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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/944

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1831
1832
JUDITH (LIVRE DE)


Jérusalem. — De Jérusalem partent les ordres de se mettre en état de détense, iv, 5. Il n’est pas question de Samarie ni de son roi. Les habitants de Béthulie pratiquent le culte légitime de Jéhovah, ils sont en rapport constant avec le Temple et les autorités de Jérusalem, xv, 9. Les faits se passent donc après la chute de Samarie (721) et la disparition du royaume septentrional. — 2° Le Temple de Jérusalem est debout.

a) À l’approche

d’Holoferne, les Juifs craignirent qu’il ne détruisît le Temple du Seigneur, iv, 1-2. — 6) En conséquence, les prêtres se prosternèrent devant le Temple et couvrirent d’un cilice l’autel du Seigneur, iv, 9-10. Le texte grec, en cet endroit, iv, 15-16, ne mentionne pas le Temple, mais il parle d’holocaustes et de sacrifices offerts par les prêtres, ce qui revient au même. — e) Judith supplie le Seigneur de préserver sa maison de la profanation, IX, 18-19. Or la maison du Seigneur, c’est le Temple. Dans le passage correspondant, le texte grec est encore plus explicite. — d) Après la victoire, on va offrir au Seigneur des holocaustes et des sacrifices promis par vœu, xvi, 22-24 : ce qui suppose évidemment l’existence du Temple. Nous obtenons donc ainsi comme limite inférieure des événements l’année 587, date de la destruction du Temple ; car il est impossible, nous le verrons, d’attendre jusqu’après le retour de la captivité. — Une difficulté assez sérieuse résulte du texte grec, v, 18, où Achior affirme que le Temple du Dieu des Juifs êyiivïjô/] eïç É’Saopo ;, ce que Cornélius à Lapide et plusieurs autres interprètes traduisent ainsi : « [Leur Temple] a été renversé jusqu’aux fondements. « Mais 1. le latin omet ce membre de phrase dont l’authenticité devient ainsi douteuse ; 2. Achior eût-il prononcé ces mots, son autorité ne saurait prévaloir contre les témoignages nombreux et précis de l’auteur inspiré ; 3. le sens des mots ! yy)vïJ8ïi e’cç ëSoeçpoç est ambigu et peut s’entendre d’un abaissement moral. La traduction littérale est : factum est in pavimentum, ce qui paraît répondre à : factum est in conculcationem, et serait suffisamment justifié par une profanation. — 3° Point de roi en Judée. — « Toutes les mesures pour résister aux Assyriens sont dues à l’initiative du grand-prêtre et du conseil des anciens. » Delattre, Le livre de Judith, p. 56. Le roi ne joue absolument aucun rôle ; il n’est pas fait mention de lui. Il faut qu’il y ait interrègne, ou que le roi soit absent. Un seul moment de l’histoire juive vérifie cette condition : le temps de la captivité de Manassé. II Par., xxxiii, 11. Sous Ézéchias, père de Manassé, Éliacim, « préfet de la maison » [royale], IV Reg., xvjii, 18 ; Is., xxxvi, 3, paraît avoir joui d’une grande influence. Ce pourrait bien être le même que l’Éliachim, iv, 5, 11, ou le Joacim, xv, 9, de Judith. — 4° Les faits se passent avant la captivité. — On ne peut pas songer à mettre l’histoire de Judith sous le second Temple, parce qu’à cette époque il n’y a ni Mèdes, ni Assyriens. Les Perses sont les maîtres du monde oriental au lieu d’être les vassaux du grand roi. Le texte qu’on objecte, v, 22-23 (Vulgate, 18-19), tiré du discours d’Achior, n’est pas décisif.

H. état de l’empire AssritiEN. — Le texte grec divise les sujets de Nubuchodonosor en deux catégories : ceux qui marchent avec lui contre Arphaxad révolté et ceux qui refusent de le suivre. Parmi les premiers sont nommés : les habitants de la montagne (de la région à l’est et au nord-est de Ninive), les riverains du Tigre, de FEuphrate et de l’Hydaspe (le latin lit Jadason, le syriaque Eulée ; il s’agit peut-être du Choaspe), le roi des Élymëens dans la plaine d’Eirioch et beaucoup de nations des fils de Chéléoul. Ces Élyméens pourraient bien être ceux que mentionne Strabon, xvii, 1, différents des Élamites de Susiane. Quant à Chéléoul, on n’en peut rien tirer ; l’ambiguité du texte grec ne permettant même pas de décider avec certitude si ce sont des auxiliaires ou des adversaires. La Vulgate remplace cette énumération des peuples fidèles par la description du

champ de bataille où fut pris Arphaxad, « dans 1° grande plaine appelée Ragau, prèsdu Tigre, de l’Eu.phrate et du Jadason, dans la plaine d’Érioch, roi des Elicéens, » I, 6. On voit que l’un des deux traducteurs a mal compris le texte. — Au contraire, la liste des peuples rebelles n’est pas très différente en grec et en latin. On compte parmi les sujets de l’empire assyrien, qui ne répondirent pas à l’appel de Nabuchodonosor : les habitants de la Cilicie, de Damas et du Liban ; ceux du Carmel, de la Galilée et de la grande plaine d’Esdrelon ; les Samaritains et les Juifs ; enfin les Égyptiens jusqu’aux confins de l’Ethiopie, i, 7-10. La liste grecque, plus complète, ajoute, outre quelques noms moins importants, les Perses, les habitants de l’Occident (probablement les Amurru), ceux de TAntiliban et du littoral méditerranéen. — Telle était bien en effet l’étendue nominale de l’empire assyrien au temps d’Assurbanipal. La liste est même si exacte qu’elle indique un auteur très bien informé. Deux expéditions en Egypte avaient temporairement établi la domination assyrienne dans le Delta et la vallée du Nil. Au cours de ces campagnes, Assurbanipal avait reçu l’hommage de vingt-deux souverains de Chypre, de Phénicie, de Palestine et des pays circonvoisins. Cf. Schrader, Keilinschrift. Bibliothek, t. ii, p. 238-240. La Mésopotamie, la Cilicie, l’Élani, la Chaldée, la Babylonie, où régnait le jeune frère d’Assurbanipal, reconnaissaient la suzeraineté du roi de Ninive. Les prétentions des Assyriens, vers le Nord, s’étendaient très loin. Bref, bien que plusieurs noms n’aient pas encore pu être identifiés avec certitude, la géographie du livre de Judith est correcte, loin d’être fantastique.

m. état de l’empire mêde. — Ici le grec et le latin sont très divergents. Des deux textes comparés il ressort seulement : 1° qu’un roi des Mèdes, nommé Arphaxad, avait bâti ou fortifié Ecbatane (Vulgate : mdificavit, mais ce mot, comme son correspondant hébreu bàndh, peut s’entendre au sens d’embellir, agrandir. D’après le grec, Arphaxad avait simplement fortifié la ville). — 2° Que Nabuchodonosor eut affaire à ce roi et le vainquit dans une grande plaine qui se nommait Ragau ou qui avoisinait Ragau. Vulgate : « La douzième année de son règne Nabuchodonosor… livra bataille à Arphaxad et le prit (obtinuit eum), » i, 5. Dans le grec la bataille décisive a lieu la dix-septième année. Nabuchodonosor « resta vainqueur et il détruisit toute l’armée d’Arphaxad, toute sa cavalerie, tous ses chars ; et il prit ses villes ; et il arriva à Ecbatane, s’empara de ses tours, ravagea ses rues et changea sa beauté en ignominie. Et il prit Arphaxad dans les montagnes de Ragau et il le perça de ses traits », i, 13-15. — Ces événements ne sont pas confirmés par l’histoire profane. Il est vrai que l’histoire des Mèdes est très imparfaitement connue. On s’accorde à penser que le tableau de Ctésias est fabuleux (cité par Diodore de Sicile, ii, 24-27, 32-34). Le récit d’Hérodote mérite plus de confiance ; néanmoins sa chronologie est difficile à concilier avec les annales d’Assyrie et plusieurs critiques trouvent encore trop longue sa courte liste de souverains mèdes : Déjocès, 699-646 av. J.-C, Phraortes, 646-625, Cyaxare, 625-585, Astyage, 585-550. Cf. Schrader-Winckler, Die Keilinschriften und dos Alte Test., 3e édit., Berlin, 1902, p. 103. — Si nous plaçons les événements racontés dans. Judith sous Assurbanipal (668-626), le roi des Mèdesaurait été Déjocès ou Phraorte. Seulement, tandis que ses prédécesseurs, Théglathphalasar, Sennachérib, Asarhaddon, préconisent si haut leur prétendue soumission, des Mèdes, cf. Schrader, Keilinschrift. Bibliothek, t. ii, p. 7, 17, 91, 133, il est étrange qu’Assurbanipal ne dise rien de ses éclatantes victoires sur ce même peuple. Les inscriptions de ce souverain n’observent pas toujours l’ordre chronologique et ne comprennent que les vingt-cinq premières années de son règne, mais elles sont, .