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PAUL (SAINT)


faire décréter, contre Paul, et Barnabe, tin décret d’expulsion par l’autorité municipale.

Les deux bannis avaient devant eux plusieurs routes à choisir. S’ils se dirigeaient vers l’ouest, ils entraient aussitôt dans la Phrygie proprement dite, du côté de Colosses, d’Hiérapolis, de Laodicée ; au nord, ils avaient devant eux l’ancien royaume de Galatie. Ils préférèrent se tourner vers l’orient, se rapprochant ainsi de la Cilicie. Ils se dirigèrent donc vers la Lycaonie et, au bout d’une marche d’environ cinq jours, atteignirent la ville dlcone, située dans un pays riant et fertile, près de l’endroit où la chaîne de Taurus forme la limite entre la Cappadoce et la Lycaonie. Au temps de Paul, Icône était la capitale de la Lycaonie, région comprise, depuis l’an 25 avant J.-C, dans la province romaine de Galatie. Peu considérable au temps de Strabon, cette ville s’agrandit dans la suite. Sous Claude, il s’y forma une colonie romaine, et elle changea son nom en celui de Claudia et Claudiconium. Les Juifs y possédaient une synagogue fréquentée par de nombreux prosélytes. Paul et Barnabe y prêchèrent avec beaucoup de fruit. L’affluence des conversions fut telle, malgré les tracasseries des Juifs, que les deux Apôtres se résolurent à faire là un long séjour. En peu de temps, une Eglise florissante fut fondée. C’est à Icône que l’auteur des Actes de Paul et de Thècle a placé le théâtre de son pieux roman. Cependant la haine des Juifs orthodoxes essaya d’ameuter, contre les zélés missionnaires, toute la population païenne. La ville se divisa en deux parties. Il y eut une émeute. On voulait lapider Paul et Barnabe et ceux-ci quittèrent la cité d’Iconium, ils se réfugièrent dans deux petites villes obscures, dont on a peine à retrouver les traces et qui sont à environ huit lieues l’une de l’autre. La civilisation n’avait pas encore pénétré, à cette époque, dans ces vallées sauvages, vrais repaires de brigands, fermés à toute influence du dehors, gardant leur langue et leurs habitudes provinciales. Un fait singulier arriva à Lystre. Paul ayant guéri un boiteux, ces populations crédules crurent que Paul et Barnabe étaient deux divinités qui avaient pris la forme humaine pour se promener parmi les mortels. Voir Lystre, Mercure, col. 460, 991. Paul leur prêcha l'Évangile et c’est là qu’il rencontra celui qui devait être son disciple Timothée et qui pouvait avoir alors une quinzaine d’années. Act., xvi, 1-3 ; II Tim., iii, 11,

Quand les Juifs d’Antioche de Pisidie et d’Icône apprirent toutes ces conversions, ils envoyèrent à Lystre des émissaires pour provoquer une émeute contre les missionnaires et détruire, d’un seul coup, leur œuvre de prosélytisme. Paul fut reconnu dans la mêlée, traîné hors de la ville par des fanatiques, accablé de coups de pierres et laissé pour mort sur le sol. Fort heureusement, ses disciples vinrent le relever, il rentra dans la ville, protégé par eux, et partit le lendemain pour Derbé. Tout cela se fit à l’insu des ennemis de la veille. Les deux Apôtres, à l’abri de tout retour oftensif, évangélisèrent en paix la ville où ils s'étaient réfugiés. Paul s’y remit de ses blessures, et, après avoir jeté les bases d’un centre chrétien, il résolut de revenir sur ses pas. Son dessein était de donner aux Églises fondées une organisation régulière. Sur leur chemin, Paul et Barnabe établissent, dans chacune d’elles, un corps de presbyteri (TtpsoêôtepoO, comme à Jérusalem. Ces anciens étaient, auprès des convertis, les dépositaires de l’autorité de Paul et gouvernaient l'Église en son nom. C’est eux qui recevront les lettres de l’Apôtre, les liront dans les assemblées liturgiques, en feront observer les prescriptions. I Thess., v, 27 ; II Thess., iii, 14. Au retour les deux missionnaires suivirent à peu près l’itinéraire de leur première route. Ils visitèrent pour la seconde fois Lystre, Icône, Antioche de Pisidie, confirmant les fi dèles dans la foi, les exhortant à la persévérance, à la patience, leur apprenant que c’est par la tribulation qu’on entre dans le royaume de Dieu… D’Antioche de Pisidie, ils descendirent à Pergé et s’y arrêtèrent, cette fois, pour annoncer l'Évangile. Puis, au lieu de repasser par l'île de Chypre, ils gagnèrent le grand port d’Attalie et de là s’embarquèrent pour Séleucie d’où ils rentrèrent à Antioche, après une absence assez longue, mais pleine de succès pour la cause du Christ. L'Église d’Antioche revit, avec une joie indescriptible, les deux apôtres qu’elle avait envoyés à la conquête d’un nouveau monde et qui lui rapportaient les prémices d’une abondante mission. On ne se lassait point d’entendre, de leur bouche, les merveilles que Dieu avait faites pour eux. On en concluait, une fois de plus, que Dieu lui-même avait ouvert aux Gentils les portes de la foi.

C) Conférence de Jérusalem. — Entre la première et la seconde mission, se place un fait très important qui exerça, sur les destinées de l'Église naissante, une influence définitive. Au point où était arrivé le développement du christianisme, à la suite des travaux de Paul et de Barnabe, il s’agissait de savoir si le judaïsme imposerait ses rites particuliers aux nouveaux venus de la gentilité. De là dépendait tout l’avenir de l'Évangile. Un incident vint poser la question d’une façon inattendue, dans l'église d’Antioche. Des phariséochrétiens, descendus de Judée, sans aucune mission du corps apostolique, étaient arrivés jusque dans la capitale de la Syrie, disant partout, sur leur chemin, qu’on ne pouvait être sauvé sans la circoncision. Accepter cette injonction, c'était, pour Paul et Barnabe, donner le coup de mort à leur œuvre déjà accomplie et à celle qu’ils rêvaient d’entreprendre. Ils s’opposèrent donc, de toutes leurs forces, à ces nouveaux venus. Il y eut de longues disputes. Pour y mettre un terme, on décida que les deux missionnaires iraient à Jérusalem s’entendre avec les Apôtres et les anciens à ce sujet. Paul et Barnabe se mirent en route, emmenant avec eux un néophyte incirconcis, Tite, dans l’intention d’arriver, par la conduite que l’on tiendrait envers lui, à la solution de la question de principe. Le récit des conférences qui eurent lieu à Jérusalem, est relaté dans deux documents parallèles, le chap. XV des Actes et les dix premiers versets du chap. ii, dans l'Épitre aux Galates.

Deux questions étroitement liées se trouvaient par la force des choses dans l’ordre du jour : 1° reconnaître les néophytes venus de la gentilité comme vrais membres de l'Église, sans leur imposer ni la circoncision, ni les prescriptions légales ; 2° approuver officiellement l’apostolat de Paul et de Barnabe, leur mode particulier d'évangélisation. La première intéressait directement l'Église-mère de Jérusalem : c'était à elle de décider si elle voulait admettre dans sa communion les églises nouvelles. La seconde était plus spécialement du ressort des Apôtres. Ainsi s’explique la diversité du récit des Actes comparé à celui de l’Apôtre aux Galates. Chacun d’eux raconte la conférence à son point de vue. Saint Luc mentionne la reconnaissance officielle des églises de gentils ; saint Paul, la confirmation de son titre d’apôtre, l’orthodoxie de son enseignement, l’approbation de son œuvre. Voilà pourquoi le même événement apparaît tantôt comme une assemblée publique, Act., xv, 22, tantôt comme une suite d’entrevues et de colloques privés avec les Apôtres. Gal., ii, 2. Là où les deux récits se rejoignent, c’est dans l’heureuse issue des négociations engagées. D’abord, Tite ne fut pas obligé de se faire circoncire. Gal., ii, 3. Il put prendre part aux assemblées, voir dans l’intimité ses frères, sans se soumettre aux prescriptions mosaïques. Comme les intransigeants avaient pensé l’y contraindre, Paul s’y opposa, parce qu’il prévit le parti qu’en tireraient