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LOI MOSAÏQUE

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leurs fautes et à s’assurer pour l’avenir la possession de l’éternité bienheureuse. Saint Pierre dit que Notre-Seigneur trouva dans les limbes, par conséquent sur le chemin assuré du salut, des incrédules du temps de Noé, qui avaient été engloutis par le déluge. I Pet., iii, 20. À plus forte raison faut-il regarder comme sauvés tant de saints patriarches et de pieux Israélites dont la Sainte Écriture fait l’éloge. Eccli., xliv-l ; Heb., xi, 140, etc. À ce point de vue important, grâce à leur connaissance du vrai Dieu et à leurs rapports avec lui, les Israélites se trouvaient donc dans une situation meilleure que les païens.

VII. Abrogation de la loi mosaïque. — 1. La loi mosaïque se composait, comme on l’a dit, d’éléments divers. Elle comprenait des préceptes de morale naturelle ou positive, et des prescriptions cérémonielles et civiles. Il est évident que les préceptes de morale naturelle ne pouvaient être abrogés, puisqu’ils tiennent aux rapports essentiels de l’homme avec Dieu. Les préceptes de morale positive se rattachent logiquement, pour la plupart, aux préceptes du Décalogue ; ils n’étaient donc pas davantage susceptibles d’abrogation. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a II*, q. c, a. 12. Ce sont ces préceptes que Notre-Seigneur déclare toujours en vigueur et dont il ne veut pas retrancher un iota. Matth., v, 17 ; Luc, xvi, 17. — 2. Il y a dans la loi mosaïque d’autres préceptes concernant le culte, la vie religieuse et civile, qui ne devaient spécialement concerner que les Juifs, et dont la raison d’être et l’obligation allaient cesser à l’apparition de la loi nouvelle. Les Apôtres eux-mêmes eurent quelque peine à le comprendre. Ainsi saint Pierre hésite beaucoup à passer par-dessus les lois de pureté légale pour aller baptiser le centurion Corneille. Les autres apôtres et les disciples lui surent mauvais gré de ce qu’ils regardaient comme une infraction à une loi intangible, et saint Pierre fut obligé de se justifier devant eux. Act., x, 13-xi, 18. L’observation de la loi mosaïque par les nouveaux chrétiens devint bientôt l’objet de vives discussions. La difficulté n’existait guère pour les Juifs qui se convertissaient et qui n’avaient pas de peine à continuer les anciennes pratiques. Mais fallait-il assujettir aux prescriptions mosaïques les chrétiens venus du paganisme ? D’acharnés judaïsants le voulaient. Voir Judaïsaots, t. iii, col. 17791782. Saint Paul s’y opposa énergiquement. Saint Pierre porta le premier coup à l’antique législation en proclamant qu’on n’était sauvé que par la grâce du Sauveur Jésus, et que ce serait tenter Dieu que de vouloir mettre sur le cou des disciples un joug que ni les Juifs actuels ni leurs pères n’avaient pu porter. Act., xvj 10, 11. Sans déclarer l’ancienne loi absolument abrogée, les Apôtres se contentèrent d’imposer aux nouveaux convertis l’abstinence des viandes sacrifiées aux idoles, du sang des animaux étouffés et de l’impudicité. Act., xv, 29. C’étaient les seuls préceptes anciens maintenus par saint Jacques. Act., xv, 20. Le dernier était de droit naturel. Les deux premiers étaient conservés pour ménager les susceptibilités des Juifs. Mais tout le reste de la loi mosaïque était abandonné comme n’ayant plus de raison d’être. Bientôt même les restrictions concernant les aliments furent abolies en pratique dans les chrétientés de la gentilité, et saint Paul ne les maintint que dans les cas où il y eût eu scandale à passer outre. Rom, , xrv, 15 ; Col., ii, 16. L’abrogation porta en définitive sur ce qui caractérisait essentiellement la vie juive : la circoncision, la séparation d’avec les étrangers, les pratiques de pureté extérieure, le choix des aliments, les sacrifices sanglants, la fréquentation du Temple, la célébration des fêtes, la fixation du sabbat au septième jour de la semaine, etc. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a II », q. cni, a. 3 ; q. civ., a. 3. — 3. La légitimité de cette abrogation est démontrée dans l’épître aux Hébreux. Jésus-Christ, Fils de Dieu, humilié dans son incarna tion, puis glorifié à la suite de ses souffrances, est supérieur à Moïse. Heb., iii, 3. Son acerdoce est supé~ rieur à celui d’Aaron. Heb., v, 4-6. Prêtre selon l’ordre de Melchisédech, et non selon l’ordre d’Aaron, il remplace le sacerdoce lévitique, qui était imparfait, par son sacerdoce à lui. Or, « le sacerdoce étant changé, il y a aussi nécessairement changement de la loi. » Heb., vu, 12. « Il y a ainsi abrogation de la législation antérieure, à cause de son impuissance et de son inutilité,

— car la loi n’a rien amené à l’état parfait, — et introduction d’une meilleure espérance, par laquelle nous approchons de Dieu. » Heb., vii, 18, 19. Jésus-Christ est « le médiateur d’une meilleure alliance, établie sur de meilleures promesses, car si la première avait été sans défaut, il n’y aurait certes pas lieu à lui en substituer une autre ». Heb., viii, 6, 7. Par ses prophètes le Seigneur a promis une nouvelle alliance. « Or, qui dit nouvelle, suppose une précédente qui est ancienne. Mais ce qui est ancien et a vieilli est bien près de disparaître. » Heb., viii, 13. La première alliance a été scellée par le sang des victimes, la seconde est scellée par le sang de Jésus-Christ. C’est ce sang qui assure « le rachat des transgressions commises sous la première alliance ». Heb., ix, 15. « La loi, qui ne possède que l’ombre des biens à venir et non la véritable représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices perpétuellement offerts chaque année, amener à la perfection ceux qui y prennent part. » Mais le Christ, « par une seule offrande, a amené pour toujours à la perfection ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 1, 14. « Jésus est le médiateur de la nouvelle alliance. » Heb., xii, 24. Les paroles du prophète : « Encore une lois j’ébranlerai non seulement la terre, mais aussi le ciel, » indiquent le changement des choses provisoires et qui ont fini de servir, afin que demeurent les choses définitives. Accueillant donc le royaume qui ne doit pas changer, soyons reconnaissants en servant Dieu par un culte qui lui soit agréable. Heb., xii, 27, 28. L’abrogation de la loi mosaïque et son remplacement par la loi évangélique est ainsi une conséquence nécessaire de l’incarnation et de la rédemption. La Providence prit soin de rendre cette abrogation effective : le Temple fut définitivement détruit en l’an 70, les sacrifices et toute la partie rituelle de la loi ancienne devinrent dès lors impraticables, les Juifs furent dispersés loin de leur patrie et obligés de renoncer à la plupart de leurs usages traditionnels. — 4. Non seulement les pratiques de la loi mosaïque ont été abrogées et sont devenues inutiles, mais même elles ne pourraient que rendre coupable celui qui continuerait à s’y attacher en leur supposant encore quelque valeur. Saint Paul disait : « Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien… Vous êtes séparés du Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce. » Gal., v, 2, 4. Du reste, l’abrogation de la loi ne se fit pas brusquement, ainsi que le montre la pratique des Apôtres qui continuent un certain temps à fréquenter le Temple, Luc, xxiv, 53 ; Act., iii, 1, et maintiennent provisoirement certaines prescriptions mosaïques. Act., xv, 29. De leur conduite et de leurs paroles, il résulte que, jusqu’à la passion du Sauveur, les rites mosaïques furent obligatoires pour les Juifs et utiles ; de la/passion du Sauveur à la propagation suffisante de l’Évangile, ils furent inutiles en eux-mêmes, mais restèrent facultatifs ; enfin, après la prédication de l’Évangile, ils devinrent nuisibles et prohibés, pour autant qu’on prétendait leur attribuer de la valeur au point de vue du salut. Cf. S. Jérôme, Ep., an, 12-14 ; cxvi, 18-20, t. xxii, col. 923-925 ; 944, 945 ; S. Augustin, Epist., xl, 3^7, t. xxxiii, col. 155-157 ; S. Thomas, Sum. theol, I » II », q. ciii, a. 4 ; Cornely, Epist. ad Galat., Paris, 1892, p. 465-557. — Sur la législation mosaïque, voir J.H. Hottinger, Juris Hebrseorvm leges, Zurich, 1655 ; .