rç pour

So7.tiJ.iov 80xtu.£ov.

I, 4 : ôXoxXvipoi I Thess., v, 23.

r, 16 : [M| 7cXav3u9s. … I Cor.. vi, 9 ; xv, 33 ; Gal.,

vi, 7.

I, 22 : 7rapa>0YfÇ£<JTat… Col., Il, 4. I, 22, 23 : nouitric Xôyou, Rom., II, 13 ; vi|iou pour

àxpoaTïjt X&yov).ôyou.

1, 26 : vou-ov… tri ; IXeuBspi’a ;. Idée familièreà saintPaul.

il, 8 : vdpiov tsXeïv Rom., ii, 27.

il, 9 : icapaëÔTai Gal., Il, 18.

il, 11 : TCap<x6dcTY] ; vt5p.ou.. Rom., ii, 25, 27. H, 18 : àXX’èpeT Tt ;. … I Cor., xv, 35.

m, 6 ; iv, 1 : tiiÀT] FréquentdansRom.etCor

Rom., VI, 23, 19 ; X ii, 4 ;

I Cor., vi, 15 ; xii, 12 ; e t c. ni, 18 : xapTtôç 81xatoo13v/|ç. Phil., i, 11. IV, 1 : èv toïç fisXe<7t, àvu (TTpaT£UO().évOV, (TTpaTEUO uivuv Rom., vii, 23.

III. - 35