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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/615

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JEAN (ÉVANGILE DE SAINT)


enfin et la méthode sont ceux du quatrième Évangile. On a constaté dans ce chapitre les termes caractéristiques du style de saint Jean, la facture de ses phrases et sa façon habituelle de parler de lui-même. Le chapitre XXI a donc fait partie du quatrième Évangile dès la première publication ; le fond et la forme de ce récit complémentaire sont bien de saint Jean. Calmes, Comment se sont formés les évangiles, 3e édit., Paris, 1900, p. 58, 59 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, 1900, p. 324330 ; Harnack, Die Chronologie, t. i, Leipzig, 1897, p. 676-677.

III. Temps et lieu de la composition.

Temps.


Les anciens écrivains ecclésiastiques ont affirmé d’une voix unanime que saint Jean avait écrit son Évangile après les trois autres évangélistes. S. Irénée, Cont. hser., III, i, 1, t. vii, col. 845 ; Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552 ; S. Épiphane, Hier., li, 12, t. xli, col. 909 ; S. Jérôme, De vir. illust., 9, t. xxiii, col. 625 ; Eusèbe, H. E., ii, 24, t. xx, col. 265. — Saint Victorin de Pettau, In Apoc., x, 11 ; xvii, 10, t. v, col. 333, 338, dit que saint Jean composa son Évangile après l’Apocalypse. Or il est d’accord avec les autres Pères pour rapporter la rédaction de l’Apocalypse au règne de Domitien. Voir t. i, col. 746. Tous n’ont aussi qu’une voix pour assurer que saint Jean l’a écrit lorsqu’il était déjà parvenu à une grande vieillesse. Les caractères intrinsèques du quatrième Évangile confirment nettement les assertions des anciens. Il est évident que son auteur a connu les trois Synoptiques. Une foule de détails montrent qu’il écrit longtemps après les événements qu’il rapporte. Ainsi, il traduit des mots hébreux, Joa., i, 39, 42 ; iv, 22 ; xx, 16 ; il représente le peuple juif comme ayant perdu sa nationalité, et Jérusalem comme une ville détruite, xi, 18, xviii, 1 ; xix, 41, la race élue comme rebelle à l'Évangile, i, 11 ; iii, 19, etc. Il signale la réalisation des prophéties messianiques, viii, 24 ; x, 25, 26 ; vi, 37, 45 ; x, 16 ; xii, 33, 52, et de la parole de Jésus relative à la mort de Pierre, XXI, 19. La détermination précise de la date varie beaucoup suivant les sentiments. Voir t. ii, col. 2062. Les critiques hostiles à l’authenticité johannique la rabaissent plus ou moins après la mort de saint Jean. J. Réville, Le quatrième Évangile, p. 321-326. Les critiques favorables à l’authenticité la placent entre 80-100, ou dans des limites plus restreintes, entre 85-95. Quelques-uns même la font remonter peu après la mort des apôtres saint Pierre et saint Paul, vers 70.

Lieu.

Les anciens diffèrent dans l’indication du

lieu de la rédaction. La plupart parlent de l’Asie Mineure et, dans cette province, de la ville d'Éphèse. S. Irénée, Cont. hær., III, i, 1, t. vii, col. 845. Son témoignage a entraîné la majorité des suffrages, d’autant plus qu’il s’accorde très bien avec l’antique tradition du séjour de l’apôtre en cette ville. Cependant, plusieurs écrivains moins anciens et d’une moindre autorité ont prétendu que saint Jean avait composé son Évangile dans l’ile de Patmos. Ils sont d’autant moins recevables qu’ils dépendent des Actes apocryphes de saint Jean et qu’ils ont confondu l’uvangile avec l’Apocalypse. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 202-205. — M. Resch, Aussercanonische Paralleltexte, t. iv, dans les Texte und Untersuchungen, t. x, 4e fasc, Leipzig, 1896, p. 32, 33, après avoir changé la leçon : Johannes ex discipulis du canon de Muratori en celle de : Joannes ex Decapoli, conclut que le quatrième Évangile a été écrit à Pella, dans la Décapole. Mais la correction proposée est insuffisamment motivée. Revue biblique, t. vi, 1897, p. 479 ; Patrizi, De Evangeliis, I, Fribourg-enBrisgau, 1853, p. 102-118 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 206-208.

IV. Occasion.

Une tradition consignée à la fin du IIe siècle dans le canon de Muratori (t. ii, col. 170) rapporte que l’apôtre, cédant aux exhortations des disciples

et des évêques, ordonna un jeûne de trois jours, après lequel il ferait ce qui aurait été révélé, et que, la même nuit, il fut révélé à André et aux Apôtres qu’ils aient à. reconnaître et à approuver tout ce que Jean écrirait en leur nom. Preuschen, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 129, 130. On s’est demandé quelle valeur historique avait cet antique témoignage et s’il représentait fidèlement la tradition primitive de l'Église. En dehors de la difficulté d’interprétation du texte, qui est en mauvais état, la mention d’André et des Apôtres est contraire à la tradition qui fait écrire le quatrième Évangile à la fin de la longue carrière de saint Jean, longtemps après la mort des autres Apôtres. Comme, d’autre part, la mention d’André et de la révélation qu’il a reçue se trouve dans les Actes apocryphes de saint Jean, composés par Leucius. il est permis de penser que le canon de Muratori leur a emprunté ce détail, purement légendaire. Clément d’Alexandrie est un écho plus fidèle de la tradition ecclésiastique, lorsqu’il rapporte que Jean, le dernier survivant des Apôtres, a écrit son Évangile sur la demande de son entourage. Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 551. Saint Irénée, Cont. hær., III, xi, t. vii, col. 879-880, ajoute que saint Jean, en écrivant son Évangile, voulait réfuter les erreurs de Cérinthe et des nicolaites, qui se répandaient alors. Réunissant les deux renseignements précédents, Victorin de Pettau, Scholia in Apoc., xi, 1, t. v, col. 333, dit qu'à cause des hérésies de Valentin, de Cérinthe, d'Ébion et d’autres encore, les chrétiens de toutes les provinces voisines se réunirent auprès de saint Jean et le pressèrent de consigner par écrit son témoignage sur Jésus-Christ. Saint Jérôme, De vir. Must., 9, t. xxiii, col. 623, répète la même chose. Dans le prologue de son commentaire sur saint Matthieu, t. xxvi, col. 19, il est plus précis encore et parle d’un jeûne et d’une révélation, d’après une histoire ecclésiastique qu’il ne désigne pas autrement. Théodore de Mopsueste, Comment, m Joa., t. lxvi, col. 728, rapporte que saint Jean approuva les trois premiers Évangiles et, sur la prière de ses frères, rédigea le sien pour compléter les précédents. Ces données ont été souvent reproduites dans les temps postérieurs. Corssen, Monarchianische Prologe, p. 80, 81, 88, 89, 102-109, a prétendu que tous ces témoignages dépendent des Actes apocryphes de saint Jean ; mais sa démonstration n’est pas péremptoire, car indépendamment des détails légendaires que ces Actes seuls contiennent, il y a une tradition catholique, sur laquelle la légende s’est greffée et qui affirme que saint Jean a écrit son Évangile à la demande des chrétiens. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 194-206. Le P. Calmes, Comment se sont formés les Évangiles, 3e édit., Paris, 1900, p. 57, en conclut que les disciples de l’apôtre ont pris l’initiative de la rédaction et ont eu une certaine part à la publication du quatrième Évangile.

V. Bdt.

Lebut que saint Jean se proposait d’atteindre, en écrivant son Évangile, a été déterminé de manières bien différentes. — 1° Plusieurs Pères ont pensé que l’apôtre avait eu le dessein de compléter les Sjnoptiques, qu’il connaissait et qu’il approuvait. Pour les uns, S. Jérôme, De vins illust., 9, t. xxiii, col. 623 ; Eusèbe, H. E., iii, 24, t. xx, col. 265, Théodore de Mopsueste, Comm. in Joa., t. lxvi, col. 727, il voulait raconter la partie de la vie publique, qui avait précédé l’emprisonnement de Jean-Baptiste et qu’avaient omise les trois premiers Évangélistes. Pour les autres, Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552 ; S. Éphrem, Evangelii concordantes expositio, Venise, 1876, p. 286 ; S. Épiphane, User., li, 12, t. xli, col. 909 ; S. Jean Chrysostome, In Joa., hom. iv, 1, t. lii, col. 47, il se proposait d'écrire l'Évangile « . spirituel », alors que les Synoptiques n’avaient rédigé que l'Évangile « corporel ». C’est un fait certain et un fait reconnu par les critiques les moins favorables au quatrième Évangile, que soa