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MARIAGE


9° Caractère de cette législation. — La loi mosaïque s’accommodait aux mœurs du temps en autorisant le divorce et en laissant en vigueur l’usage de la polygamie, qui pratiquement n’était le plus souvent pour les Israélites que de la bigamie. Le plus grand malheur consistant pour eux à n’avoir pas d’enfants, il fallait bien leur permettre de prendre une seconde femme quand la première ne leur en donnait pas. Moïse ne pouvait « changer brusquement ces coutumes pour rétablir les institutions primitives de l’humanité, la monogamie et l’indissolubilité absolue du lien conjugal… Il fallait, pour établir cette loi dans sa pureté et sa rigueur, la grâce puissante attachée à la loi évangélique », et encore, on sait le grand étonnement des Apôtres quand Notre-Seigneur formula les conditions du mariage chrétien. Matth., xix, 10. « Moïse devait se tenir dans une région moins élevée et se borner à faire respecter le lien conjugal, par la répression de l’adultère et la prohibition de la prostitution. Il est yrai que l’on trouve à une époque très ancienne le principe de la monogamie en vigueur chez certains peuples, chez les Hellènes et les Latins. Mais cela ne rendait pas l’établissement de ce principe plus facile, chez les Hébreux, dont les mœurs étaient toutes différentes. Sous bien des rapports, le peuple choisi de Jéhovah était, quant à ses coutumes et ses instincts, inférieur à d’autres peuples. Sa mission venait du libre choix du Créateur et non de ses mérites. » De Broglie, Conf. sur l’idée de Dieu dans VA. T., Paris, 1890, p. 240, 241. Ces concessions avaient pour contrepoids les empêchements de parenté et les règles sévères de pureté légale, qui maintenaient l’idée et la pratique du mariage à un certain niveau moral et contrastaient heureusement avec la licence tolérée chez d’autres peuples sous ce rapport particulier.

IV. DANS L’ANCIENNE LÉGISLATION BABYLONIENNE. —

La législation du Pentateuque sur le mariage et sur la constitution de la famille devrait être, à en croire bon nombre d’auteurs, rapportée à une époque très postérieure à Moïse. La découverte du code des lois de Hammourabi, qui régnait à Babylone à une date qu’on fixe entre le xxme et le xxe siècle avant J.-C, suivant le ? assyriologues, cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. ii, 1897, p. 27, oblige au contraire à penser que Moïse n’a souvent fait que codifier des usages que les ancêtres de son peuple avaient rapportés de la Chaldée et auxquels les Hébreux avaient dû rester à peu près fidèles durant la période de leur développement en Egypte. Voici les articles du code babylonien sur le mariage qui se retrouvent dans la législation mosaïque ou dans les coutumes israélites :

1° Fiançailles, — La femme peut être unie à un homme, tout en étant encore vierge et en demeurant chez son père. L’union est pourtant déjà parfaitement légale et réelle, si bien que celui qui violente cette femme est puni de mort. Art. 130. C’est absolument la situation de la fiancée hébraïque. Voir Fiançailles, t. ii, col. 2231.

2° Dot. — La fiancée recevait de son père un trousseau et parfois d’autres biens ; mais le fiancé fournissait une dot au père de la jeune fille. De là, différentes éventualités possibles. Si le jeune homme, après avoir versé la dot, ne veut plus épouser la jeune fille, la dot reste au père de cette dernière. Art. 159. Si c’est le père qui ne veut plus donner sa fille après avoir reçu la dot, il doit rendre ce qu’il a reçu. Art. 160. Ce qu’une femme a apporté en se mariant appartient à ses enfants après sa mort. Art. 162. Si elle meurt sans enfants, ce qu’elle a apporté retourne à son père, restitution ou défalcation faite de la dot reçue par ce dernier. Art. 163, 164. Chez les Hébreux se retrouve l’usage invariable du mohar ou dot payée par le fiancé ou ses parents au père de la jeune fille. Voir Dot, t. ii, col. 1495. L’apport de la femme n’est constaté qu’une

fois, .Tud., xv, 18, mais il est certain que la fiancée pouvait être héritière, par conséquent posséder des biens personnels, auquel cas il était pourvu à ce que ces biens ne sortissent pas, sinon do la famille paternelle, du moins de la tribu. Num., xxxvi, 8.

3° Épouse et concubine. — Le mari dont la femme n’a pas d’enfants peut prendre une seconde femme, à condition toutefois de. garder dans sa maison et de sustenter la première, si celle-ci ne préfère retourner dans la maison de son père avec ses biens personnels. Art. 148, 149. Celui qui a eu des enfants de l’esclave que lui a donnée sa femme ne peut épouser une autre concubine. Art. 144. Si sa femme n’a pas d’enfants, il peut épouser une concubine, mais sans lui donner le rang d’épouse. Art. 145. Si l’esclave qui a eu des enfants du mari cherche querelle à sa maîtresse à propos de ses enfants, la maîtresse ne peut la vendre, mais elle la marque et la garde comme esclave. Art. 146. Elle ne pourrait vendre une pareille esclave que si elle n’avait pas d’enfants. Art. 147. Chez les Hébreux, on constate la même distinction entre épouses et concubines. Voir Concubine, t. ii, col. 906. On voit Sara, Gen., xvi, 3, Rachel, Gen., xxx, 4, Lia, Gen., xxx, 9, et d’autres donner leur esclave à leur mari pour qu’il en ait des enfants. Quand Agar eut un enfant d’Abraham, elle méprisa Sara, qui la maltraita et l’amena à s’enfuir. Gen., xvi, 6. Plus tard, Sara demanda impérieusement qu’Agar fût chassée. Cette demande déplut fort à Abraham, qui voulait sans doute s’en tenir à la règle de ses ancêtres, et il ne fallut rien moins que l’intervention de Dieu pour le décider. Gen., xxi, 10-12. La loi babylonienne limite, au moins en certains cas, le nombre des épouses et des concubines. Elle permet une seconde épouse, mais seulement quand la première est stérile, et elle interdit une seconde concubine à celui qui en a déjà reçu une de sa femme et en a obtenu des enfants. Voir la traduction des textes du code d’Hammourabi, col. 336. D’assez nombreux exemples montrent que, chez les anciens Hébreux, la polygamie s’est étendue bien au delà de ces limites.

4° Dignité du mariage. — Plusieurs lois consacrent la dignité du mariage et lui assurent une haute importance dans la constitution de la société babylonienne. Celui qui a calomnié une fiancée et ainsi a empêché son mariage ne peut ensuite prétendre à l’épouser. Art. 161. Si un homme a des enfants à la fois de sa femme et de sa concubine, ces enfants partagent ses biens à parts égales après sa mort, en laissant toutefois ceux de l’épouse choisir les premiers. Art. 170. La paternité met donc tous les enfants légitimes à peu près sur le même rang, avec une préférence cependant pour ceux qui sont nés de l’épouse. Si une jeune fille libre se marie avec un esclave, les enfants qui naissent du mariage sont libres. Art. 175. Du reste, l’épouse est considérée dans le mariage surtout par rapport aux enfants. Ainsi, la femme qui n’a pas d’enfants peut, en certains cas, se retirer chez son père. Art. 149. À défaut d’enfants, ses biens retournent à la famille paternelle. Art. 163, 164. Si elle devient veuve après avoir eu des enfants, elle se doit à ces derniers, ne peut se remarier qu’avec autorisation du juge et après inventaire des biens qui doivent revenir aux enfants du premier mariage et demeurent inaliénables. Art. 177. Elle peut disposer des biens que son mari lui a laissés, en faveur du fils qu’elle préfère, mais non en faveur d’un frère à elle. Art. 150. Les époux sont responsables solidairement des dettes contractées dans le mariage, mais nul n’est responsable de celles que son conjoint a contractées avant le mariage. Art. 151, 152. Ainsi, dans le mariage babylonien, tout vise à la procréation des enfants et à la prospérité de la descendance. Les mêmes idées ont régné chez les Hébreux ; chez eux, l’épouse compte surtout comme mère, et l’héritage passe aux enfants suivant des règles assez larges qui ne diffèrent