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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/913

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JUDA (TRIBU DE)


phétie de Jacob, Gen., xlix, 11-12, marque nettement cette étonnante fertilité du territoire de Juda, dans les derniers versets qui concernent la tribu :

Attachant à la vigne son ânon,

Et au cep le petit de l’ânesse,

U lave, dans le viii, son manteau,

Son vêtement, dans le sang de la grappe.

Par ïe vin ses yeux étincellent,

Et ses dents sont blanches de lait.

Les vignes étaient donc en telle quantité que l’on faisait peu de cas même des plus excellentes, comme leiôrêq, et qu’on attachait son âne, comme on le fait à une haie ou à un arbuste ordinaire. Le vin était si commun qu’on y aurait pu laver ses habits, comme ailleurs on les lave dans l’eau. Le dernier trait fait allusion aux gras pâturages qui, autrefois surtout, nourrissaient de nombreux troupeaux. Cf. I Reg., xxv, 2 ; Am., i, 1-2.

II. Histoire.

La prédominance de la tribu de Juda s’affirme, dès le début, par le nombre. Au sortir de l’Egypte, c’était de beaucoup la plus grande de toutes. Au premier recensement, elle comptait 74 600 hommes en état de porter les armes, alors que Dan, qui venait après, n’en avait que 62 700, et la plus petite, Manassé, 32200. Num., i, 26-27, 38-39, 34-35. Dans les campements et la marche au désert, elle se trouvait placée, avec Issachar et Zabulon, à l’orient du tabernacle. Num., il, 3-9. Elle avait pour chet Nahasson, fils d’Aminadad, un des ancêtres du Christ, Num., i, 7 ; ii, 3 ; Ruth, iv, 20 ; Matth., i, 4, et ce fut par ses mains qu’elle fit l’offrande de ses dons, à la dédicace du tabernacle et de l’autel. Num., vii, 12-17. Parmi les explorateurs du pays de Chanaan, elle eut pour représentant Caleb, fils de Jéphoné. Num., xiii, 7. Au second dénombrement, dans les plaines de Moab, elle comptait 76500 hommes, avec un accroissement de près de 2000. Num., xxvi, 22. Ses principales familles sont énumérées Num., xxvi, 19-21, et plus complètement I Par., n. Celui de ses chefs qui devait travailler au partage de la Terre Promise fut Caleb. Num., xxxiv, 19. Elle fut désignée, avec Siméon, Lévi, Issachar, Joseph (Éphraim-Manassé) et Benjamin, « pour bénir le peuple, sur le mont Garizim, après le passage du Jourdain. » Deut., xxvii, 12. Pendant la conquête du pays de Chanaan, les seuls incidents relatifs à la tribu sont la prévarication d’Achan, Jos., vii, 1, 16-26, et la prise de possession du district montagneux d’Hébron par Caleb. Jos., xiv, 6-15 ; xv, 13-19. Nous avons vu plus haut la part qui lui échut dans le territoire conquis. Après la mort de Josué, la tribu de Juda fut choisie pour diriger l’attaque contre les Chananéens. Cet honneur lui était réservé non pas tant peut-être à cause de sa puissance que des promesses qui lui avaient été faites, Gen., xlix, 8, 9, et de ses destinées futures. Jud., i, 1, 2. Elle fit appel à l’aide de Siméon, et les deux tribus réunies tournèrent leurs armes contre Jérusalem, dont elles s’emparèrent, contre différentes villes de la montagne, du midi et de la plaine. Mais les habitants de cette dernière contrée ne purent être détruits ou chassés, grâce à leurs chariots de fer, qui leur permettaient d’offrir aux envahisseurs une sérieuse résistance. Jud-, i. 3-19. Juda fut encore choisi par l’oracle divin pour conduire les Israélites au combat contre Gabaa et les Benjamites. Jud., XX, 18. L’isolement de son territoire, la pauvreté de plusieurs de ses cantons, les barrières naturelles qui en rendaient l’attaque difficile, le mirent plus que les tribus du nord à l’abri des invasions. Voir Judée. Il eut cependant à subir celles des Philistins et des Ammonites. Jud., x, 9 ; xv, 9 ; I Reg., xvii, 1. La persécution de

Saul contre David ne fit que susciter dans la tribu des sentiments de fidélité et de dévouement à l’égard du jeune Bethléhémite. Aussi, après la mort du premier roi, s’em pressat-elle de reconnaître pour chef le fils d’Isaï, qui reçut l’onction royale à Hébron, II Reg., ii,

4, 7, 10, et y régna sept ans. II Reg., v, 5. Cependant après la révolte et la mort d’Absalom, elle se laissa devancer par les autres tribus pour rappeler le monarque exilé. Émue des reproches de celui-ci, elle se transporta au-devant de lui jusqu’aux bords du Jourdain et le ramena à Jérusalem. II Reg., xix, 11-15 ; xx, 2. Au moment du schisme, elle resta seule, avec la tribu de Benjamin, fidèle à la maison de David. III Reg., XII, 20. Elle donna son nom au royaume du sud, et son histoire se confond désormais avec l’histoire de celui-ci, bien qu’elle garde comme Benjamin, sa propre individualité. Voir Juda. (Royaume de). — Après la captivité, les enfants de Juda reprirent des premiers le chemin de Jérusalem, pour rebâtir le temple. I Esd., i, 5 ; iii, 9. Ils rentrèrent dans leurs anciennes possessions. II Esd., xi, 25-30. Leur nom, Judsei, « Juifs, » fut celui que portèrent principalement depuis lors les descendants d’Abraham.

III. Caractère et mission providentielle.

La tribu de Juda tient sans contredit la première place parmi celles qui sont issues de Jacob. Le patriarche en a tracé d’avance le caractère et les glorieuses destinées dans sa fameuse prophétie, Gen., xlix, 8-10 (traduction d’après l’hébreu) :

Juda, tes frères te glorifieront :

Ta main sera sur le col de tes ennemis ;

Les fils de ton père se prosterneront devant toi.

Juda est un lionceau,

Après avoir pillé, mon fils, tu remontes ;

Il s’étend, il se couche comme un lion,

Comme une lionne ; qui [osera] le faire lever ?

Le sceptre ne sortira pas de Juda,

Ni le bâton de commandement d’entre ses pieds,

Jusqu’à ?e que vienne Schilôh (ou « celui auquel il appartient » )

A lui l’obéissance des peuples.

Gloire, force et souveraineté, telles sont donc, en somme, les prérogatives de Juda. Les aînés de la famille ont, par leurs crimes, perdu leur droit de primogéniture. Juda, bien que coupable, lui aussi, de plusieurs fautes, est, par une secrète disposition de la Providence, substitué à leur place. Il sera le premier entre ses frères, comme il sera triomphateur de ses ennemis. Sa gloire vient sans doute de sa force et de ses victoires, mais elle tient surtout à ses destinées : de sa race naîtra le Messie. C’est là la raison de sa prééminence. Le premier dans l’ordre des campements et de la marche des tribus, Num., Il, 3 ; x, 14, il se présente le premier à l’offrande dans les sacrifices. Num., vii, 12. Le premier lot lui est réservé dans le partage de la Terre Promise, Jos., xv, 1, et c’est à lui que revient l’honneur de conduire ses frères au combat. Jud., i, 1, 2. Les progrès de son influence et les vicissitudes de sa domination sont comme le fond de l’histoire du peuple de Dieu. Sa force victorieuse s’incarne principalement en David, à qui il a été donné de réaliser cette parole : « Ta main sera sur le col de tes ennemis. » Le lion de Juda a promené autour de lui sa terrible puissance, puis, chargé de butin, il est remonté dans le repaire de ses montagnes. Là, il s’est longtemps couché au sein d’une paix noblement conquise et puissamment garantie. Tel est comme le résumé des deux règnes de David et de Salomon. Il n’en est pas moins vrai, cependant, que le véritable « lion de la tribu de Juda », c’est le Christ, « rejeton de David, » Apoc, v, 5, qui, après avoir vaincu le démon, a établi, dans la richesse et la force, le royaume de la paix. C’est « à lui qu’appartient » le sceptre royal dont parle la prophétie de Jacob, et qui courbera sous l’obéissance tous les peuples de la terre. Jusqu’à sa venue, il était resté, bien qu’avec de nombreuses vicissitudes, aux mains de la tribu de Juda. Après les privilèges de prééminence dont nous avons parlé, et qui ne faisaient de Juda qu’un « lionceau », sa race est montée sur le trône avec David, pour y demeurer jusqu’à la captivité. Si, à