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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/67

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121 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 122

la 3e édition de sa Geschichte der heil. Schrifte des N. T., au § 452, en entendant cela pourtant de la recension hexaplaire faite par saint Jérôme. Or voici que tout dernièrement M. Burkitt, The Old Latin and the Itala, Cambridge, 1896, p. 55-65, Texts and Studies, t. iv, n. 3, a tenté à son tour de démontrer que l’Italique pour Augustin serait la Vulgate et la traduction même de saint Jérôme. Plusieurs graves auteurs inclinent à donner raison à Burkitt, entre autres Th. Zahn, dans le Theologisches Literaturblatt, 1896, t. xvii, n. 31 ; S. Berger, dans le Bulletin critique, 1896, 5 sept., p. 481-485 ; Corssen, Bericht über die latein. Bibelübersetzugen, Leipzig, 1899, p. 5. Mais cette opinion trouve aussi des opposants d’autorité : Mercati, dans la Revue biblique, 1897, p. 474-478, ou Rivista bibliografica italiana, 10 nov. 1896, p. 257 ; P. Monceaux, dans la Revue des Études juives, juillet 1901, p. 16 ; Kennedy, Dictionary, p. 57 ; P. Lejay, dans la Rev. d’hist. et de litt. religieuses, 1900, p. 175-176. L’opinion de ces derniers auteurs nous paraît seule vraisemblable et voici pourquoi : Dans le célèbre passage d’Augustin sur l’Itala, De doctr. christ., ii, 15, il ne peut s’agir tout d’abord de la version de Jérôme sur l’hébreu. Le livre II du De doct. christ. est de 397. Or, à cette époque, la version de Jérôme était loin d’être achevée et, de plus, Augustin la combattit jusque vers l’an 405, comme nous l’avons raconté dans les Études, nov. 1895, p. 386-392. — Il ne s’agit pas non plus de la recension de l’Ancien Testament faite par Jérôme sur les Septante. Car, de tout l’Ancien Testament, Jérôme ne fit en Italie que la première révision du Psautier (Psautier romain), qu’il recommença plus tard à Bethléhem (Psautier gallican) d’après les Hexaples d’Origène. C’est aussi à Bethléhem qu’il continua et acheva sa recension sur les Septante. Pourquoi dès lors Augustin eût-il appelé version italienne cette recension de Bethléhem ? De plus, Augustin ne connaissait guère, en 397 du moins, quand il parlait de l’Itala, qu’une très minime partie de la recension achevée à Bethléhem en 390. En effet, en 394, il ne possède encore que le livre de Job, et en 397, quand il parle de l’Itala, à peine en a-t-il fait l’éloge qu’immédiatement après il recommande aux Latins de corriger leurs textes sur les Septante : Et latinis quibuslibet emendandis græci adhibeantur, in quibus Septuaginta interpretutn, quod ad Vetus Testamentum attinet, excellit auctoritas. De doctr. christ., n, 15, t. xxxiv, col. 46. Pourquoi cette recommandation, si l’Itala est pour lui précisément un texte déjà revu sur les Septante par saint Jérôme, dont les recensions étaient si appréciées d’Augustin ? — Enfin l’Itala n’est pas non plus, semble-t-il, la recension du Nouveau Testament faite à Rome par saint Jérôme de 383 à 385. Augustin, en effet, dans le célèbre passage sur l’Italique, paraît viser surtout l’Ancien Testament, puisqu’il recommande, comme nous le voyions à l’instant, de corriger le latin sur les Septante. Mais quand il viserait aussi bien le Nouveau Testament, quelle raison de croire qu’il entendait par Itala la recension de Jérôme ? On ne le voit pas. M. Burkitt appuie son opinion sur l’accord frappant que les citations d’Augustin dans le De Consensu Evangelistarum et dans le livre Contra Felicem ont avec le texte de la Vulgate. Mais d’abord on remarque un accord à peu près semblable entre la Vulgate du Nouveau Testament et certains manuscrits (ft2) qui sont pourtant indépendants de la recension hiéronymienne. S’il est vrai d’autre part, comme le croient Kaulen, Einleitung, § 146, et M. P. Monceaux, Revue des Etudes juives, juillet 1901, p. 48, que Jérôme ait pris pour base de sa recension du Nouveau Testament précisément un texte italien, l’accord des citations d’Augustin avec le texte hiéronymien s’explique très bien, sans qu’il soit nécessaire de supposer que la célèbre Italique soit la recension même de Jérôme. Enfin, on l’a dit et répété, c’est à Milan, dans le « diocèse d’Italie », qu’Augustin a dû faire connaissance avec son texte préféré. Selon toute probabilité, c’est donc celui-là qu’il a nommé texte italique, et non point la recension romaine de Jérôme, qui était du reste encore peu répandue. Telles sont les raisons pour lesquelles on ne doit pas, croyons-nous, identifier la recension romaine de Jérôme avec les textes italiques ou milanais.

Il nous reste à dire quels sont les textes classés parmi les italiques. On cite comme étant de ce nombre, pour les Évangiles : le Brixianus (f), le Monacensis, ancien Frisingensis (q) ; pour les Épîtres catholiques, le fragmentum Monacense (q) ; pour les Épîtres paulines, le codex Frisingensis (r), les fragments de Munich (r 2), les fragments de Göttweig (r3). — Sur tous ces classements, voir en ce qui concerne le Nouveau Testament, après Westcott et Hort (pp. cit., n. 113-116), principalement S. Berger, Hist. de la Vujgate, p.5 ; Kennedy, Dictionary, p. 55-56 ; P. Monceaux, Revue des Études juives, avril 1902, p. 130 ; juillet, p. 42. — Pour l’Ancien Testament, nous n’avons cité aucun manuscrit. Cette partie ayant été jusqu’à présent fort peu étudiée, il est assez difficile de donner des exemples assurés. Kennedy a cependant essayé un premier classement, Dictionary, p. 58-60.

VII. Lieu d’origine de l’ancienne Bible latine. — Dans quel pays se fit la première traduction des Écritures en latin ? Presque tous les défenseurs de l’unité de version placent en Afrique l’origine de cette version unique, surtout depuis les lettres célèbres du cardinal Wiseman, Two letters on some parts of the controversy concerning 1 Joh., v, 7, etc., parues dans le Catholic Magazine,1832-1833, reproduites dans Migne, Demonstr. évang., t. xvi, p. 287-299. Cette opinion fut partagée par des critiques du plus haut mérite, tels que Lachmann, Tischendorf, Davidson, Tregelles, et aujourd’hui encore elle est suivie par un certain nombre d’écrivains, tels que Cornely, Introduclio generalis, t. i, p. 363 ; Gregory, Prolegomena, p. 949-950, et Textkritik, p. 596-597. Scrivener soutenait aussi cette thèse ; mais le continuateur de son œuvre, M. White, ne semble pas partager son avis. A plain lntrod., 4e édit., Londres, 1894, t. ii, p. 44, note 1.

On fait valoir tout d’abord en faveur de cette opinion des raisons externes. C’est en Afrique en effet, comme on l’a vii, que nous trouvons les premières traces certaines et positives d’une version latine, dans les œuvres de Cyprien, de Tertullien et jusque dans les Actes des martyrs de Scillium. À Rome, au contraire, tout est grec, liturgie, épigraphie, épistolographie, et cela durant plus de trois siècles. — Que l’Afrique ait possédé de très bonne heure une version latine même complète de la Bible, on ne peut songer à le nier, mais qu’il n’y en ait pas eu au même temps dans les pays d’Occident, et spécialement en Italie, et à Rome même, c’est ce qui n’est aucunement démontré. Nous avons dit plus haut, en traitant de l’antiquité de la traduction latine, pourquoi nous pensions qu’à Rome aussi bien qu’en Afrique il dut y avoir de très bonne heure une version latine. Scrivener lui-même, qui croit à la seule origine africaine, ne craint pas de dire que l’argument apporté d’ordinaire à la suite de Wiseman, et qui conclut de l’usage du grec dans l’Église de Rome durant les trois premiers siècles contre l’origine romaine d’une version latine, n’est pas un argument convaincant pour un lecteur réfléchi. A plain Introd., p. 43.

Mais il est une autre preuve en faveur de l’origine africaine, et, ajoute-t-on encore, contre l’origine romaine ou occidentale de nos versions latines, c’est la preuve tirée des africanismes de nos textes. On nous dit que nos anciennes versions regorgent de locutions populaires et rustiques, qui sont propres aux écrivains latins d’Afrique des IIe et IIIe siècles et ne se rencontrent pas dans les écrivains romains. C’est l’argument qu’a fait valoir de nouveau avec science et talent le cardinal