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MARC (ÉVANGILE DE SAINT)

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date. Le dernier verset affirme que les apôtres avaient prêché l’Évangile partout, xvi, 20, pour remplir la mission donnée, xvi, 15, d’aller dans le monde entier. Ce verset suppose réalisée une diffusion de l’Évangile en dehors de la Palestine et dans le monde païen, à moins qu’on ne regarde l’adverbe icavra^oO comme une hyperbole. D’autre part, la ruine de Jérusalem y est annoncée comme future, xiii, 14, , sans qu’aucun détail permette <le penser que l’événement est déjà réalisé. Cependant quelques critiques, comparant Marc, xiii, 24, avec Matth., xxiv, 29, concluent de la suppression d’ejBéwç et <le l’emploi d’une formule plus vague, que saint Marc, écrivant après la ruine de Jérusalem, veut laisser place à un intervalle entre cette catastrophe et la parousie finale. La conclusion ne s’impose pas, parce qu’il n’est pas sûr que saint Marc ait connu saint Matthieu et que par la suppression d’une circonstance de temps il ait touIu corriger son récit.

2° Témoignages des Pères. — Us ne sont pas convergents. Le plus ancien de tous, celui de saint Irénée, rapporté par Eusèbe, H. E., t. xx, col. 449, parle de la prédication des Apôtres et de la date des quatre Évangiles. Matthieu a écrit, pendant que Pierre et Paul prêchaient l’Évangile à Rome et fondaient l’Église. Me-rà ôè tt]V toutûjv e^oSqv Mapxoç… xcù ocijtoç Ta utco Ilétpou xripussduevoc £YYP « ?<" > 5 1 nP"v ixapa6£Sa>x£. On entend généralement ce passage dans ce sens que, si saint Matthieu a composé son Évangile du vivant des apôtres Pierre et Paul, Marc a rédigé le sien après leur mort. Quelques critiques veulent interpréter dans le même sens le témoignage du prêtre Jean. Comme il a dit à Papias que Marc reproduisait les instructions de Pierre, « selon qu’il s’en souvenait, » ils concluent que Pierre n’était plus là pour le guider et qu’il était mort, lorsque Marc écrivit son Évangile. Mais les autres Pères, qui parlent <le la date du second Évangile, la placent avant la mort de saint Pierre. Ainsi Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, S. E., ii, 15, t. xx, col. 172, nous apprend que, lorsque Pierre eut combattu Simon le magicien par l’éclat de sa parole, ses auditeurs prièrent Marc, son compagnon, de leur laisser par écrit les instructions de Pierre. Eusèbe ajoute que Pierre, ayant appris par la révélation de l’Esprit ce qui s’était fait, confirma l’écrit de Marc pour servir à l’usage des Églises. Le même historien rapporte encore, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552, un autre témoignage de Clément d’Alexandrie. Celui-ci a appris de la tradition des prêtres que les Romains, auditeurs de Pierre, demandèrent à Marc de consigner par écrit les prédications de son maître, et que Pierre, ayant appris ce désir, ne s’y opposa pas, mais ne l’encouragea pas non plus. Un troisième fragment de Clément, conservé en latin, dit encore que 3tarc rédigea son Évangile, tandis que Pierre prêchait publiquement à Rome. Origène est moins explicite ; il dit seulement que Marc a composé son Évangile, « selon que Pierre le dirigeait. » Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581. Eusèbe ne dit, pour son propre compte, rien de précis sur la date du second Évangile. Saint Épiphane, Hxr. li, 6, t. xli, col. 900, affirme que Marc, après avoir écrit son Évangile, fut envoyé par saint Pierre en Egypte. Saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609, répète les renseignements de Clément d’Alexandrie. Les critiques modernes regardent ces dernières données comme une modification, sinon même une déviation de la tradition primitive, représentée dans toute sa pureté par Papias et saint Irénée.

3° Opinions des critiques. — Les arguments intrinsèques et extrinsèques n’ayant pas une valeur ou une autorité irréfragable, les critiques ont émis sur la date du second Évangile des opinions différentes. Sans parler de ceux qui, ne tenant aucun compte de la tradition, proposent des dates qui dépassent le h* siècle, voir t. ii, col. 2062, les autres suivent deux courants, ’selon qu’ils


se rallient au témoignage de saint Irénée ou à ceux des autres Pères. Dans le premier courant, le second Évangile serait postérieur à la mort de saint Pierre. Pour quelques-uns, il serait même postérieur à la ruine de Jérusalem. Jûlicher, Einleitung in das N. T., 3e et 4e édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 255. Mais, comme nous l’avons dit, plus généralement on le regarde comme antérieur à cet événement. Harnack lui-même le concède et indique comme date vraisemblable la période 65-70. Ms r BatifTol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit, Paris, 1897, p. 61, se rallie à ce sentiment. Cf. Trenkle, Einleitung in das r N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 110 ; V. Rose, Évangile selon S. Marc, Paris, 1904, p. xi-xii. M. Schanz, Commentar ûber das Evangelium des heiligen Marcus, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 46 ; M. Fillion, Évangile selon S. Marc, Paris, 1883, p. 14 ; M. A. Schæfer, Einleitung in das N. T., Paderborn, 1898, p. 225, adoptent la date de 67. Conciliant entre eux les renseignements fournis par les Pères, Zahn, Einleitung in das N. T., 2e édit., Leipzig, 1900, t. ii, p. 203204, pense que saint Marc a rédigé son Évangile en 64 et qu’après en avoir interrompu la composition, il l’a publié trois ans plus tard, le destinant à un cercle plus étendu que celui pour lequel il avait été entrepris. Godet, Introduction au N. T., Neuchâtel, 1899, t. ii, p. 382, 427, est d’un sentiment analogue et il estime que Marc peut avoir commencé à rassembler les matériaux de son œuvre du vivant de saint Pierre et ne l’avoir achevée et publiée qu’après la mort de cet apôtre. Robinson, The study of ihe Gospels, Londres, 1902, p. 17, conclut que l’Évangile de saint Marc a été rédigé entre 60 et 65, sinon même plus tôt ; toutefois l’année 65 lui paraît la date la plus probable. Cependant la plupart des critiques catholiques attribuent au second Évangile une date antérieure. Quelques-uns rattachent sa composition au premier séjour de saint Pierre à Rome après 42. Belser, Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 62-66, a soutenu ce sentiment avec beaucoup d’érudition. Il fixe la date de la première édition du second Évangile à l’an 44, mais il croit, lui aussi, que Marc publia en 63 ou 64 une seconde fois son récit pour un cercle plus étendu de chrétiens que celui des Romains pour qui il avait été d’abord écrit. Ce sentiment se heurte à de grosses difficultés. Sans compter que le premier voyage de saint Pierre à Rome, en 42, n’est pas absolument démontré, il est difficile de concilier la présence de saint Marc à Rome à cette date avec la chronologie généralement reçue de la vie de l’évangéliste, puisqu’on rapporte à l’année 52 son voyage à Chypre en compagnie de Barnabe. Pour cette raison, d’autres critiques catholiques retardent de quelques années la composition du second Évangile. Le P. Cornely, Introductio specialis in singulos N. T. libros, Paris, 1886, p. 117, la place dans l’intervalle de 52 à 62. Le P. Knabenbauer, Comment, in Ev. sec. Marcum, Paris, 1894, p. 11-13, semble se ranger à cet avis. Tous ces derniers critiques essaient de concilier le témoignage de saint Irénée avec celui des autres Pères. S’ils ne recourent plus à la leçon exSoixtv de quelques manuscrits au lieu de è’£o80v, parce qu’on la regarde comme une correction faite d’après la traduction latine de Ruûn : exitum, ils interprètent, du gmoins, l’expression t£oSoM. Ils l’entendent, non pas du trépas de saint Pierre et de saint Paul, mais de leur sortie ou départ. Us appuient cette interprétation sur deux raisons. Ils remarquent, d’abord, que saint Irénée a parlé du départ des Apôtres de la Palestine, exierunt in fines terne, et de leur dispersion dans le monde, et ils prétendent que c’est à ce départ qu’il faut rapporter le terme é^oSo ; . Ils ajoutent que saint Irénée, en disant que Marc a rédigé ti fiiri » FU-rpou xK)pu<x<x<$[ « va, entend par l’emploi de ce participe présent que saint Pierre était encore vivant, car, s’il avait voulu parler de sa mort, il aurait dû employer le participe passé x7)pux6évTa. Il

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