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PAUL (SAINT)


ses adversaires contre son apostolat et contre l’avenir des Églises nouvelles. On "exploiterait le cas de Tile comme un précédent contraire à l’admission libre des païens dans l’Église. L’Apôtre ne voulut donc pas, contrairement à ce qu’il fit plus tard pour Timothée, dont la mère était juive, Act., xvi, 2-3, que Tite se soumit à la circoncision. C’était trancher, par un exemple pratique, la question en litige. Les discours de Pierre et de Jacques mirent encore mieux en relief les principes qui avaient réglé cette conclusion. Deux points restèrent acquis devant toute l’assemblée : 1° On reconnut le droit des gentils d’appartenir à l’Église ; 2° on les dispensa des observances légales, surtout de la circoncision, leur enjoignant en échange quelques abstinences de première nécessité. Afin de faire disparaître toutes les traces de trouble qui avaient agité l’église d’Antioche et les communautés voisines, on rédigea pour elles une réponse écrite, par manière de décret, où l’on relatait les décisions pratiques de la conférence. Deux personnages influents dé l’Église-mère, Jude Barsabas et Silvain ou Silas, furent délégués par l’assemblée générale pour porter aux communautés de Syrie et de Cilicie le précieux document. Ils avaient, en outre, la mission de désavouer les frères de Judée qui avaient semé la discorde, Act., xv, 24, et de rendre témoignage à Paul et à Barnabe dont on reconnaissait les services, le dévouement. La lecture de cette Épître remplit de joie les fidèles d’Antioche. Jude et Silas qui étaient prophètes, firent entendre leur parole inspirée, ajoutant ainsi à l’allégresse commune. Silas en fut si enthousiasmé qu’il laissa son collègue, Jude Barsabas, reprendre seul la route de Jérusalem, et s’attacha à Paul pour partager ses travaux. Dans l’intervalle, Paul désirant revoir ses chères Églises de Galatie, proposa à Barnabe de reprendre leurs expéditions apostoliques. Mais ce dernier voulait emmener Jean-Marc avec eux. Paul s’y refusa. Il craignait sans doute depuis l’incident de Pergé, la versatilité du jeune jérosolymitain. Chacun alla donc de son côté : Barnabe et Jean-Marc vers Chypre ; Paul et Silas vers le nord d’Antioche, par la voie de terre. Paul se rapprocha plus tard de Barnabe. I Cor., ix, 6 ; Gal., ii, 9, et de Marc. Col., iv, 10 ; II Tim., iv, 11.

A partir de cette rupture les Actes perdent de vue les deux Apôtres de Chypre. Voir Barna.be, 1. 1, col. 1461. Pour l’heure, Paul prend pour compagnon de route Silas, le prophète de l’Église de Jérusalem qui était resté àAntioche. Silas, comme Barnabe, était en relation étroite avec Pierre, I Pet., v, 12, et possédait en outre le titre de citoyen romain. Act., xvi, 37, 38. Les deux missionnaires se dirigèrent vers la Cilicie, qu’ils traversèrent en partie, du côté de l’Orient, passèrent probablement à Tarse, puis, franchissant les célèbres Portes cili<nennes, ils pénétrèrent en Lycaonie et atteignirent Derbé, Lystre et Icône, communiquant à tous les nouveaux convertis les résultats 4e l a conférence de Jérusalem.

Toutes ces Églises de Lycaonie s’étaient développées et allaient tous les jours croissant en nombre et en ferveur. A Lystre, Paul retrouva Timothée, entouré de l’estime de tous. Il se l’attacha, dès ce moment, et en fit le plus fidèle et le plus aimé de ses disciples. Pour lui donner accès dans les milieux juifs, il le circoncit lui-même. Il n’y avait pas en cela inconséquence de principes. Timothée, fils d’une femme juive, appartenait, aux yeux des juifs, au peuple israélite et, d’après le décret de Jérusalem, il pouvait recevoir la circoncision.

2° Seconde mission. Act., xvi, 5-xvin, 23. — La période comprise dans les limites du deuxième voyage est peut-être la plus brillante et la plus féconde dans la carrière apostolique de Paul. Cette fois, l’itinéraire de la mission dépasse le cercle de la Grèce d’Asie et s’étend

jusqu’à la Grèce d’Europe, progrès immense, quand on songe qu’il s’est accompli dans l’espace d’environ .trois ans.

1. Séjour en Galatie. — La première étape de Paul et de Silas, en sortant d’Antioche, avait pour but de promulguer, dans les Églises de Galatie, précédemment évangélisées, les décisions du concile de Jérusalem. Les deux missionnaires visitèrent, de la sorte, les communautés naissantes de la Lycaonie : Derbé, Lystre et Icône. À Lystre, la troupe apostolique s’accrut du jeune Timothée. D’Icône Paul dut se rendre, bien que le texte ne le dise pas formellement, à Antioche de Pisidie, au cœur des hauts plateaux de la péninsule. Là, plusieurs routes s’offraient au voyageur. En allant vers l’ouest, on entrait dans l’Asie proconsulaire ; devant lui s’ouvraient les régions encore inexplorées de la Phrygie Épictète et au nord-est l’ancien royaume de Galatie. La caravane apostolique eut d’abord l’idée d’entamer les brillantes provinces de l’Asie occidentale : c’était la partie la plus riche et la plus civilisée de toute la contrée. Mais l’Esprit-Saint, on ne sait par quel signe, la détourna de ce projet. Elle s’enfonça donc dans la direction du nord, inclinant d’abord à droite vers les parties supérieures du pays galate, puis, revenant sur ses pas, elle traversa la Phrygie Épictète et arriva en Mysie. Se trouvant près des frontières de la Bithynie, Paul et ses compagnons essayèrent d’entrer dans cette province pour l’évangéliser. L’Esprit s’opposa de nouveau à leur dessein. Ils continuèrent donc leur route du côté de l’ouest, traversèrent la Mysie d’un bout à l’autre et arrivèrent à Alexandrie de Troade, port considérable, placé en face de la Macédoine, non loin des ruines de l’ancienne Troie.

Conduit là par l’Esprit de Jésus, l’Apôtre hésitait encore sur la route qu’il devait choisir. Allait-il descendre vers cette Éphèse, qui déjà l’attirait, ou bien évangéliserait-il la Mysie ? Jusqu’au dernier instant, il resta dans l’incertitude. Mais il vit en rêve un Macédonien debout près de lui, qui l’invitait et lui disait : « Viens à notre aide… » Grotius assimile cette vision à celle de Daniel, x, 13, et pense qu’il s’agit de l’ange de Macédoine. Pourtant l’apparition ne représentait pas un habitant du ciel, mais un vrai Macédonien. Quoi qu’il en soit, .Paul comprit que l’ordre de Dieu était qu’il allât en Europe ; il n’attendit plus qu’une occasion favorable pour partir. Une particularité, digne de remarque, vient de se mêler au récit. La troupe apostolique, prête à franchir la mer, compte désormais parmi ses membres le futur historien des origines chrétiennes.

2. Mission de Macédoine. — En deux jours, l’embarcation qui portait Paul et ses compagnons aborda à Néapolis, sur le continent européen. Néapolis servait de port à l’importante ville de Philippes, dans la province romaine de Macédoine. Voir Néapolis, col. 1542 ; Philippes. Nos voyageurs durent faire en peu de temps, sur la voie Égnatienne, les trois lieues qui séparaient les deux villes l’une de l’autre.

A) Fondation de l’Église de Philippes. Act., xvi, 12xvii. — Depuis l’occupation romaine, Philippes appartenait à la Macedonia prima, dont la capitale était Amphipolis. La ville était bien plus latine que grecque. La majeure partie de la population était romaine, provenant des débris du parti d’Antoine. Elle s’étaitmêlée à l’élément thrace et surpassait en nombre les familles de race grecque. Les Juifs paraissent avoir passé presque inaperçus en cet endroit. Us ne pouvaient que trouver peu d’avantages dans un milieu où il n’y avait ni industrie, ni commerce, et qui tirait toute sa renommée de son importance militaire. Thessalonique et les autres villes du littoral leur convenaient mieux. À Philippes, il n’y avait pas même de synagogue. Les réunions du culte se faisaient en plein air, dans un espace