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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/943

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1830
JUDITH (LIVRE DE)


leçons douteuses, à des variantes fournies par une version seulement : par exemple la mention de la fête commémorative instituée en l’honneur de Judith (Vulgate, xvi, 31), la mention des vigiles, du sabbat et des néoménies (izpoaaè6&zu>v, izpovov^vi&y, texte grec, viii, 6), certains détails sur les expéditions du roi d’Assyrie, etc. Or aucun livre de l’Écriture n’a souffert autant de la part des copistes et des traducteurs. — 3. Les découvertes modernes ont levé plusieurs de ces difficultés. En particulier, Béthulie et le principal théâtre de la guerre se prêtent maintenant à une localisation qui laisse peu de chose à désirer. Voir Béthulie, t. i, col. 1757-1762. De nouvelles trouvailles peuvent éclaircir d’autres points obscurs. — 4. L’objection tirée des noms propres est la plus sérieuse et nous ne croyons pas qu’on y ait fait jusqu’ici une réponse de tous points satisfaisante. Voici ce qu’on peut dire en général : — a) Nabuchodonosor.

— Ce nom revient vingt fois dans le texte grec et la version syriaque, i, 1, 5, 7, 11, 12 ; ii, 1, 4, 19 ; iii, 2, 8 ; iv, 1 ; vl, 2, 4, 7 (bis), 23 ; xii, 13 ; xiv, 18, dix-sept fois dans le texte latin, i, 5, 7, 10, 12 ; ii, 1 (bis), 4 ; iii, 2, 13 ; M, 27, 29 ; vi, 2, 4 ; xi, 1, 5, 21, a xiv, 16, et cela sans .aucune variante, toujours avec la qualification de roi des Assyriens. Dans ces conditions, en bonne critique, il faudrait faire remonter la leçon à l’auteur lui-même, car on ne s’explique pas comment les copistes auraient -opéré partout une substitution si singulière. D’un autre côté, on ne comprend pas davantage comment un écrivain, qui paraît versé dans l’histoire et la géographie assyrienne, a pu dater son récit d’un Nabuchodonosor, roi de Ninive et vainqueur des Mèdes. — M. de Moor, dans la Revue dr, s religions, 1894, t. vi, p. 307-311, propose deux explications : ou bien nos versions actuelles dériveraient d’un exemplaire copié à Babylone et où le scribe aurait mal à propos substitué au nom d’Assurbanipal, inconnu pour lui, celui de Nabuchodonosor ; ou bien Assurbanipal en entrant à Babylone, après la défaite et la.mort de son frère, y aurait adopté le nom de Nabuchodonosor qui n’aurait pas eu cours en dehors de la Babylonie. Tout cela est bien subtil, bien hypothétique, et mieux vaut rester en suspens que de recourir à ces subterfuges. — b) Arphaxad peut fort bien être Phraortes, fils et successeur de Déjocés. « Si, comme nous l’apprend Hérodote, Phraortes était petit-fils d’un autre Phraortes qui, père du grand Déjocès, pouvait être considéré comme l’auteur de la dynastie ; et si, comme le pense Rawlinson, la forme Phraazad est le patronymique dérivé de Fravartis ou Fraurtish (véritable forme du nom de Phraortes), le nom transcrit Bi-rivz-hacd-ri, abstraction faite de la dernière syllabe, représente réellement le personnage en question désigné par son nom patronymique. » Robiou, Deux questions d’histoire, (Paris, 1875, p. 28. — c) Holoferne semble bien être un nom persan. On trouve cependant, vers 160 avant J.-C, un roi de Cappadoce ainsi appelé. Il faut se souvenir que le contingent des armées assyriennes était très mêlé. La présence d’un général persan ou cappadocien n’a rien de surprenant. On ne rencontre, il est vrai, dans les annales d’Assyrie, aucun chef de ce nom, mais la raison en est qu’Assurbanipal a coutume de s’attribuer directement les faits d’armes de ses généraux, bien qu’il n’ait presque jamais accompagné les armées en personne. — d) Bagoas, d’après Pline, H. N., XIII, IV, 9, est l’équivalent persan du mot « eunuque v ; il n’est donc pas étonnant que plusieurs personnages, originaires de la Perse, aient porté ce nom. — e) Éliacim, fils d’Helcias, n’aurait pas été grand-prêtre si la liste des Paralipomènes est complète. Mais, d’une part, il est douteux qu’elle le soit ; d’autre part, il est fort possible que le titre de grand-prêtre lui ait été donné par erreur dans nos versions à cause du rôle prépondérant qu’il a rempli. — f) Le nom de notre Judith n’a rien de plus allégorique que celui de Judith,

femme d’Ésaû. Gen., xxvi, 34. On peut d’ailleurs admettre que ce nom de « Juive » lui vient de son lieu d’origine. 1 En effet, elle descendait de la tribu de Siméon dont le territoire était situé dans le royaume de Juda. — Enfin le silence au sujet d’un événement aussi important que la défaite d’Holoierne n’est peut-être pas aussi universel qu’on le dit. Palmieri, De veritate histor., p. 1-8, pense que la première prophétie de Nahum, i, 7-n, 1, a précisément pour objet le désastre des Assyriens conduits par Holoferne. Cornely, Introd., t. ii, part, i, p. 411-412, adopte cette idée, toutefois avec cette modification que le passage de Nahum ne serait pas la prédiction, mais le récit de la victoire sur les Assyriens.

IV. Époque des événements.

Cette question se pose non seulement pour les partisans de l’historicité absolue, mais encore pour ceux — et ils sont assez nombreux parmi les protestants — qui admettent un canevas historique sur lequel l’auteur aurait brodé et aussi pour les défenseurs de l’allégorie simple. Au contraire elle n’a pas de sens pour les tenants de l’allégorie prophétique ou du roman proprement dit. — On peut rejeter sans discussion l’opinion de G. Klein, Ueber das Buch Judith, dans Actes du 8* congrès des orientalistes, Leyde » 1891, sect. sémit. p. 87-105, qui y trouve un écho des dernières luttes de l’indépendance juive, sous Adrien. A cette époque le livre de Judith était certainement composé depuis longtemps. Il ne faut pas s’arrêter non plus au sentiment de ceux qui, comme Ewald, y voient des faits contemporains de Jean Hyrcan, ou, comme Movers, des allusions à Alexandre Jannée et à Ptolômée Lathyre, ou, comme Berthold, la description symbolique de la campagne de Vespasien et de Titus, ou, comme Volkmaf, le récit de la révolte des Juifs sous Trajan. Du reste, les avis sont on ne peut plus partagés sur la question de date. Voici, d’après Brunengo, le tableau des principales identifications du Nabuchodonosor de Judith :

1. Antiochus Épiphane, 174-164 av. J.-C. (certains rabbins).

2. Séleucus I", 312-281 (Raska).

3. Artaxerxès Ochus, 362-338 (Sulpice Sévère).

4. Xerxès I", 485-472 (Georges le Syncelle, San’chez, Corn, a Lapide).

5. Darius I « , 521-485 (S. Hippolyte, Gérard Mercator, etc.).

6. Cambyse, 529-522 (Eusèbe, S. Augustin, Suidas, etc.).

7. Nabuchodonosor, 604-561 (Génébrard, Danko, Neteler, etc.).

8. Kiniladan, 647-625 (Wolfl’, von Gumpach).

9. Saosduchin, 667-647 (Usserius, Lenglet-Dufresnoy).

10. Assurbanipal, 668-626 (la plupart des auteurs contemporains).

11. Un fils d’Assarhaddon (Serarius).

12. Un parent d’Asarhaddon (Tirinus).

13. Un successeur d’Asarhaddon (Petau).

14. Asarhaddon (Tournemine, Montl’aucon, Houbi— gant, Dereser, Kaulen).

15. Mérodach-Baladan (Bellarmin, Ménochius).

Avec M. Robiou, à qui revient l’honneur de l’identification, presque tous les catholiques contemporains se décident pour Assurbanipal. C’est avec encore plus d’unanimité qu’ils placent sous le règne de Manassé les événements rapportés au livre de Judith. De cet avis sont Bellarmin, Serarius, Melchior Cano, Petau, Ménochius, Pereira, Bonfrère, Montfaucon, Calmet, Robiou, Delattre, Vigouroux, Gillet, Palmieri, Cornely, Brunengo, etc. L’examen des données historiques, géographiques et chronologiques laisse peu de doute à cet égard, pour quiconque admet l’historicité absolue ou seulement relative du livre de Judith. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 99-131.

1. ÉTAl DU PEUPLE JUIF À L’ÉPOQUE DE JUDITH. —

1° La suprématie religieuse et politique appartient à