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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/614

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JEAN (ÉVANGILE DE SAINT)


fréquent en saint Luc, ni de êpOpou, mais de îrpwt ou upwfat, ni de xa61<r » c èôtSauxev, ni de juope-jso8at dans . le sens d’« aller » et sans indication d’un but particulier. Les particularités de vocabulaire ne prouvent pas que la section de l’adultère n’est pas de saint Jean. Elles peuvent être des âna ? Xe.y61uvx, et on en trouverait d’aussi caractéristiques dans d’autres pages du quatrième Évangile, dont l’authenticité n’est pas pour cela mise en cause. Sous le rapport de la syntaxe, ajoute-t-on, la liaison continue des phrases par êl est tout à fait sans précédent en saint Jean, dont la plupart des phrases ne sont pas liées les unes aux autres. Si l’Évangéliste emploie ici neuf fois de suite la particule 8é, elle est cependant répétée plusieurs fois et combinée avec tîv, Joa., vi, 10-12 ; xviii, 14-19. Ces différences de langage, dont la force et l’étendue ont été parfois exagérées, ne sont pas assez sérieuses pour prouver certainement un auteur distinct de saint Jean. — Cette conclusion est corroborée par cette considération que le fond du récit garantit sa vérité et son origine apostolique. Les critiques hostiles avouent eux-mêmes que les caractères internes plaident en faveur de l’authenticité. Les objections que Théodore de Bèze, J.-C. D.N. Novum Testamentum, 1642, p. 257, et Wetstein, Novum Test, grmee, t. ii, p. 891, ont tirées du récit, ne sont pas répétées par les critiques plus récents. Du reste, le fait lui-même est, en soi, on ne peut plus vraisemblable, et il s’adapte admirablement avec le caractère sage, miséricordieux, prudent et ferme de Jésus. Enfin, l’épisode prend naturellement sa place dans le contexte, et il ne rompt pas la succession des événements. Qu’il ait eu lieu le dernier jour de la fête des Tabernacles ou le lendemain, peu importe ; il est un incident de la lutte de Jésus avec les pharisiens, justement placé entre Joa., vii, 45, et Joa., vm, 13. La liaison nâXtv oïv, Joa., viii, 12, rattache le récit suivant à Joa., viii, 11, aussi bien qu’à Joa., vii, 52. Ces arguments internes ont une telle valeur que plusieurs critiques modernes, tout en niant l’origine johannique de la section de l’adultère, pensent qu’elle est née dans la sphère des traditions apostoliques et qu’elle a reçu sa forme définitive d’une personne animée du souffle des Apôtres. Hort, The New Test, in the original greek text, Introd., Appendix, p. 87. Les raisons d’exclure saint Jean ne sont pas suffisantes.

Conclusion.

Après l’exposé des éléments du

problème, il faut chercher une solution et déterminer si la sectioD de l’adultère est une portion authentique du quatrième Évangile, ou une addition faite a l’original après sa rédaction primitive et par une autre main que celle de saint Jean. Si c’est une addition, quelle est la provenance du récit et quel est l’auteur de l’interpolation ? Plusieurs critiques pensent qu’elle est un emprunt fait à l’Évangile des Nazaréens. Ils s’appuient sur le témoignage d’Eusèbe, au rapport de qui Papias racontait l’histoire d’une femme accusée de beaucoup de péchés auprès du Seigneur, histoire qui existe dans l’Évangile selon les Hébreux. H. E., iii, 39, t. xx, col. 300. L’identité du récit avec celui de la femme adultère, acceptée par Rufin dans sa traduction de « l’Histoire ecclésiastique » d’Eusèbe, paraît douteuse, puisqu’il s’agit, d’un côté, d’une femme accusée de nombreux péchés et, de l’autre, d’une femme accusée du seul crime d’adultère. Pour expliquer son insertion dans l’Évangile de saint Jean, on ne peut faire que des hypothèses invérifiables. Prétendre qu’elle a été faite dans un texte occidental relativement moderne, et qu’elle a passé, à la fin du ive siècle, d’un texte grec, qui circulait au m « dans une petite sphère, en un plus grandnombrede textes, puis dans les manuscrits latins, pour être de plus en plus répandue au vie siècle, c’est prendre dans un sens trop strict les résultats bruts des anciens documents, et ne pas tenir compte des faits antérieurs, auxquels ils font allusion ou qu’ils supposent. Il faudrait enfin expliquer

les raisons qui, en dehors de l’origine johannique du récit, l’ont fait rédiger, puis introduire dans l’évangile et accepter généralement comme authentique. Les critiques hostiles ne peuvent fournir ces explications. D’ailleurs, une addition, commençant par Joa., vii, 53, est invraisemblable au premier chef. — Tous les faits de la transmission de cette section évangélique, son absence des manuscrits et des versions, son déplacement et la présence des signes qui accompagnent le texte s’expliquent par la suppression d’un fragment dans lequel la miséricorde divine pouvait paraître exagérée. On a compris un peu diversement les raisons de cette suppression. Comme l’affirme saint Augustin, De conjug. adult., ii, 6-7, t. XL, col. 474, des chrétiens, obéissant à une inspiration de prudence excessive, préféraient retrancher de leurs manuscrits un récit qui pouvait paraître plutôt un encouragement au désordre qu’un sujet d’édification morale. Cette disposition dut se rencontrer bien auparavant, et de bonne heure on crut bon de soustraire aux regards de populations païennes, si profondément perverties, une page sublime de miséricorde et de pardon. D’autres critiques soupçonnent que la suppression est due à un préjugé dogmatique. Dès le h » siècle, il y eut des sectaires, les montanistes par exemple, rigoristes outrés, qui se scandalisèrent de la clémence de Jésus et qui appliquèrent à l’Évangile les ciseaux de leur critique intolérante. Si la section de l’adultère a ainsi disparu du quatrième Évangile, il en résulte qu’elle était l’œuvre de saint Jean. Corluy, L’intégrité des Evangiles en face de la critique, dans les Études religieuses, 5 « série, t. xi, 1877, p. 65-74, 145-158 ; Id., Comment, in Ev. S. Joannis, 2e édit., Gand, 1889, p. 206-213 ; P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, partie pratique, t. IV, Paris, 1885-1886, p. 178-516 ; A. Loisy, études bibliques, Paris, 1901, p. 139-142. /II. le dernier CHAPITRE, Joa., xxi. — Comme ce chapitre est reproduit dans tous les manuscrits et dans toutes les versions, et comme les Pères ne donnent aucun motif de douter de son authenticité, celle-ci est contestée par les critiques, uniquement pour des raisons internes. Les ꝟ. 30 et 31 du chapitre xx paraissent être la conclusion du quatrième Évangile ; le chapitre xxi est une reprise du récit, une addition faite à l’œuvre primitive. La date de cette addition est fixée au ꝟ. 23, qui laisse entendre que saint Jean était mort à l’époque de la rédaction Le ꝟ. 24 en fait connaître l’auteur : c’est l’église d’Éphèse qui atteste le témoignage véridique du disciple bien-aimé. Pour corroborer ces conclusions, on a ajouté que le style, le genre et la méthode de l’écrivain n’étaient plus dans ce chapitre les mêmes quedans le reste de l’Évangile. Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 305-314. Mais ces arguments intrinsèques sont loin d’être décisifs. De ce que le chapitre xxi suit la conclusion du récit principal, on est en droil de conclure seulement qu’il est un épilogue, une pièce complémentaire, un post-scriptum. Il ne ressort pas nécessairement du jꝟ. 23 que l’apôtre était mort déjà, quand cette explication d’une parole du Sauveur fut donnée. Saint Jean lui-même, continuant à se cacher sous le voile de l’anonyme, corrige l’erreur qui s’était répandue de son vivant à son sujet. Le début duꝟ. 24 répond à la même manière d’agir, qui est fréquente dans le quatrième Évangile. Le pluriel oiSajuv du second membre de la phrase signifie une attestation collective, ou au moins établit une distinction entre celui ou ceux qui rendent , témoignage, et le disciple à qui bon témoignage est rendu. Un apôtre qui est inspiré par l’Esprit de Dieu, peut, comme saint Paul, Rom., ix, 1, se rendre témoignage au nom de celui qui l’inspire. Il y a comme deux personnes en sa conscience : la sienne et celle de l’Esprit, et il peut écrire de lui-même : « Nous savons que son témoignage est véritable. » Batiflol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 115-116. Le style