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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/346

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MANNE


les Hébreux allaient être mis en mesure de pouvoir se passer. Exod., xvi, 13. Aussi lorsque, quelques mois après, ils en réclamèrent de nouveau, le Seigneur en accorda encore, mais punit sévèrement l’indiscrète exigence de son peuple. Num., xi, 31, 32. Voir Caille, t. ii, col. 33. Un autre aliment devait en effet constituer la nourriture habituelle de l’immense caravane. — 2° Le lendemain matin, la rosée couvrait le sol tout autour du camp, et, quand elle se fut évaporée, on vit à terre une couche écailleuse ayant l’aspect de la gelée blanche. Les Israélites s’écrièrent : mân hxC, zl è<rri toOto, quid est hoc, « qu’est ceci ? » Moïse leur dit : « C’est le pain que Jéhovah vous donne pour nourriture. » Exod., xvi, 14-16. Le mot mân est employé ici comme interrogatif au lieu de mâh, qui est le terme ordinairement usité en hébreu. En araméen, » iâ » _veut dire « qui ? » I Esd., v, 3, 9 ; Dan., m, 15, et même « quoi ? » I Esd., v, 4. De ce qu’elle n’apparaît qu’une fois en hébreu, il ne suit nullement que cette forme d’interrogation soit étrangère à cette dernière lan. gue. Ce mot mân, qui avait exprimé leur étonnement, devint pour les Hébreux le nom de la chose nouvelle pour laquelle ils n’avaient pas encore de terme. Exod., xvi, 31. Si le nom de mann es-sama, « don du ciel, » que les Arabes donnent à l’exsudation du tamaris, avait été déjà en usage alors dans la péninsule Sinaïtique, il aurait pu être aussi emprunté par les Hébreux pour désigner une substance analogue, bien que très différente à beaucoup d’égards. Rien pourtant ne prouve que cette expression remonte à une si haute époque, et elle doit vraisemblablement son origine à l’histoire de l’exode. Quant au mot mennu, par lequel les anciens Égyptiens désignaient cette même manne naturelle, cf. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 226, il a pu être connu des Hébreux ; mais il n’est guère probable qu’ils aient songé alors à s’en servir pour nommer une substance qu’ils voyaient pour la première fois.

III. Nature de la. manne. — 1° À première vue, la manne semblait être quelque chose de niehuspds, pareil à de petites écailles, et ayant la forme de gelée blanche. Exod., xvi, 14. À l’usage, la manne parut semblable à la graine de coriandre. Cette graine a environ cinq millimètres de diamètre et est d’un brun clair. La coriandre abonde dans le pays où étaient les Hébreux. Voir Coriandre, t. ii, col. 973. La comparaison ne porte que sur la grosseur des grains de la manne. La forme écailleuse se retrouve dans les côtes saillantes que présente le fruit de la coriandre. La manne était blanche, justifiant ainsi sa ressemblance avec la gelée. Exod., xvi, 31. Elle avait aussi l’apparence, ’en, elSoç, du bdellium. Num., xi, 7. Le bdellium est une gomme aromatique, de couleur rouge ou plus claire, mais transparente et assei semblable à de la cire. Voir Bdellium, 1. 1, col. 1527. La comparaison porte ici sur la transparence et la consistance. — 2° La manne avait le goût de gâteau, sapîhip, â-fxpi’ç, simila, au miel. Exod., xvi, 31. Elle avait aussi celui de gâteaux à l’huile. Num., xi, 8. Le livre de la Sagesse, xvi, 20-27, appelle la manne « nourriture des anges » et « pain venu du ciel », ce qui marque bien son origine. Il ajoute qu’elle avait en elle tous les goûts agréables, qu’elle s’accommodait au désir de chacun et, qu"ayant l’apparence de la glace, elle fondait au soleil tandis que le feu, la cuisait et en faisait un aliment pour l’homme. Il n’est pas nécessaire de prendre à la lettre tous les traits de cette description. Cette accommodation aux goûts de chacun peut signifier simplement que la manne constituait un aliment assez agréable et assez complet pour tenir lieu de tout autre. « Ceux qui en mangeaient n’avaient pas besoin d’autre nourriture. » Josèphe, Ant. jud., III, i, 6. Pendant quarante ans, la manne constitua la nourriture sinon exclusive, du moins principale des Hébreux au désert. La chair de leurs troupeaux entrait pour quelque chose dans leur alimentation. Il en est question à propos des sacrifices, Lev., vi, 9 ; vii, 15-20,

à propos des animaux purs, Lev., xi, 2-4, des endroits où devaient se faire les immolations. Lev., xvii, 3-16, etc. Mais cette nourriture animale était si rare pour le commun des Israélites, qu’ils se plaignirent par deux fois de n’avoir pas de viande à manger, Exod., xvi, 3 ; Num., xi, 4, et prétendirent ne voir partout que de la manne. Num., xi, 6. Ils avaient pourtant de la farine, Lev., viii, 2, 26, 31 ; ix, 4 ; xxiv, 5 ; Num., vii, 13, 25, 31 ; Jos., i, 11, le lait de leurs troupeaux, des aliments achetés aux peuplades du désert, Deut., Ii, 6, 18 ; etc. Les produits naturels du sol devaient aussi être plus nombreux à une époque où la rosée tombait tous les jours, Exod., xvi, 13, Num., xi, 9, et où la culture n’était pas systématiquement délaissée, comme elle l’est depuis la conquête musulmane. En fait, la manne fut la principale nourriture des Hébreux pendant quarante ans, jusqu’à ce qu’après le passage du Jourdain ils trouvassent en Chanaan l’équivalent de l’aliment du désert, le blé et les autres produits du pays. Jos., v, 12. — 3° La manne pouvait probablement se manger à l’état naturel. Josèphe, Ant. jud., III, i, 6, le suppose, et le récit de l’Exode, xvi, 11-23, tout en mentionnant la cuisson de la manne, ne présente pas cette opération comme nécessaire pour rendre la manne comestible. Néanmoins on pouvait lui faire subir différentes préparations qui servaient au moins à la rendre plus agréable. On la broyait avec des meules, comme du blé, on la pilait dans des mortiers, on la faisait cuire dans des vases et on en fabriquait des gâteaux. Num., xi, 8. On pouvait donc prendre cet aliment sous des formes variées et ajouter à sa saveur naturelle celle qui résultait d’une industrieuse préparation. Aussi, après les deux mécontentements de la première année, on ne voit pas que les Hébreux se soient plaints de la manne. Le souvenir reconnaissant en resta au contraire jusque dans des générations très éloignées. Ps. lxxviii (lxxvii), 24, 25 ; II Esd., ix, 21 ; Joa., vi, 31.

IV. Caractères surnaturels de la manne. — Dans ce que la Sainte Écriture raconte de la manne, on remarque les traits suivants qui la caractérisent comme un don extraordinaire et miraculeux. 1° Moïse annonce à l’avance, de la part du Seigneur, l’apparition de la manne. Exod., xvi, 4-8. — 2° La manne apparaît inopinément, Exod., xvi, 14, et disparaît de même et pour toujours, sur l’ordre du Seigneur. Exod., xvi, 35 ; Jos., v, 12. — 3° Elle descend uniquement dans les régions qu’occupent successivement les Hébreux, des environs du Sinaï à la plaine de Jéricho. — 4° Elle pleut du ciel, comme une rosée, pendant la nuit. Exod., xvi, 4, 13-14 ; Num., xi, 9. — 5° Elle couvre le sol régulièrement tous les matins, sauf le matin du sabbat. Exod., xvi, 23-29. — 6° Les Hébreux ont beau en ramasser les uns plus, les autres moins ; chacun n’en trouve finalement en sa possession qu’un gomor, soit 3 litres 88. Exod., xvi, 18. Voir GûMojt, t. iii, col. 273. — 7° Tout ce qu’on veut garder de la manne pour le lendemain se corrompt, engendre des vers et devient infect ; néanmoins, la veille du sabbat, on en ramasse pour deux jours et la provision du lendemain demeure intacte. Exod., xvi, 19-21. — 8° La chaleur du soleil fait fondre la manne, celle du feu permet de la faire bouillir et de lui donner la consistance de gâteaux ordinaires. Exod., xvi, 23 ; Num., xi, 8. — 9° La manne qui se corrompt si facilement au bout de quelques heures peut être conservée dans l’arche d’alliance jusqu’à l’époque de la captivité. Exod., xvi, 33, 34 ; Heb., ix, 4.

— 10° Enfin, pendant quarante ans, la manne tombe chaque jour en quantité suffisante pour nourrir, à raison de quatre litres environ pour chacun, tout un peuple qui se compose de plusieurs centaines de mille personnes. Num., Il, 45, 46. — On comprend dès lors que les Psalmistes appellent la manne « froment du ciel », « pain du ciel » et « pain des anges », Ps. lxxviii (lxvii), 24, 25 ; cv (civ), 40, et que les Juifs du temps de Notre-Seigneur soient fiers de reproduire ces appellations. Joa., vi, 31.