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MAGE


Israélites en Perse durant la captivité avait servi à faire connaître aux mages les grandes prophéties messianiques et que cette connaissance avait été entretenue et développée par les nombreux Juifs restés dans ce pays après la captivité. Voir t. ii, col. 239-240. Il n’est pas étonnant d’ailleurs que l’attente d’un Sauveur, alors générale dans le monde entier, cf. Tacite, Hist., v, 13 ; Suétone, Vespas., 4, eût saisi plus particulièrement l’esprit d’hommes aussi religieux, et aussi réfléchis que les mages.

5° Époque de leur arrivée. — 1. Les mages arrivèrent à Jérusalem « aux jours du roi Hérode » et à une époque où Hérode se trouvait dans sa capitale. Matth., ii, 1, 3, 7. Or Hérode mourut à Jéricho vers la fin de mars de l’an 750 de Rome (4 avant J.-C). Il était resté quelque temps dans cette ville et auparavant avait séjourné aux eaux de Callirrhoé. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 5-vm, 1 ; Bell, jud., i, xxxiii, 6^8. C’est donc tout au plus à la fin de 749 ou au commencement de 750 que les mages ont pu le trouver à Jérusalem. — 2. Il est impossible de savoir exactement depuis combien de temps le Sauveur était né quand ils arrivèrent. La date assignée à la fête de l’Epiphanie, treize jours après celle de la Nativité, ne préjuge en rien la question ; car

l’adoration des mages a suivi de deux ans la naissance. Cf. Eusèbe, Qusust. evang. ad Steph., t. xxii, col. 933 ; S. Épiphane, Hser., Ll, 9, t. xli, col. 904 ; Juvencus, Hist. evang., i, 259, t. xix, col. 95 ; S. Jérôme, Chron. Euseb., an. 3, t. xxvil, col. 562, etc. La conclusion n’est pas rigoureuse, parce que, pour ne point manquer sa victime, Hérode a fort bien pu faire massacrer des enfants un peu plus âgés que celui qu’il voulait atteindre. De fait, à part une représentation de l’enfant Jésus encore dans sa crèche quand les mages l’adorent (fig. 172), cf. Pératé, Archéol. chrét., p. 312, les anciens monuments montrent toujours le divin Enfant sur les genoux de sa mère, souvent même déjà assez grandi. Cf. Garrucci, Storia delV arte christiana, Rome, 1872, t. i, p. 363 ; Lehner, Marienverehrung in den ersten Jahrhimderten, Leipzig, 1880, p. 334 ; Cornely, Introd. spécial, in singulos N. T. libres, Paris, 1886, p. 203-205. — 4. Du côté des mages, les probabilités semblent aussi favoriser une arrivée assez tardive à Jérusalem. L’Evangile ne dit pas à quel moment l'étoile leur apparut. On croit généralement qu’elle commença à se montrer au moment de la naissance ; saint Justin, Cont. Tryph., 106, t. vi, col. 724, avance même son apparition à l'époque

172. — Adoration des mages. Sarcophage du musée de Latran. D’après une photographie.

on sait qu’au courant du iv » siècle les Églises d’Orient célébraient à la fois, le 6 janvier, la naissance du Sauveur, son adoration par les mages et son baptême, tandis qu'à la même époque, en Occident, on fêtait la naissance le 25 décembre. Les deux usages furent ensuite combinés. Saint Jean Chrysostome, dans un sermon de 386, t. xlix, col. 351, atteste que la fête du 25 décembre n'était célébrée à Antioche que depuis dix ans. Elle ne fut adoptée que plus tard à Jérusalem et à Alexandrie, Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 247-249. L’usage liturgique ne peut donc nullement prouver que les mages soient arrivés à Jérusalem treize jours après la naissance du Sauveur, comme le croyait saint Augustin, Serm., cem, 1, 3, t. xxxviii, col. 1035, 1036 ; De consens. Evang., ii, 5, 17, t. xxxiv, col. 1082. — 3. Voici ce qui paraît se dégager de plus net des récits évangéliques. Il est impossible d’admettre que l’adoration des mages ait eu lieu avant la présentation de l’enfant Jésus au Temple ; car, l'éveil étant donné à la haine d’Hérode, cette présentation eût été impraticable. Cf. B. Triebel, De magis post Jesu in teniplo reprissent, advenientibus, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 111-118. De plus, saint Luc, it, 39, d’après certains commentateurs, suppose un voyage de la sainte Famille à Nazareth après la présentation, sans doute en vue des mesures à prendre pour un établissement définitif à Bethléhem, séjour que saint Joseph croyait imposé par les circonstances à l’Enfant et à ses parents. Cf. Grimm, Leben lesu, Ratisbonne, 1876, t. i, p. 329. C’est seulement après ce retour à Bethléhem que les mages se seraient présentés. La précaution prise ensuite par Hérode de faire massacrer les entants de Bethléhem jusqu'à l'âge de deux ans, « selon le temps dont il s'était informé auprès des mages, » Matth., ii, 16, a porté plusieurs Pères à penser que

de l’incarnation, par conséquent neuf mois auparavant. Il n’y a aucun motif pour l’avancer davantage. Or les mages venaient de Perse ; à les supposer partant de Persépolis, le voyage jusqu'à Jérusalem était d’environ 2000 kilomètres par la vallée de l’Euphrate et celle du Jourdain. Les mages durent employer un certain temps à faire leurs préparatifs de départ. Leur caravane, vraisemblablement assez nombreuse, s'ébranla et voyagea avec la lenteur habituelle aux Orientaux. Le chameau peut, il est vrai, fournir une course de 40 à 50 kilomètres par jour, voir Chameau, t. ii, col, 521, ce qui eût déjà exigé au moins quarante jours de marche de Perse en Judée. Mais les mages n’allaient pas de ce train ; rien d’ailleurs ne les pressait. Bien que l’on ne puisse rien préciser, il ressort de toutes ces remarques que les mages ne parurent à Jérusalem qu’un temps notable après

la naissance du Sauveur, temps qui peut aller de trois mois à douze ou quinze. Cf. Greswell, Dissertations on a Harmony of the Gospel, Oxford, 1840, t. ii, diss. xviii.

; 6° Leur séjour en Judée. — 1. Les mages avaient vu

l'étoile dans leur pays et étaient partis après son apparition. Matth., Il, 2. Arrivés à Jérusalem, ils se heurtèrent à l’ignorance du peuple juif qui ne savait rien de la naissance de son Messie et à la malveillance cauteleuse d’Hérode. On les renseigna à l’aide d’une prophétie de Michée, v, 2, et ils partirent pour Bethléhem, qui n’est qu'à une dizaine de kilomètres de la capitale. A leur grande joie, l'étoile se montra de nouveau à leurs yeux, et les précéda vers le terme de leur voyage. Les mages reconnurent que, malgré l’ignorance surprenante dans laquelle ils avaient trouvé les Juifs, eux-mêmes n'étaient pas le jouet d’une illusion. À Bethléhem, et non à Nazareth, comme quelques-uns l’ont imaginé contrairement à toute vraisemblance (cf. Tillemont, Mémoires pour servir à l’hist. ecclés., Paris, 1693, 1. 1,