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MARC (ÉVANGILE DE SAINT)

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analogues, en y ajoutant des renseignements que nous rapporterons plus loin sur l’occasion, le temps et le lieu de la composition du second Évangile. Tertullien, Adv. Marcion., iv, 5, t. ii, col. 367, dit de même : Licet et Marcus quod edidit (Evangelium) Pétri affirmetur cujus interpres Marcus. Origène, cité par Eusèbe, H. E., vi, 25, t. XX, col. 581 : AeÛTepov 8è t6 xocto MSpxov, wç Ilétpoç ûipY]yT|<TaTO a-jxfi, woiiiaovTa. Victorien de Pettau (vers 300} avait connu le témoignage de Papias qu’il répétait en disant : Marcus interpres Pétri ea quse in munere docebat commemoratus conscripsit, sed non ordine. Eusébe, qui avait cité Papias et Clément d’Alexandrie, reproduit à son tour les mêmes renseignements. Il rapporte, H. E., ii, 16, t. xx, col. 173, que Marc, s’étant rendu en Egypte, y prêcha l’Évangile qu’il avait composé. Il signale les relations du second Évangile avec la prédication de Pierre : Toûtov Mâpxoç fvâ>pmo ; xa « poitir)ri)Ç Ye Y ov ^ >i : àjtoiiviqiJLOveOffat Xéyetat tà( toO Tlixpai) mpt tSv jtpdtÇeeov toO’Iyiuoû SiaXéÇsiç. Demonst. evang., iii, 5, t. xxii, col. 216. Mâpxo ; jiév taOta YP « ? £’i IléTpo ; Si taCra icepi èautoO [lapTupeî - flivta f&p ta îrapà Mâpxto Tûv nirpou 5taXIÇeo)v eîvat Xéyexat àTtojivï)[j, oveu£iara. Ibid., col. 217. Saint Épiphane, Hier, li, 6, t. XLi, col. 900, et saint Jean Chrysostome, In Matth., Hom. lxxxv, 1, t. lviii, col. 758, disent simplement que Marc composa son Évangile d’après Pierre. Mais d’autres écrivains en arrivent presque à faire de saint Pierre l’auteur réel du second Évangile et à réduire le rôle de Marc à celui d’un secrétaire qui écrivait sous sa dictée. Ainsi la Synopsis Script. Sacrée, attribuée à saint Athanase, 76, t. xxviii, col. 433, dit : Tb xarà Mipxov EùayysXtov OttYiYopEOOT] (jiv mo IUipou toû àitouriftoo 4v’Pû(i, T), èÇeBôdif) Si ùico Mâpxou. Saint Jérôme est presque aussi formel. De viris illust., 1, t. xxiii, col. 609, il dit qu’on attribue à Pierre l’Évangile de Marc, son auditeur et son interprète. Ibid., 8, col. 621, il assure : Marcus, discipulus et interpres Pétri juxta quod Petrum referentetn audierat, rogatus Roniee a fratribus brève scfipsit Evangelium. Il écrit à Hédibia, Epist. cxxi, 11, t. xxii, col. 1002 : Habebat ergo (Paulus) Titum interpretem, sicut et beatus Pet^us Marcum, cujus Evangelium Petro narrante et illo scribente compositum est. Cf. Comment, in Matth., prœf., t. xxvi, col. 18. Il est inutile de citer les témoignages postérieurs qui ne font que reproduire les précédents. Ceux-ci suffisent à établir que dans l’Église on a, dès l’origine, tenu le second Évangile comme l’œuvre de saint Marc, disciple de Pierre.

3° Identité de l’Évangile de Marc, tel que la tradition ecclésiastique le représente, avec le second Évangile canonique. — La "tradition est donc unanime à constater les rapports de l’Évangile de Marc avec la prédication de saint Pierre. Or unanimement aussi les critiques reconnaissent « que l’Évangile de Marc est celui où la personnalité de Pierre est davantage empreinte ». P. Batilfol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 60. La vocation de Pierre est un des premiers événements de la vie publique du Sauveur, I, 16. La guérison de la belle-mère de Pierre est la première de celles dont on fait le récit, I, 29-31. Simon est seul nommé de ceux qui suivent Jésus, i, 35. Il est le premier des apôtres, iii, 16, le premier des trois qui assistent à la résurrection de la fille de Jaïre, v, 37, à la transfiguration, ix, 1, et c’est celui qui prend la parole, IX, 4. C’est lui qui à Césarée de Philippe proclame son maître le Messie, viii, 29. C’est lui qui ne veut pas entendre parler de la passion et reçoit à ce sujet une vive réprimande, viii, 32, 33. Il rappelle à Jésus le désintéressement avec lequel les apôtres l’ont suivi, x, 28. Il indique à Jésus les effets de la malédiction portée contre le figuier stérile, xi, 21. Il est encore un des quatre apôtres qui interrogent le Maître sur l’époque de la destruction du Temple de Jérusalem, xiii, 3, et un

des trois témoins de l’agonie, XIV, 33. C’est à lui que le Sauveur reproche d’avoir cédé au sommeil, xiv, 37. Pierre suit de loin la troupe qui emmène Jésus et pénètre dans la maison du grand-prêtre, xiv, 54. Marc raconte avec des détails circonstanciés le triple reniement de Pierre et il est seul à mentionner le double chant du coq, xiv, 66-72. Pierre est nommément distingué des douze apôtres dans le message que reçoivent les saintes femmes au matin de la résurrection, xvi, 7. On a remarqué que si Marc rapporte toutes les circonstances les plus propres à humilier Pierre, il omet le récit le plus honorable pour lui, celui dans lequel Pierre reçoit de Jésus la primauté sur toute l’Église en récompense de sa profession de foi, Matth., xvi, 16-19, aussi bien que sa marche miraculeuse sur les eaux du lac. Matth., xiv, 28-31. Depuis Eusèbe de Césarée, Demonst. evangel., iii, 5, t. xxii, col. 216, on a pensé que saint Marc, reproduisant les discours de saint Pierre, avait laissé de côté ce que l’apôtre taisait par humilité.

Bien plus, Klostermann, Das Marcus Evangelium, Gœttingue, 1867, p. 72, a remarqué avec perspicacité, qu’en plusieurs passages Marc semble s’être borné à changer le nous de la prédication de Pierre en ils du récit historique, au risque de laisser quelque indécision dans la narration. Ainsi à la suite de la guérison d’un possédé dans la synagogue de Capharnaum, Marc dit : « Et aussitôt sortant de la synagogue, ils vinrent dans la maison de Simon et d’André avec Jacques et Jean, ». i, 29. Qui sont ceux-là ? Évidemment les quatre disciples dont la vocation est racontée, I, 16-20. Or, Jacques et Jean étaient du nombre. Comment Marc peut-il dire : « Ils vinrent avec Jacques et Jean ? » Klostermann a supposé que Pierre en rapportant ce fait, disait : « Nous vînmes dans ma maison avec Jacques et Jean. » Pareille supposition donne l’explication du récit incorrect de l’élection des douze, ainsi rédigé : « Et il en établit douze avec lui… et il donna à Simon le surnom de Pierre ; et Jacques le fils de Zébédée (xa’Ictxarêov, à l’accusatif), etc. » iii, 13-17. L’irrégularité de la phrase s’explique si l’on admet que Pierre disait : « Il nous établit douze… Simon à qui il donna le surnom de Pierre, et Jacques, etc. » Zahn, Einleitung in dasN. T., t. ii, p. 246, ajoute un troisième exemple. Après la transfiguration le récit continue : « En arrivant vers les disciples, ils virent une grande foule, etc., » ix, 14 ; ce qui se rendrait mieux : « En approchant, nous, vîmes, etc. » Cf. Godet, Introduction au N.’T., t. ii, p. 385-387.

Enfin, on a remarqué que l’Évangile de saint Marc, présentait dans ses récits un relief, une précision de détails, une netteté de frappe, qui supposent un témoin oculaire. Voir col. 742. Puisque l’auteur n’a ni vu ni entendu le Seigneur, puisqu’il écrivait de souvenir, on explique ce caractère de son livre par cela qu’il reproduit les prédications de saint Pierre, témoin et parfois acteur des faits racontés. Tout concourt donc à justifier l’attribution traditionnelle du second Évangile à Marc, disciple et compagnon du prince des apôtres. Aussi Harnack, Die Chronologie der altchrist. Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, 1. 1, p. 652, déclare-t-il, « qu’il est impossible de mettre en question l’identité de notre Évangile de Marc avec l’écrit évangélique que la tradition, par la plume de Papias, attribue à Marc qui avait été secrétaire de Pierre. »

II. Intégrité. — Les critiques ne signalent dans le texte du second Évangile aucune autre grande interpolation que celle de la finale actuelle. Marc, xvi, 9-80. On trouve même dans quelques documents d’autres conclusions à la place de la plus répandue. Il nous faut donc : 1° exposer les arguments apportés pour et contre l’authenticité de la finale ordinaire ; 2° montrer que les conclusions différentes ne sont pas originales.

I. ARGUMENTS POUR OU CONTRE L’AUTHENTICITÉ DE