Aller au contenu

Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
255
256
LILITH — LIMBES

si enracinée chez les Juifs superstitieux, que, quand une femme allait accoucher, le père de famille ou quelque autre personnage connu pour sa piété attachait à la porte de la maison, aux murailles, au lit, des écriteaux avec ces mots : « Adam, Eve, dehors Lilith. » On ajoutait parfois le nom de trois anges, Senoï, Sansenoï, Sanmanglof, qui, chargés de noyer Lilith dans la mer Rouge, l’avaient épargnée à condition qu’elle ne fit aucun mal aux enfants, là où elle verrait leurs noms écrits. La nuit qui précédait la circoncision de l’enfant, on écartait Lilith par des lectures pieuses. Cf. lien, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 512 ; Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, t. ii, p. 319-325. Voir Lamie, col- 53.

H. Lesêtre.

LIMAÇON, mollusque gastéropode de l’ordre des pulmonés, pourvu d’une coquille qui se déroule régulièrement jusqu’à une assez large ouverture, par laquelle l’animal sort la plus grande partie de son corps. Le type de la famille des limaçons ou hélicidées est Y hélix pomatia, escargot commun ou colimaçon qui se trouve dans tous les pays (fig. 76). Au même ordre des pulmo

76. — Hélix ïiomatia.

nés, mais à la famille des limacidées, appartient la limace, qui diffère du limaçon surtout par l’absence de coquille. Ces deux sortes de mollusques sont hibernants ; ils passent la mauvaise saison engourdis l’un dans sa coquille, et l’autre dans la terre. Tous deux, en rampant, laissent sur leur passage une trace brillante formée par une humeur visqueuse que leur peau dégage abondamment. Au Psaume lviii (lvii), 9, il est dit des impies : « Qu’ils aillent en se fondant, comme le Sablûl. » Ce mot ne se lit que dans ce passage. Les Septante et la Vulgate l’ont traduit par κήρος, cera, « cire, » sens suggéré par le mot fe’més, « fusion, dissolution. » Mais la cire est déjà connue sous le nom de dônag. Voir Cire, t. ii, col. 780. Pour les anciens Juifs, le sablûl est un mollusque. Le Targum traduit ce mot par zehïl tiblàlàh, « ver de limace, » et saint Jérôme par verniis tabefactus. Il est dit dans le Schabbath, Il b, que Dieu a créé le sablûl pour panser les tumeurs, ce qui convient aux limaces et aux limaçons. Ce sont ces mollusques que l’on croit généralement aujourd’hui désignés par le mot sablûl. Tous deux, en effet, par la trace qu’ils laissent derrière eux, semblent bien se fondre et user leur substance. Il n’y aurait là, d’ailleurs, qu’une manière de parler populaire, car le mollusque ne perd rien de sa substance en rampant ; il ne fait que dégager une humeur que sécrètent ses muqueuses, et qui facilite son glissement sur les objets plus ou moins rugueux. Frz. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 421, pense qu’il s’agit, dans le Psaume, de la limace, et non de l’hélice ou escargot, actuellement appelé halezôn en Palestine. Tristram, The natural History of ihe Bible, Londres, 1889, p. 295, tout en admettant l’explication populaire qui suppose une consomption du mollusque à mesure qu’il rampe, en apporte une autre qui tient davantage compte de la réalité. Les limaçons de Palestine n’hivernent pas comme les nôtres pendant la sai son froide ; c’est, au contraire, durant la saison sèche qu’ils dorment’retirés dans leur coquille. Beaucoup d’entre eux peuvent ainsi rester longtemps sans humidité extérieure. Pour prévenir l’évaporation de celle qu’ils possèdent, ils s’abritent alors sous les pierres, sous les mousses, ou même dans la terre. Les fissures des rochers en sont remplies. Les limaçons du désert, qui souvent ne trouvent pas d’écrans contre les rayons du soleil, sont pourvus de coquilles très épaisses qui les protègent lorsqu’ils se collent aux branches des arbrisseaux. Il arrive cependant très fréquemment que la chaleur dessèche les limaçons, malgré tous les soins qu’ils ont pris pour s’abriter. Quand la sécheresse a été longue et continue, ou quand les rayons du soleil ont pénétré dans leurs abris, les myriades de coquilles que l’on trouve adhérentes aux rochers sont à peu près vides ; le mollusque qu’elles contenaient a été desséché, consumé, « fondu, » comme s’exprime le Psalmiste qui, peut-être, fait allusion à ce fait si fréquent. On signale en Palestine plus de cent quarante espèces de mollusques aquatiques ou terrestres. Ils appartiennent aux genres hélix, bulimus, pupa, clausilia et cyclostoma. Par contre, les limaces, que ne protège aucune coquille, sont très rares, à cause de la sécheresse du climat. Il est donc tout à fait probable que le Psalmiste a eu en vue le limaçon.

H. Lesêtre.


LIMBES, séjour des âmes qui, n’ayant pas mérité l’enfer proprement dit, ne pouvaient, avant la rédemption, entrer dans le ciel. — L’existence de ce séjour, ou de cet état particulier des âmes justes, se déduit logiquement et théologiquement des trois vérités suivantes : 1° les âmes qui ont quitté ce monde dans la grâce de Dieu ne peuvent être envoyées en enfer, séjour des damnés morts par leur faute dans l’inimitié de Dieu ; 2° les expiations à subir par les âmes justes qui ont emporté avec elles des fautes légères ou les dettes résultant de fautes graves pardonnées, ne peuvent être que des expiations temporaires ; 3° les âmes qui n’étaient pas en enfer ou qui étaient sorties du purgatoire avant la mort de Notre-Seigneur se trouvaient dans une condition spéciale comportant pour elles un état et un séjour particuliers. — Ce séjour a reçu, dans la tradition catholique, le nom de « limbes », du latin Urubus, qui signifie « bordure, zone », parce que les limbes constituaient comme une bordure de l’enfer, une zone entre l’enfer que ces âmes ne méritaient pas, et le ciel qui demeurait inaccessible pour elles avant l’entrée triomphale de Jésus-Christ, au jour de son ascension. Les limbes sont mentionnées dans la Sainte Écriture sous des noms divers : le sein d’Abraham, voir t. i, col. 83 ; les enfers, voir Enfer, t. ii, col. 1792 ; l’Hadès, voir t. iii, col. 394 ; le paradis, voir Paradis ; le se’ôl, voir Scheôl. C’est surtout dans le Nouveau Testament qu’il est fait allusion à ce séjour. Là, les justes seront au festin avec Abraham, Matth., viii, 11 ; Luc, xiii, 29 ; xiv, 15 ; xxii, 30 ; le pauvre Lazare y aura sa place, Luc, xvi, 22-26 ; les vierges sages y serontreçues, Matth., xxv, 10 ; le bon larron y entrera aussitôt après sa mort. Luc, xxiii, 43. Saint Paul dit que le Sauveur « est descendu dans les régions inférieures de la terre », Eph. r iv, 9, [ce que saint Irénée, Cont. hxr., iv, 27, 1, t. vii, col. 1058 ; Tertullien, De anim., 55, t. ii, col. 742, etc., entendent de la visite qu’il fit après sa mort aux âmes justes qui étaient dans les limbes. Cf. Petau, De incarn. Verbi, XIII, xvi-xviii. Saint Pierre, dans sa première Épitre, iii, 18-20, est encore plus explicite. Il dit que le Christ, après avoir été mis à mort dans sa chair, alla prêcher, ἐκήρυξεν, aux esprits qui étaient en prison et qui autrefois, aux jours de Noé, s’étaient montrés incrédules. Ces esprits en prison ne sont pas ceux de l’enfer, auxquels toute prédication serait inutile, mais ceux des limbes, parmi lesquels se trouvaient des âmes dans lesquelles le châtiment du déluge avait produit un repen-