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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/809

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JOB (LIVRE DE)


naturels, l’objection n’est pas péremptoire. Il faut en dire autant des autres difficultés soulevées par les rationalistes : le miracle admis, les impossibilités s'évanouissent ; il convient seulement, selon l’axiome théologique, de ne pas multiplier les miracles sans nécessité.

Autorité relative des diverses parties.

i. Ce

livre étant canonique, c’est-à-dire inspiré, on doit regarder comme divin tout ce que l’auteur dit lui-même ou fait dire à Dieu : soit le prologue et l'épilogue, avec le discours de Jéhovah, i-ii ; xxxviii-xlii. — 2. L’examen du poème montre que l’auteur met ses pensées dans la bouche d'Éliu. Ce dernier parle après tous les autres, pour donner une solution nouvelle que personne ne réfute, que personne ne conteste. Job semble en être satisfait, puisqu’il n’y répond pas ; Dieu n’y trouve rien à reprendre. Dans ces conditions, le discours d'Éliu doit être regardé aussi comme d’autorité divine, xxxii-xxxvii. — 3. Pour les autres interlocuteurs, la question est plus délicate. On ne peut guère qu’appliquer ce principe général : dans un drame ou dans un dialogue, l’auteur approuve et fait sien ce dont tous les interlocuteurs conviennent et qui est ainsi placé hors de toute controverse ; par exemple, ici, le dogme de la providence, de la bonté, de la sagesse, de la toute-puissance, de la science infinie de Dieu. — 4. Job est repris par Éliu, xxxiii, 8-12, et par Dieu, xxxviii, 2, et il se blâme luimême, xxxix, 33-35 (xl. 3-5) ; xlii, 3, mais peut-être le reproche et le désaveu portent-ils moins sur le fond que sur la manière. Ses plaintes sont excessives, ses paroles inconsidérées, ses apostrophes trop violentes ; mais la thèse qu’il soutient est juste et, en définitive, Dieu lui donne raison. C’est pourquoi plusieurs Pères allèguent sans difficulté, comme témoignage scripturaire, les paroles de Job. S. Augustin, Ad Oros. contra Prise, et Orig., 9, t. xlii, col. 676 ; S. Jérôme, Contra Pelag., Il, 4, t. xxiii, col. 563. En tout cas, le danger d’erreur doit être limité aux assertions contestées jusqu’au bout par les amis ou désapprouvées par Dieu et par Éliu. — 5. Restent les trois amis contre lesquels « s’allume le courroux de Dieu pour n’avoir pas proféré des paroles de vérité comme Job », xlii, 7. II ne s’ensuit pas que tout soit faux dans leurs discours. Saint Paul, I Cor., iii, 19, cite un mot d'Éliphaz, avec un passage des Psaumes, sous la formule ordinaire des citations bibliques : « Car il est écrit : Je prendrai les sages dans leur ruse ; » texte emprunté à Job, v, 13. Mais l’Apôtre a qualité pour discerner infailliblement ce qui, dans ces discours mêlés de vrai et de faux, a la sanction de l’auteur inspiré et, par conséquent, de Dieu. Quoi qu’en pense saint Augustin, Ad Oros., 9, t. xlii, col. 676, ce discernement est souvent difficile à tout autre.

III. État dd texte, versioks, métrique. — Dans ces dernières années, le texte du livre de Job a été l’objet de nombreux travaux. Les critiques sont généralement d’avis que la conservation du texte est satisfaisante, surtout pour un écrit si difficile à comprendre. Outre les commentateurs, ont surtout travaillé à rétablir le texte, avec des critères fort différents : A. Merx, Das Gedicht von Hiob, 1871, Iéna, p. lvii-lxxxviii ; F. Hitzig, Das Buch Hwb, Leipzig, 1874 ; G. H. Bateson Wright, TheBook ofJob, Londres, 1883 ; C. Siegfried, The Book of Job (Bible polychrome), Leipzig, 1895 ; G. Béer, Der Text des Bûches Hiob, Marbourg, 1895 et 1897 ; enfin Bickell et Ley dans les ouvrages mentionnés plus loin. Les principaux secours pour la restitution du texte primitif sont, avec le sens et le contexte, les versions et la métrique. 1° Versions.

Celles qui dérivent du grec, telles que

l’italique, la syriaque et la copte, nous aident seulement à rétablir le texte des Septante. La Vulgate, dont tout Je monde s’accorde à reconnaître les grands mérites, représente un original très voisin du texte actuel. Elle permet cependant de faire quelques corrections de détail. Cf. Kaulen, Einleilung, 3e édit., Fribourg-en Brisgau, 1890, p. 304. — Par contre, les Septante s'éloignent notablement de la recension massorétique. Plusieurs passages ressemblent moins à une traduction qu'à une paraphrase. Il y a surtout des omissions nombreuses, évaluées par saint Jérôme, Prsefat. in Job, t. xxviii, col. 1080, à sept ou huit cents stiques (versus), et par Hésychius ou l’auteur, quel qu’il soit, d’un ouvrage inédit intitulé Hypothèses in libros sacros, dans G. Bickell, De indole ac ratione versionis Alexandrinse in interpretando libro Jobi, Marbourg, 1862, p. 30, à six cents stiques, sur 2200 que contient le livre entier de Job. Origène, Epist. ad Afric, t. xi, col. 55, témoigne qu’il a dû suppléer souvent, d’après l’hébreu, trois, quatre, et même quatorze ou seize et jusqu'à dix-neuf stiques qui manquaient à la version des Septante. Avant d’entreprendre sa traduction sur l’hébreu, saint Jérôme avait ajouté à l’ancienne version, en les notant d’un astérisque, les passages omis ; c’est l'édition dont saint Augustin fit usage, sans tenir compte des signes diacritiques. Ces signes ont disparu de presque tous les exemplaires et n’ont été conservés que dans deux manuscrits grecs (Colbert 1952 de Paris, et Vatic. 346), deux manuscrits latins de la correction de saint Jérôme (codex de Marmoutiers édité par Martianay et réimprimé par Migne, t. xxix, col. 59-114, et un manuscrit de la Bodléienne, cod. Lat. 24 26), enfin le texte sj ro-hexaplaire de l’Ambrosienne (édité en phototypie, par Ceriani, Milan, 1874). Plus tard, Ma r Bsciai a découvert à Rome, dans la bibliothèque du musée Borgia, une traduction copte-sahidique de Job, sans les additions hexaplaires, éditée par Ciasca (Sacror. Bibl. fragmenta CoptoSahidica Musei Borgiani, Rome, 1889, t. II). Ciasca évalue les omissions des Septante à 376 stiques, Bickell à 373, Dillmann à 400. C’est presque le cinquième du livre. Il est donc extrêmement important de savoir quelle est la valeur de la version grecque et quel parti on en peut tirer pour la critique du texte. — E. Hatch, Essays xii Biblical Greek, Oxford, 1889, a défendu les Septante avec plus de conviction que de bonheur. Il a été appujé par G. Bickell, Das Buch Hiob nach Anleitung der Strophik und der Septuagmta, Vienne, 1894, jadis très défavorable aux Septante. Ces deux savants sont à peu près seuls de leur avis et à juste titre. En effet, un examen attentif montre que : 1. Le traducteur grec rendait le texte de façon très lâche ou passait simplement ce qu’il ne comprenait pas. — 2. Il omettait, de parti pris, tout ce qui lui paraissait faux, blasphématoire, injurieux à la providence. — 3. Il n’a aucun sentiment du parallélisme poétique et.fond souvent en un deux hémistiches. — 4. Il se propose manifestement d’abréger. Dans les quatre premiers chapitres, pas d’omissions ; dans les dix suivants, presque pas ; les suppressions commencent en grand au second ejele de discours, quand les interlocuteurs, reprenant la parole, répètent plusieurs de leurs arguments. Le rôle d’jiliu est particulièrement maltraité : on devine pourquoi. Au contraire, les discours de Dieu sont respectés. — Dans ces conditions, il serait téméraire de s’autoriser trop facilement des Septante pour corriger ou pour mutiler le texte hébreu et la Vulgate.

Métrique de Job.

Les lois de la poésie hébraïque, si elles étaient exactement connues, rendraient

d’immenses services au critique. Malheureusement, les innombrables études sur la nature des vers hébreux, en particulier dans le livre de Job, ne font que se réluter et se détruire les unes les autres. On convient que la poésie diffère de la prose, non seulement par le style et par le parallélisme des membres, mais encore par un rythme, sensible à l’oreille la moins exercée. Mais quand il s’agit de spécifier, les auteurs se partagent entre trois systèmes principaux, dont l’un, presque abandonné aujourd’hui, pèse les syllabes (comme en grec, en latin, en arabe), tandis que le second les